Christian ELONGUE

Regard croisé sur la place de la culture entre le Cameroun et le Sénégal

   Deux pays au paysage culturel contrasté ! 

 Si vous faites un tour au Sénégal, vous serez immédiatement frappé par la place qui est accordée à la culture ! La culture occupe une place centrale dans le développement et le rayonnement du Sénégal ! Le gouvernement et les populations l’ont compris et la politique de gestion du patrimoine culturel en témoigne ! Le Sénégal est l’un des rares pays d’Afrique subsaharienne a disposé d’une politique culturelle assez bien structurée ! C’est vrai que mes frères sénégalais n’en sont pas satisfaits mais c’est normal, on n’est jamais prophète chez soi ! C’est au contact de la politique culturelle camerounaise qu’il comprendrait l’écart, non ! je dirais plutôt le fossé qui existe entre nos deux pays ! C’est vrai que de sérieux efforts et réformes devraient encore être réalisées mais le visage de la culture y est moins lamentable qu’au pays des lions indomptables.

Cette place accordée à la culture au Sénégal a été initiée par le Poète-Président Senghor ! Ce chantre de la Négritude va lancer les bases du développement culturel du pays de la Teranga et ses successeurs vont s’inscrire, à des degrés divers, dans cette dynamique. Le plus récent ayant marqué les esprits est sans doute Abdoulaye Wade. Un ami sénégalais, Amidou Diallo, me résume la différence entre ce dernier et l’actuel président en ces termes :

 « Abdoulaye Wade s’intéressait davantage à la gestion de la culture qu’à celle du politique alors que Macky Sall se préoccupe plus de la gestion du politique que de la Culture »

En effet, des mégaprojets culturels et structurels ont été engagé et matérialisés sous le mandat de Maitre Wade : le monument de la renaissance Africaine, l’organsiation du 3èmeFestival mondial des arts nègres (FESMANIII), et l’on ne saurait oublier les « sept merveilles » architecturales qui vont former le Parc culturel de Dakar : le Grand Théâtre National, l’Ecole des Arts, l’Ecole d’Architecture, les Archives nationales, la Maison de la Musique, la Bibliothèque nationale et le Musée des civilisations noires (idée originale de Senghor !)…Et Macky Sall ne ferait que poursuivre les projets initiés par son prédécesseur.

     Quoiqu’il en soit, on ne peut qu’être fasciné de découvrir des pans de l’histoire sénégalaise à travers des monuments, sites historiques, musées, centres culturels qui foisonnent au sein de la capitale politique Dakar. On en retrouve à chaque grand carrefour :  des noms de hautes personnalités comme nom de rue, des statues de héros, des lieux commémoratifs, des graffitis et bien d’autres… Tous ces éléments évidemment contribuent à embellir le paysage urbain et séduisent le touriste que je suis. Tel est également le cas dans les pays Européens : En France, chaque quartier a son histoire, les ruelles portent le nom des personnes ou évènements marquant du lieu et des statuts ou espaces commémoratif existent dans chaque quartier. Tel est aussi le cas au pays des Pharaons où les bordures des routes sont couvertes par de très belles peintures rupestres, fruit de l’imaginaire social égyptien… Quand on découvre l’importance que ces pays donnent à la culture considérée comme facteur de développement et de rayonnement, la séduction laisse plutôt un gout amer ! Un gout de colère ! Un gout de frustration ! D’étonnement ! D’incompréhension !

Quand les chiffres parlent d’eux mêmes…

       Oui comment se fait-il que nos Etats, surtout d’Afrique Noire francophone, continuent à considérer la culture comme le pilier le moins important pour le développement ou « l’émergence » s’agissant du Cameroun ? Les textes prévoient de très belles dispositions et règlementations mais sur le terrain c’est un capharnaüm total ! Ces ministres se plaisent à aller passer leurs vacances ou faire du tourisme à l’étranger, à y dépenser des sommes vertigineuses et faramineuses pour acheter des souvenirs de voyage ou s’offrir de « petits plaisirs ». Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont les premiers à voter pour l’allocation d’un minuscule budget au ministère de la Culture ! Le budget alloué au ministère de la Culture et de la Communication au Sénégal est de 14.635.774.000 FCFA pour l’année 2016, une hausse de deux milliards comparés à celui de 2015. Au contraire celui du Cameroun, déjà de très loin inférieur à celui du Sénégal comme de bien d’autres pays africain, est en baisse passant de 4, 072 milliards de Fcfa (2015) à 4,059 milliards en 2016. Avec cette enveloppe budgétaire, le Ministère des arts et de la culture camerounaise occupe la 36ème pour ne pas dire le dernier parmi les ministères au Cameroun. Et celui des Travaux publics trône au sommet de la pyramide ! Quel paradoxe !!! Oui ! C’est un véritable paradoxe puisqu’il faut un sensibilité ou une éducation culturelle des citoyens pour qu’ils puissent préserver et conserver ces infrastructures qui seront construites ! Aller faire un tour au Cameroun: visitez les Archives nationales, le Musée national, la Bibliothèque nationale… Leur état est… pitoyable !!!

Lorsqu’on compare notre budget pour la culture avec celui du Sénégal, on ne peut que s’étonner toujours car nous disposons d’un budget très supérieur à celui du Sénégal : 4234,7 milliards Fcfa pour le Cameroun en 2016 contre  3 022 milliards de F CFA  pour le Sénégal. Il ne s’agit donc pas d’un problème de moyens mais de volonté politique et surtout même de prise de conscience politique ! Or la prise de connaissance précède toujours la prise de conscience et la révolte : d’où la nécessité de passer par une bonne éducation artistique et culturelle de la jeunesse africaine pour une meilleure sensibilité culturelle. Ce combat, de nombreuses associations sénégalaises, camerounaises ou internationales le mènent ! Et vous ? Avez-vous reçu une bonne éducation artistico-culturelle ? Savez vous appréciez la valeur d’une œuvre d’art ? Reconnaissez vous de la bonne musique ? La valeur d’un musée ???

Un problème d’aliénation culturelle ?

       Nos dirigeants ne prennent pas la pleine mesure de la culture dans la promotion du tourisme ! Autre secteur à l’abandon sur lequel nous ne nous attarderons point ici ! Mais nos gouvernants devraient savoir que la plus terrible et redoutable des dominations n’est point militaire mais culturelle. Le psychanalyste Albert Camus dans ses études sur les effets de la colonisation dresse le portrait du colonisé et démontre avec acuité que la plus grande réussite du colonisateur était d’avoir pu coloniser et emprisonner non pas nos corps mais notre pensée. Cette prison mentale de l’esclave vis-à-vis de son bourreau est la plus dangereuse puisqu’il préfèrera toujours inconsciemment la captivité à la liberté ! Albert Camus tout comme Albert Memmi, analyse « l’aliénation » du colonisé, et plus particulièrement du Noir antillais. Pour le jeune psychiatre martiniquais, cette aliénation est inhérente au système colonial. « Le colonialisme exerce une violence psychique, son discours : le colonisé est “laid”, “bête”, “paresseux”, a une sexualité “maladive”, explique la politologue Françoise Vergès. Et pour Fanon, « le colonisé finit par intégrer ces discours de stigmatisation, le sentiment d’être inférieur, il finit par mépriser sa culture, sa langue, son peuple, il ne veut plus alors qu’imiter, ressembler au colonisateur« . 

Afropolitanis_Christian Elongue
La culture vue par Albert Camus

Cette image de la puissance de la culture se mesure davantage à travers le cas des Etats Unis ou de la France. Regardez les performances des athlètes américains lors des récents J.O de RIO 2016 ! Qui ne connait le Cinéma Hollywoodien et ses héros ! Les superstars planétaires de musique hip hop ou RnB américaine : Beyoncé, Chris Brown, Usher, Rihanna… dont les clips se vendent comme des bouchées de pain… Je ne saurais épuiser ici les éléments culturels qui constituent la première force de pouvoir des Etats Unis ! La France, quant à elle, a largement diffusé et imposé ses idées et ses valeurs par le biais des arts et de la littérature. En effet, comme le dégageait Pierre Angoulvent :

« Le livre est le support attitré de l’idéologie d’un pays, son meilleur ambassadeur spirituel… Il est aussi le véhicule naturel des technique en honneur dans son pays d’origine, l’apologiste de ses mœurs, l’historiographe de ses gloires. Il prépare le terrain à l’exportation des produits nationaux, il sert d’introduction aux hommes et aux choses » (L’édition française au pied du mur, Paris, 1960, p. 70)

Nos dirigeants refusent obstinément à comprendre que le développement est d’abord endogène avant d’être exogène. Comme nous l’enseignait d’ailleurs mon Très Cher Professeur Joseph Ki-Zerbo qui disait : On ne développe pas, on se développe.  Je m’interrogeais même dans un autre article pour savoir si nous ne refusions pas plutôt le développement au regard de nos attitudes et actions. Le « développement » est d’abord un problème de mentalité lié au culturel, au cultuel et au spirituel avant d’être économique car c’est la culture qui façonne notre manière d’être, notre savoir être, savoir-faire. Notre vision du monde se construit ou évolue en fonction des échanges interculturels. D’où l’importance des voyages. C’est ce que le Sénégal a légèrement compris au regard de la gestion du patrimoine culturel qu’on y observe ! On ne peut que souhaiter que bien d’autres pays d’Afrique Subsaharienne et surtout Centrale, prennent le pas !


Pourquoi il faut intégrer les guérisseurs traditionnels dans le système de santé national

De mémoire, je ne connais que l’Afrique du Sud et le Sénégal qui disposent d’hôpitaux traditionnels reconnus et intégrés au sein du système médical. Celui de Keur Massar, crée en 1980 par la biologiste française Yvette Parès après avoir été initiée par le maître peul Dadi Diallo. L’hôpital traditionnel de Keur Massar a redonné à la médecine traditionnelle africaine ses lettres de noblesse, fut la première de ce genre au Sénégal et peut-être au monde. Aujourd’hui, cette structure est d’une très grande utilité dans le soin des maladies locales comme les tuberculoses, les hépatites, les paludismes, les dermatoses et même le… SIDA (C’est pas moi qui le dit oh, c’est sur leur site ^_^)

Des plaidoyers sans retours…

A contrario, au Cameroun, les tradipraticiens, bien que jouissant d’un statut légal à travers les associations des tradipraticiens de santé, ont un manque de visibilité et de soutien étatique. L’État a créé de grands « hôpitaux modernes » où des médecins officient dans des bureaux (parfois climatisés) alors que nos tradipraticiens s’époumonent dans les marchés et les places publiques pour écouler leurs produits. Seuls quelques-uns, parmi lesquels le Dr. Dewah, ont réussi à échapper à cette situation précaire et militent aujourd’hui pour la reconnaissance, la promotion et l’expansion de la tradithérapie en Afrique. C’est aussi le cas pour le Docteur béninois ERICK V. A. GBODOSSOU qui a crée en 1971 à Dakar une ONG spécialisée dans la promotion, la restauration et la conservation de la médecine traditionnelle: PROMETRA. Dans son livre Éthique, science et développement, il milite pour une symbiose entre les deux médecines ou plus de respect envers la médecine traditionnelle:

« En matière de sciences nous avons rien à envier au Nord »

Au Cameroun, la plupart des tradipraticiens ont des entreprises ambulantes. Leur bureau est le plus souvent le marché ou les agences de voyage de train ou de transport inter-urbain. Leur capital ou « fonds de commerce » réside dans une mallette (pour les plus nantis) ou un simple plastique à l’intérieur duquel vous retrouverez des plantes, des poudres et des décoctions aux vertus thérapeutiques incalculables. Qui d’entre nous n’a pas encore été assailli lors d’un voyage Douala-Yaoundé par ces tradipraticiens qui usent de la puissance de leur verbe pour nous amener à acheter leur produit ? Et comme, les camerounais sont des « Thomas », qui aiment voir avant d’accepter, ce n’est qu’après avoir gouté ou écouté les retours (témoignages) positifs des anciens clients (patients) qu’ils se décident à débourser la modique somme de 500 FCFA (ou +) pour acheter le produit. S’il n’est pas suffisamment éloquent, persuasif et comique, il peut même arriver qu’il ne vende rien et descende au terminus bredouille.

Leur service après-vente (SAV) se fait par deux canaux : en présentiel ou à distance. Le mode SAV en présentiel est pour ceux qui possèdent des centres de distribution dans les grandes métropoles et le mode SAV en ligne pour ceux qui n’en ont pas ou les deux. Tel est le cas pour le Docteur Aboubacar dont l’ingéniosité l’a amené à se servir des opportunités du numérique pour promouvoir ses produits et maintenir le contact avec ses clients. Je vous laisse découvrir une des posologies de ses médicaments visible sur son blog :

Promotion du médicament "Bouba 3" d'un guérisseur traditionnel © Christian Elongue
Promotion du médicament « Bouba 3 » d’un guérisseur traditionnel © Christian Elongue

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Comme vous pouvez très bien vous en rendre compte, il s’agit d’un tradipraticien « très polyvalent » dont le champ de compétence est très vaste. Son médicament nommé « Bouba 3 » à lui seul serait capable de soigner 32 MALADIES de « l’absence de règles à la malédiction et la malchance ». 32 ici n’est qu’une estimation et les vertus de « BOUBA 3 » pourraient aller au-delà puisque l’on retrouve le mot et cetera : « [Les MST (syphilis, chaude pisse, clamédia etc…)

Et ce n’est pas tout… !!! Dr Bouba vous assure également que son produit est efficace contre les problèmes coutumiers notamment les cas de « lavage, blindage contre la sorcellerie, poison de nuit et de jour… ». Je reconnais que seuls les camerounais pourraient connaitre les référents de la plupart de ces maladies. Un ami ivoirien à la vue des différentes maladies prises en charge par le produit « BOUBA 3 » n’a pu s’empêcher de s’exclamer :

« Yes papa ! Le produit là est puissant dèh ! Ton Dr. Bouba là est un magicien ou quoi ? »

Moi-même je ne puis lui répondre, certains parleraient de charlatanisme… C’est en tout cas ce qui ressort des propos du professeur Ouba H. Razakou, Délégué National du groupe d’initiative commune de guérisseurs de la médecine traditionnelle africaine du Cameroun, lors de la 10ème journée Africaine de la médecine traditionnelle : « […] le secteur est miné par bons nombre de faux médecins, et d’hommes aux multiples casquettes. C’est la raison pour laquelle ce genre de célébrations est organisé pour démasquer et nettoyer les brebis galeuses qui minent notre activité et travaillent à nous décrédibiliser »

ET TOI COMMENT CONSIDÈRE TU CETTE AFFICHE SUR LES VERTUS DU PRODUIT « BOUBA 3 » ?

QUE PENSE TU DE LA PLACE DE LA « MÉDECINE TRADITIONNELLE » AU CAMEROUN ?

       Quant à moi j’estime que l’importance de la médecine « traditionnelle » africaine n’est plus à démontrée. Elle est un héritage commun et jusqu’à ce jour le plus accessible étant donné qu’en Afrique, 80% de la population recoure aux services des « guérisseurs traditionnels » régulièrement. Ces derniers ont la réputation d’être capables de prédire la cause d’une maladie et les problèmes sociaux d’une personne. Beaucoup d’entre eux ont des connaissances très approfondies sur les matières végétales et leur puissances curatives. Ils utilisent des graines, tiges, écorces, racines et feuilles pour traiter les symptômes et la plupart sont à la fois herbalistes et devins.

Un pont entre la santé et les traditions

Contrairement aux médecins qui ont des « formations en sciences occidentales » et se concentrent sur les causes biomédicales des maladies, eux par contre adoptent une approche beaucoup plus holistique de la vie qui maintient un équilibre entre l’esprit, le corps et notre environnement. Il se concentre donc plus sur l’état général du patient que sur la douleur ou la maladie. C’est pourquoi je pense que la « médecine traditionnelle est un modèle de comportement pour l’homme ». Ses effets positifs sont plus durables et elle est plus respectueuse de l’environnement que la médecine « conventionnelle » dont les produits biochimiques intoxiquent nos organismes et les rendent dépendant. C’est d’ailleurs le principal mode de traitement des pygmées dans le Sud du Cameroun

Leur accessibilité…

      L’accès au médicament demeure un grand problème en Afrique et pire encore au Cameroun, la « médecine traditionnelle » est donc populaire parce qu’elle est disponible et à la portée de toutes les bourses. Un paysan des zones rurales ou enclavées ne dispose point de pharmacie. La majorité des zones rurales et péri-urbaines camerounaises ne disposent point de « pharmacies » ou de centre de santé adéquat et suffisant pour les populations locales. La situation est plus terrible et inquiétante dans la partie septentrionale du pays où les couts médicaux élevés ne permettent pas non plus aux pauvres d’avoir accès aux services de soins de santé.  Les gens alors préfèrent les guérisseurs traditionnels qui ne demandent pas toujours l’argent liquide immédiatement et sont beaucoup plus nombreux que les médecins.  Ils consultent les guérisseurs traditionnels peu importe qu’ils sont capables de payer pour les services médicaux ou non.

Des sources d’informations sur la santé et le traitement des populations

           Les guérisseurs traditionnels sont très importants lorsqu’il s’agit de développer de nouveaux médicaments, de donner des rapports sur de nouveaux cas de maladies contagieuses et trouver les moyens de garantir que les malades continuent à prendre des médicaments prescrits. Le ministère de la santé en sud-africain a mis sur pied un Conseil intérimaire des praticiens de la santé traditionnelle pour développer et gérer les connaissances des médicaments traditionnels africains ; et vise à moyen terme à publier un cadre pour la réglementation des médicaments traditionnels africains à l’horizon 2019.

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Nhamburo Masango, guérisseur traditionnel du Zimbabwe, entouré d’herbes, d’os et d’autres remèdes

Le schéma est très différent au niveau du Cameroun où la coopération entre les tradipraticiens et les médecins est purement formelle et officielle. La situation sur le terrain contraste énormément avec les textes et législations. Les guérisseurs traditionnels sont victimes d’un déni de reconnaissance et du mépris de certains médecins qui les qualifient de « charlatans » ou de « marabouts » (au sens camerounais du terme !).

      S’il est vrai de sérieuses complications résultent de l’utilisation des médicaments traditionnels, cela est aussi en partie due à l’inaction du gouvernement qui n’a pas suffisamment pris des mesures pour la réglementations et l’institutionnalisation des pratiques et praticiens de la « médecine traditionnelle » ; qui devient de plus en plus la « Cour du Roi Pétaud », un terrain où tout le monde peut s’installer sans pour autant avoir les qualifications professionnelles requises. Au Cameroun, il n’est pas rare de voir des individus changer de statut du jour au lendemain : ils passent du métier de « chômeur » à celui de « tradipraticien ». L’association en charge de la réglementation n’étant pas suffisamment étanche et rigoureuse dans la sélection. Pour éviter ces complications et autres dérives, le gouvernement camerounais devrait encourager et intensifier la recherche sur les médicaments traditionnels avant leur utilisation. Sinon l’on continuera à retrouver de pareilles posologies comme celle de notre « Très cher et Honorable Dr Aboubakar ».

       Je ne pourrais, dans un billet, épuisé les arguments sur l’importance des « guérisseurs traditionnels » dans nos systèmes de santé, j’y reviendrai dans un prochain billet. Toutefois, si la médecine dite « conventionnelle » est étrangère et détachée de nos réalités, nos croyances et systèmes de soins traditionnels, c’est à nous que revient la tache de valoriser nos propres méthodes de soins. Cette valorisation est d’abord terminologique : qu’on arrête de qualifier notre médecine de « traditionnelle » et qu’on passe de l’expression : médecine traditionnelle africaine à médecine africaine. Nous sommes les seuls à procéder ainsi car les Chinois n’appellent point acupuncture de traditionnel mais de médecine chinoise.

Pour conclure, permets-moi de te laisser en compagnie de cette réflexion de l’anthropologue de la santé béninois Roch Houngnihin:

 «Aujourd’hui en Afrique, la médecine traditionnelle n’est pas une alternative à la médecine conventionnelle. Elle constitue la principale source de soins médicaux face aux besoins croissants de la population et aux nombreux défis auxquels les systèmes de santé sont confrontés et qui se caractérisent par la faible performance des services préventifs et curatifs, le coût élevé des prestations dans les établissements hospitaliers, la forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur en matière d’approvisionnement en médicaments essentiels, l’insuffisance du personnel, les pesanteurs socioculturelles relatives à la perception, la prise en charge et la prévention des maladies, etc

« N’y a-t-il donc pas à craindre la disparition de la médecine traditionnelle devant l’ampleur de la déforestation en ville  ? »

Cet article est ma contribution dans le cadre de la campagne #SantéPourTous initiée par les blogueurs camerounais. Pour participer à cette campagne, vous pouvez suivre le hashtag #SantépourTous sur les réseaux sociaux, et partager les articles publiés dans le cadre de la campagne. Vous pouvez également (re)lire et partager les articles publiés avant celui-ci :

Le médecin n’est pas un faiseur de miracle (Fotso Fonkam)

VIH SIDA : comment vivre longtemps avec le virus ? (Thierry Didier Kuicheu)

Les hôpitaux camerounais sont des malades très mal soignés (Fabrice Nouanga)

VIH-SIDA : la nécessaire éducation (Christian Cédric)

Pourquoi l’argent est-il la priorité dans les hôpitaux au Cameroun ?(Tchakounté kémayou)

 

Le suivant sera de #Mireille Flore Chandeup et portera sur : la prise en charge des femmes enceintes jusqu’à l’accouchement. Ne le ratez surtout pas !!! (^_^)

Crédit photo de couverture: scidev.net 


8 différences entre les taxi-ville au Sénégal et au Cameroun

Les métropoles africaines se singularisent par une diversité et une hétérogénéité des modes de transport. Dans chaque pays, les façons et manières de se déplacer sont le reflet des dynamiques sociales. J’aimerais ici vous présenter des rapprochements entre les taxis de Dakar au Sénégal et ceux des capitales camerounaises.  Si vous alliez au Sénégal et empruntiez des taxis-ville, voici les éléments qui pourraient vous frapper :

1- Etat des véhicules : Les taxis de Dakar sont en meilleur état que ceux de Yaoundé !

J’ai même vu des Mercedes en très bon état qu’on utilisait pour le taxi ! A Dakar, 70 % du parc automobile est en bon état mais c’est près de 40% au Cameroun. La plupart des voitures qui servent de taxi sont celles en âge de prendre la retraite après de bon et loyaux services ! Mais est-ce que les gars comprennent ça alors ? La voiture chez nous a 4 cycles de vie : le premier c’est à Mbeng lorsqu’elle vient de sortir de l’usine. Le second c’est en « Occasion Belgique » c’est-à-dire lorsqu’elle est importée – elle sert ici de voiture de luxe à usage personnel. Il faut voir comment les gars se sentent avec… ! La 3ème vie est en mode « taxi » et quand elle est déjà très bien amortie, on s’en sert pour faire le « clando » ou pour escorter les gens au champ. En gros, une voiture importée sert au moins 20 ans avant de décéder et ce sont les accidents de circulation (très fréquent) qui les sauvent même parfois…

2- Où et comment négocier le prix ?

La règle de base c’est de ne jamais stopper le taxi devant un lieu de « luxe » comme les hôtels, supermarché, à l’entrée d’un ministère, d’un restaurant chic… Il faut toujours s’en éloigner légèrement.

Il faut être patient dans la négociation, ne jamais prendre le premier taxi venu ! C’est après avoir subi le refus de trois taxis que vous pouvez décider de hausser légèrement votre offre. Si tu viens par l’aéroport, ne jamais lui montrer que tu ne maîtrises pas le système sinon ils vont te « vacciner ». Pour plus de sûreté, il est possible de contacter des chauffeurs personnels comme c’est le cas au Cameroun.

Si tu es accompagné d’un toubab ou si tu ne parles pas wolof et demande le coût du trajet en français, alors il faut le diviser en 2 voire trois. 

3- Le code linguistique : les chauffeurs dakarois sont majoritairement « wolofphones »

Ceux qui ne parlent que le français ou l’anglais là, attention ! Si le lieu où tu vas n’est pas très connu, il y a de forte chance qu’il ne puisse t’y conduire mais il te dira qu’il maîtrise parfaitement l’endroit ! A défaut, il te déposera à 500 m ou 1 Km dudit endroit après que vous vous soyez perdu même trois fois . Quand tu lui parles français, il sourit, se gratte légèrement la tête puis te répond en Wolof ! Un dialogue de sourd quoi ! Dire que c’est le pays de Léopold Sédar Senghor, un des pères de la francophonie… ! Ici c’est la Wolofonie, à prendre ou à laisser !

4- Le « chargement » : les chauffeurs dakarois ne surchargent pas !

Surcharge de taxi au Cameroun
Surcharge de taxi au Cameroun

Les chauffeurs dakarois font l’effort de respecter le nombre de places réglementaire. Chez nous, si vous n’êtes pas au moins 7 ou 9 (ils en mettent souvent deux ou trois dans la malle arrière !), le gars ne bouge pas. Vous vous retrouvez donc serrés comme des sardines dans une boîte de conserve et si tu oses lui dire qu’il est en situation de surcharge, voilà ce qu’il te répond : « Je dis hein mon frère ! C’est toi qui m’a mis en route ? Tu sais même comment on fait pour mettre une voiture en route ?  Si ça te vexe (énerve), tu n’as qu’à buy ta part de voiture pour rouler avec. Donc, arrêtes de m’embrouiller hein ! Si tu veux être bien assis, tu n’as qu’à payer le prix de deux places ou alors tu me prends en mode « course ». » C’est alors facile ?! Si tu n’es pas un muna tété ou un bôbô, tu peux tenter ? Le plus souvent c’est quand quelqu’un est coincé et pressé qu’il accepte de se « saigner » pour prendre un taxi seul. Or à Dakar, quand tu prends un taxi pour une destination, il ne s’arrêtera plus en cours de route pour faire le ramassage. Le taxi dakarois c’est donc par défaut en mode une place. 

5- Le taxi-ville du Cameroun est un taxi-clando au Sénégal

Comme je viens de vous le dire, les taxi qui circulent au Centre ville à Dakar ne surchargent pas et sont tous légalisés. Ceux qui surchargent et évoluent en clandestinité sont concentrés dans les banlieux. Or c’est le contraire au Cameroun…

6- Les taxi-ville de Dakar ont des queues…

Afropolitanis_Christian Elongue
La « queue de cheval » d’un taxi

Oui ! Vous avez bien entendu ! Au départ très surpris j’ai eu du mal à m’accoutumer à la présence d’une queue de cheval bien visible à l’arrière des taxis. Les taximans vous diront qu’il s’agit d’un porte bonheur ! Il y a aussi ces effigies ou postiches de célèbres marabouts que vous trouverez sur ou dans leur taxi ! Chez nous, les porte-bonheur sont des postiches de Saint ou alors des chapelets accrochés au pare-brise interne. Le plus souvent, les chauffeurs baptisent (bénissent) leur taxi (pour les chrétiens) ou le fétichisent avant de le mettre en route pour éviter des accidents !

7- Le taxi dakarois est cher !

Vous vous en doutiez bien ! Rien n’est gratuit, le confort a aussi son prix ! Le prix du taxi à Dakar est donc 4 ou 5 fois plus cher que celui du Cameroun ! Même si tu veux seulement parcourir 10 m, le chauffeur te prend d’abord 500 FCFA. Si c’est un peu loin,  tu te retrouves à payer entre 1000 ou 5000 FCFA ! Quand j’y étais, j’ai effectué seulement 3 « petits trajets » et cela m’a coûté 4500 FCFA ! J’ai frôlé le palu surtout quand je comparais cela avec nos prix au Camer où on paie le taxi entre 100 et 500 FCFA. 500 quand le trajet est franchement long et la distance comparable à un mini-voyage. Si tu lui proposes 100 FCFA ou 300, le gars va biguine (se mettre) à te lap (rire) et te djoss dans un français bricolé et rafistolé : 100 Frs pour taxi ? Cé né pas dé l’argent déh ! Lé taxi cé à partir de millé francs mon frère, toi aussi ! A ce rythme ci, nos sœurs camerounaises trouveraient facilement leur « compte » avec ces chauffeurs dakarois. Surtout quand on sait qu’un taxi réalise en moyenne 70 trajets par jour. Je vous laisse le soin de faire le calcul…

8- Les systèmes de reconnaissance sont formels

Tous les taxis dakarois sont identifiables par leur couleur et tous les chauffeurs ont leur badge professionnel à jour accroché sur le rétroviseur interne dans la voiture. Mais chez nous à Yaoundé, tu vas retrouver un « personnel » qui devient « taximan par circonstances ». Lorsqu’il rentre du travail, il se met à ramasser les clients en route et coupe ainsi l’herbe sous le pied des taximans légitimes. Ou alors, tu vois des taximans qui officient sans badge ou avec des badges expirés et cela avec des contrôles routiers dans la ville…

Et alors…

Je voudrais tout simplement souligner que les taximans dakarois sont professionnellement mieux organisés et structurés que ceux du Cameroun. Ils font au moins l’effort de respecter les réglementations de base. Si le coût du taxi y est très élevé comparé à celui du Cameroun c’est parce qu’ils ne prennent qu’un seul passager ou groupe par trajet pour optimiser en gain de temps et procurer du confort au passager. Le fait de ne point parler « correctement » français, pour moi, n’est point un handicap du moment qu’ils maîtrisent bien leur langue nationale ou maternelle ! Ils incitent ainsi les étrangers à apprendre leur langue pour des besoins de communication ! Nous devrions, nous aussi au niveau du Cameroun, assurer la promotion de nos langues nationales et les utiliser dans toutes nos situations de communication non pas seulement officieuses mais aussi officielles ! Les langues française et anglaise sont importantes certes mais pas incontournables ! Nous devons les utiliser avec sagesse et continuer à investir dans la promotion et l’usage de nos langues nationales pour éviter qu’elles ne périclitent et disparaissent ! Donc en allant à Dakar, n’hésitez pas à vous procurer un bon dictionnaire Wolof-Français et à bien garnir vos poches, sinon…


Amex Bootcamp Dakar 2016, ou la volonté de transformer nos sociétés

Je viens de participer au « American Express Emerging Innovators Bootcamp », organisé en partenariat avec l’organisation américaine Ashoka afin de détecter, rassembler et inspirer des entrepreneurs sociaux contribuant au développement de leur communauté, tant dans les domaine de la santé, de l’éducation, de la sécurité alimentaire ou du numérique. De ces ateliers qui se sont déroulés à Dakar, j’en sors épuisé mais heureux.  J’aimerais décrire, échanger et partager mon ressenti suite à ce programme. J’aimerais immortaliser par les mots les moments partagés durant cet événement. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, je ne trouve point les mots. Je me remue les méninges, en quête de termes descriptifs, explicatifs ou qualificatifs à même de transmettre les émotions qui me traversent en ce moment, et malheureusement, je n’en trouve point !

Comment décrire ces sourires complices et de malice que nous échangions déjà entre nous rien que deux jours après nos rencontres ? Comment décrire les effets subséquents de ces conversations sur nos actions ? Comment transcrire l’impact de ces échanges sur nos visions ? Comment mesurer le poids de ces témoignages sur notre motivation ? Comment décrire le rôle de ces formations dans le renforcement de nos capacités ? Bref, je ne trouve point les mots pour étiqueter ces sentiments qui pétillent abondamment en moi !

Quoi de plus merveilleux que de rencontrer des jeunes qui partagent la même vision de l’Afrique que nous ! Quoi de plus beau que de se retrouver dans le récit de l’autre ! Quoi de plus réjouissant que de pouvoir partager son expérience et d’apprendre de l’autre ! Quoi de plus captivant que d’apprendre de ces entrepreneur(e)s et leaders, de découvrir leur personnalité et un pan de leur intimité !

Au-delà de la formation, ces ateliers nous ont permis de tisser des liens, de construire des réseaux, de bâtir de nouvelles amitiés, d’effacer des stéréotypes et préjugés. Ce bootcamp a infléchi notre pensée, notre savoir-faire, notre savoir être. Au-delà du changement social, il s’agit d’un changement sociétal !

Ce bootcamp est une expérience inoubliable dont les souvenirs resteront à jamais gravés dans mes stèles mentales. C’est maintenant à nous, dans nos domaines de compétences respectifs, d’investir le capital acquis durant cette formation dans nos entreprises respectives. La place de l’Afrique au sein de la mondialisation repose sur sa jeunesse. Nous sommes inéluctablement engagés dans une course de relais où le repos, pour l’instant n’est point autorisés. Nous devons éviter de commettre les mêmes « erreurs » que nos parents, de reproduire les mêmes « bêtises » et apprendre du passé pour comprendre le présent et anticiper sur le futur. Ce futur est à nous, il nous revient de le bâtir. L’ entrepreneuriat est un formidable outil pour y parvenir. Les terrains à investir sont énormes ! N’hésitons point: osons, travaillons pour toucher nos rêves car nous devons transformer les mentalités, transformer la société, Impacter l’Afrique et le monde ! Le travail est énorme mais seul notre détermination et notre persévérance feront la différence. Et comme l’a confirmé la Présidente de l’Organisation humanitaire Faisons un Geste, « Il faut avoir le courage et persévérer pour atteindre ses objectifs ». Oui ! N’abandonnons jamais car l’Histoire nous prendra à témoin, nos ancêtres ont donné de leur vie pour nous permettre d’avoir cette vie. Alors ne les décevons point. Nous avons un devoir de réussir car l’Histoire nous a déjà retiré le droit à l’échec !

Napoléon Bonaparte, « Les hommes qui ont changé l’univers n’y sont jamais parvenus en gagnant des chefs, mais toujours en remuant des masses »

Mon cheval de bataille c’est d’éduquer les enfants à la culture du livre et du débat pour en faire des citoyens conscients et responsables. Je suis convaincu du fait qu’un immense potentiel sommeille en nous, il nous faut le mettre en éveil, puis en veille ! Je suis convaincu du dynamisme de notre dynamisme et cela me rassure car je sais que nous sommes appelés à nous revoir ! D’ici là, que le Tout-Puissant nous accompagne car seul l’effort fait le fort.


De la nécessité de développer des serious games en Afrique (I)

Serious Games ! Voici un mot désormais à la mode et présent dans la bouche de tous les praticiens du monde de l’éducation et de la formation ! Moi-même, je m’en servais souvent sans trop saisir les frontières sémantiques de la notion. Ce sera grâce à un MOOC que j’ai enfin pu en saisir les contours et les pourtours. Un serious Game est tout simplement un jeu dont la finalité est autre que le divertissement. C’est le fait d’ajouter une fonction utilitaire à un jeu, de joindre le pédagogique au ludique. En effet le jeu est un merveilleux moyen pour attirer et maintenir l’attention, susciter l’engagement et la motivation de l’apprenant.

Cependant, la pratique n’a rien de nouveau en soi, car quel que soit son support, l’usage du jeu dans l’enseignement remonte au début de l’histoire de l’humanité, si ce n’est avant. Certains jeux encore populaires aujourd’hui ont également des racines très anciennes, comme l’Awalé, dont l’origine remonte au VI siècle de notre histoire. Le jeu, possède une particularité par rapport aux autres œuvres : il est interactif ! Si un film « existe » même lorsque personne ne le regarde, les jeux n’existent quant à eux que quand des humains les utilisent. Mon intérêt pour les Serious games est lié à mon caractère car j’aime autant lire que faire des délires. Je perçois les jeux sérieux comme une ressource innovante dotée d’un fort potentiel, en phase avec les problématiques actuelles et notamment prendre en compte un nouveau rapport au savoir induit par le numérique, intéresser et motiver les élèves, individualiser les apprentissages.

Jeu de sensibilisation aux menaces du séisme
Stop Disaster: un jeu sérieux pour sensibiliser sur les séismes

D’après moi, les serious games sont une ressource, un outil parmi d’autres à la disposition de l’enseignant qui veut diversifier sa pédagogie – qui le doit même et de plus en plus s’il veut intéresser ses élèves. C’est une ressource qui a des spécificités particulières : simulation, interactivité, immersion, feedback et statut de l’erreur notamment. En effet, à travers le jeu, l’erreur n’est plus un facteur anxiogène pour les élèves ou apprenants.  Les choix se font à travers un personnage ou avatar, dans certains jeux les parties peuvent être rejouées, des bonus sont attribués… Le débriefing de fin de partie se déroule paisiblement et les élèves n’hésitent pas à présenter leur action et leurs difficultés dans le jeu. Cela la positionne comme ayant un vrai potentiel pour répondre aux problématiques actuelles, à condition bien sûr que le jeu soit compatible à des usages adaptés à une organisation scolaire contraignante (heure de cours, disciplines séparées).

Cela répond à une prise de conscience des enseignants qui ont envie de sortir du cadre encore très répandu du cours magistral qui, lorsqu’il est systématique, ennuie les élèves d’aujourd’hui et aussi certainement pas mal d’enseignants ! Ce dernier devient « accompagnateur » car les élèves n’hésitent pas à interpeller le professeur pour avoir un avis, de l’aide pour la progression dans le jeu… et interviennent pour s’aider mutuellement. C’’est l’enseignant qui fait le lien entre l’expérience de l’élève dans le jeu et les savoirs enseignés. Mais encore faut-il qu’il y ait des points de contact entre le jeu et les savoirs enseignés… C’est une vraie problématique : si des jeux présentent ces points de contact de manière assez évidente, d’autres, qui n’ont pas été conçus spécifiquement en rapport avec les programmes ni même pour des usages dans l’éducation, permettent néanmoins des usages tout à fait pertinents.

 

Utiliser les jeux sérieux c’est mettre l’accent sur le plaisir d’apprendre dans le cadre d’une pratique qui diversifie les approches, pour un plaisir renouvelé d’enseigner… Il existe une différence entre les serious games et les serious gaming. Les premiers désignent des jeux créer essentiellement dans une visée éducative. Le plus souvent il s’agit des organismes et entreprises spécialisées dans la formation qui développent ces jeux. Le serious gaming par contre consiste à détourner les usages d’un jeu essentiellement ludique pour lui rattacher une visée éducative. Ici on prend un jeu destiné au divertissement pour l’utiliser dans un cadre pédagogique. C’est l’option choisie par la plupart des institutions francophones car la création d’un serious game numérique nécessite en moyenne 150 000 Euros et rares sont les ministères de l’éducation qui autorisent ce genre de dépense.

De nombreuses activités pédagogiques peuvent être réalisées avec des Serious Games, de la maternelle à l’université. En Europe, certains enseignants par exemple, emploient le jeu Sim City pour illustrer des cours en Geographie sur l’aménagement urbain. Grégoire Panier, enseignant de collège à l’Académie de Reims se sert du jeu Stop Disaster pour expliquer de manière ludique la prévention et la préparation des populations face aux séismes. Fanny Hervé, Professeur d’économie et de gestion, pour illustrer les principes du commerce équitable, a intégré le jeu « Dans la peau d’un producteur de café ».  Avec l’insuffisance des jeux sérieux africains, j’ai pris l’initiave d’en créer un: Eloquentia Cards. Un jeu sérieu papier-ciseau qui permet d’initier les jeunes à la pratique de l’art oratoire et du débat structuré à travers des cartes dont le choix aléatoire permet l’attribution de roles spécifiques aux différents participants. Je vous le présenterai dans un prochain billet, de même que l’état  des pratiques pédagogiques en rapport avec le Serious Game sur le continent.

 

A Bientôt !

 


So good, so ugly!

Les fleurs qui se flânent

Les jeunes qui boivent

Le présent est lunaire et le temps profond

Difficile ! L’avenir pas bon

Le salut ne viendra point de son être


Complainte d’une fille Android !

Lentement, surement.

Clairement, doucement, simplement.

Dis-moi. Homme de ce siècle.

Vite, vivement fais-le.

 

Je passe les jeunes années dans les luxures mondaines

Avec vous, pour vous,  par vous

J’entasse mes années de maturité à te chercher et tu fuis

Ma montagne d’espoirs traine dans la cale de l’histoire.

Le ténébreux plaisir passé de l’instant libre orgie

Tes  larmes, ton cœur ta flamme ne s’embrasent plus pour moi

Toi profiteur ! Mes larmes  remplissent le Stix et toi

Tu ne t’empresses.

Rapidement, vite, vivement fais-le  jeune Homme

Mais avant

Lentement, surement. Clairement, simplement.

Dis-le-moi. Homme poltron. Chantre du laxisme

 

De quoi as-tu peur ?

Qui te rend si blême tel l’anémone de mer ?

Je hais les temps présents qui présentent les Hommes

Eternels célibataires

Je déteste ce temps, rempart séculaire qui durcit leur courage

Sors. Parle. Dites-nous.

Lentement, surement. Clairement, simplement.

Dis-le-moi. Homme poltron. Maintenant.

Cupidon secouez le.

Oh ! a la rescousse Cupidon

Vite, vivement, rapidement

Qu’il me place dans le cercle magique, cette prison libératrice

De mon âme vagabonde

L’anneau  qui enchaine mes angoisses

Ma bague de mariage.


Triste spirale heureuse

Une main dans les chaînes ferrées, un œil poché, l’autre fermé. De la sardine pour l’autre rive

Un crâne qui suce les rayons. Le soleil du satrape ; le satrape l’étouffe l’utilise. Son animal ?

Et pourtant la chaleur de Harlem scande les éternels blues. Les jazz qui calment  le volcan

Le vent porte son talent au-dessus des Muses. Le noir. L’âpre destin que cet homme !

El esclavo negro

Le cacao sur la tête, le café sur le dos. Voici qu’il va peaufiner l’agape de celui-là

Celui-là le vend, l’achète et le revend. Au Négrier de malheur. L’Amérique

Son tissu verdoyant, doux de soie devient chauve. Son sous-sol le sera

L’épée le transperce et il ne meurt. Le Spiritual toujours débout !

El africano

Au crépuscule, Prométhée naitra sur ces braises. Le chaudron nègre

Les larmes du Kilimandjaro. La source des feux d’artifice des muntus gagnants

Blême, sourd. Sale, pauvre. Apre d’aujourd’hui. Flambant, craquant. Devant.  Demain

Quartier général du sourire. Lampe garde  partage. Front vert qui apaise la colère du monde.

El porvenir es Africa.


(Mon) dictionnaire de l’arabe dialectal égyptien : tome 1.

On commence par un petit apéro…

La langue est surement la clé qui ouvre les portes d’une culture. Composante fondamentale de toute civilisation, la langue est le socle des valeurs, le réservoir des connaissances et de la vision de tout peuple. L’existence d’un peuple est même souvent rattachée à la présence d’une langue parlée ou employée par une communauté d’usager. Il existe même de très petite communauté dont la légitimité n’a été reconnu que grâce à l’existence et l’usage d’un code linguistique qui leur est propre. L’intégration à la mondialisation nous oblige, insinueusement à être bilingue non seulement pour avoir de meilleures perspectives d’emploi mais le fait de parler deux ou plusieurs langues est une stimulation au niveau cognitif et même une certaine protection contre la survenue de la démence.

Mais bon, laissons ça de coté. J’ai commencé par une digression avant d’attaquer le fond même de mon article : l’importance capitale que revêt la langue pour accéder à une culture étrangère. Depuis près de deux ans que je vis en Egypte, l’usage courant de la langue arabe a toujours été mon plus grand défi. Vivre en Egypte sans parler l’arabe c’est comme vivre sur la lune. Non ! J’exagère un peu : c’est comme vivre au royaume des sourds-muets ! Quand tu ne maitrises pas l’arabe, toute communication voire l’intégration devient très difficile. Et il faut effectuer de véritable gymnastique pour se faire comprendre par l’égyptien lambda. Des cours d’arabe que j’ai reçu à mon arrivée à l’université Senghor, je n’ai retenus qu’une poignée dont je vous donnerai la signification et mes différents usages.

1. Allartoulle : l’indicateur géographique le plus utilisé des senghoriens.

Allartoulle: nom masculin singulier qui signifie « droit devant » ou « tout droit ». Sens 1 : C’est le principal mot qui me sert comme indicateur géographique surtout lorsque tu es embarqué dans les transports publics. Pour indiquer au chauffeur ou au taximan que tu n’es pas encore à destination, il suffit de prononcer le mot magique « Allartoul » pour qu’il comprenne. Il va essayer d’avoir davantage de précision mais comme c’est tout ce que je connais, je repète seulement « allartoul » ou à défaut je donne le nom d’un lieu ou batiment connu autour de ma destination. Sens 2 : Cette expression dans le jargon senghorien est synonyme de « allons jusqu’au bout » et sert à exprimer le courage ou la détermination à achever une action ou une activité. Chez nous au Kamer, on dit « ça sort comme ça sort » et les Ivoiriens avec Molaré diront « Allons seulement… ! »

2. Habibi, expression de l’affection mais à usage modéré.

Sourire niais d'une égyptienne
Daniel Kliza_Egyptienne a Giza
  • Habibi : Sens 1 : Ce mot était « mouckellatique » car il avait une connotation différente selon qu’on passait d’un milieu ou d’un individu à un autre. Tu vas le dire à un égyptien et tu le verras sourire. Tu dis la même chose à un autre et il s’énerve. Mais l’important c’est de ne jamais le dire à une « femme » égyptienne sauf si c’est une amie intime. Sinon elle affichera un sourire gené et se sentira embarrassée ou alors elle feindra l’indifférence. Si par malheur, des hommes sont aux alentours, tu verras des regards suspicieux se poser indélicatement sur toi. Mais si par malchance, c’est son époux qui est là et t’entend appeler sa chérie ainsi, mon frère tu auras chaud… Je réservais donc l’usage de ce terme affectif pour certaines collègues noires africaines de l’Université car l’expression « chérie » chez nous  a presque été banalisée et désémantisée.
  • Sens 2 : Habibi était aussi le sobriquet affectif que nous avions attribué à une sexagénaire indigente dont le « bureau » était à l’entrée de l’Université. Très courtoise, elle nous saluait chaque matin à notre descente des bus. Elle se montrait aussi très « affective » et reconnaissante quand elle recevait certains égards ou geste de magnanimité des passants.

3. Mafich Mouckella ou l’expression de l’entente.

  • Mafich Mouckella: expression courante qui sert à marquer l’assentiment ou l’entente entre deux parties après une discussion. Le mot « mouckella » en arabe signifie « problème ». Donc quelqu’un de « mouckellatique » c’est quelqu’un de « problématique ». C’est le genre de personne qui ne peut s’empecher de semer la pagaille autour de lui ou de provoquer. J’employais donc l’expression « Mafich Mouckella » surtout après une discussion pour indiquer que je n’en tenais rigueur à personne : qu’il n’y avait point de souci. Qu’on était quitte quoi.

Kétire : terme économique très nécessaire et « stratégique » pour les négociations.

  • Kétire: expression qui signifie littéralement « c’est très cher ». C’est l’un de mes mots préférés. Surtout lorsque je fais des achats dans les magasins des avenues commerciales de Khaled Bin Walid ou dans les prêts à porter de Mancheya. Je dois vous avouer qu’avant ma venue en Egypte, j’avais toujours cette fâcheuse habitude devenu réflexe de vouloir marchander et négocier le prix. En tant que fils de commerçants, j’avais gardé en esprit que le premier prix qu’on appelle chez nous « prix taxé » n’était jamais le « bon prix ». Chez nous, quand tu fais le marché, que ce soit à Mboppi ou dans n’importe quel marché, c’est après de apres et dures négociations que le vendeur te fait des réductions qui équivalent parfois à 15 ou 20% du « prix taxé ». Mais ça c’est au Cameroun, en Egypte, c’est tout autre chose ! Les prix ne se discutent pas sinon très rarement ! C’est presque comme à Monoprix : on t’informe seulement du montant et c’est à prendre ou à laisser ! Tu montes tu descends tu vas sauf que buy alors retourner avec tes dos. Et si tu penses qu’ils vont t’appeler pour accepter te faire un rabais, c’est que tu as menti. Tu vas faire 100, 200… 800 m en attendant qu’il te rappelle, comme ça se fait chez nous, mais il n’y aura rien. Quand tu retournes la tête après un km, tu vas constater qu’il ne te gère même pas et il va continuer avec d’autres clients ou vaquer à d’autres occupations.

Malgré ce constat, je ne pouvais m’empêcher de vouloir marchander : d’autres diront que c’est le sang bami qui coule dans mes veines (et puis quoi ?!) Je suis bami et fier de l’être : ma’a calcul, ma’a plan. Si ça t’énerve, tu sautes et tu… C’était juste une autre parenthèse hein 😊 ! Je disais donc que le mot « Ketir » était le premier son que j’émettais, presqu’automatiquement, lorsqu’un boutiquier, surtout de la rue, m’indiquait le prix d’un article vestimentaire. Ils étaient toujours surpris de voir que je ne parvenais plus à dire autre chose par la suite car c’était le seul mot marchand que je maitrisais en arabe. On poursuivait donc les négociations avec des expressions faciales, des mimiques ou de la gestuelle pour signifier soit mon accord ou désaccord.

Même si je ne parlais pas arabe, je faisais souvent à quelques petites astuces d’art oratoire pour ramollir le vendeur. Comment ? En suscitant la conversation autour du … football : une passion pour la plupart des égyptiens qui sont friands du ballon rond comme un chien pour un os. Ils vont directement vouloir te rappeler qu’ils sont les pharaons du football africain avec 7 trophée de CAN à leur actif. Ils se lançaient donc dans un long discours panégyrique pour leur joueur favori Abou Treicka qu’il disait être le meilleur de tous les temps. Je ne m’y pretais que partiellement puisque ma stratégie était de le rendre joyeux pour qu’il rabaisse le prix de mes articles !

Atteignais je mon objectif ainsi ? A 70 % oui, cela marchait ! Je parvenais ainsi à économiser environ 20 à 30 % sur le prix initial des articles qu’ils prenaient souvent un malin plaisir à augmenter en pensant que je suis un Afro-américain.

Evidemment, les « muna for borbor » ne se prêtent pas à ce genre de jeu. C’est donc difficile de voir un « boss » employer le mot « Ketir ». D’où la différenciation sociale observée dans l’usage de ce mot.

Shoukran, expression passe-partout de la gratitude ou d’un remerciement.

  • Shoukran ou « Merci » car j’ai toujours été poli envers les autres. Je l’utilise donc à tout moment pour remercier des services que je reçois. Il m’arrive même parfois de dire « Merci » lorsque victime de railleries ou de moqueries. L’indifférence est parfois la meilleure réponse aux incultes.

Bon, je pense qu’il faut que j’arrête là pour l’instant sinon l’article ci risque d’être très long (comme si ce n’est pas déjà le cas) et ça risque te fatiguer ( 😊 j’espère c’est pas le cas). Ceci n’est qu’un apéro, je vous décrirai dans un prochain billet, les autres mots de mon vocabulaire égyptien comme Samara, Magsôs, hamssa talartirne etc. En passant, on pourrait dire que ce sont mes « idiolectes » c’est-à-dire l’ensemble des usages du langage propre à un individu donné. Les idiolectes permettent de concilier la nécessité de communiquer avec les autres et celle, pour chaque personne, de pouvoir exprimer sa façon particulière d’être et de penser, ses goûts et ses besoins. L’idiolecte peut se manifester par des choix particuliers dans le vocabulaire et la grammaire, par des phrases et des tours particuliers ou particulièrement récurrents, ainsi que par une intonation et une prononciation particulières. Chacune de ces caractéristiques est appelée idiotisme.

PS : Que tout lecteur arabophone du présent billet ne s’offusque point en pensant que je maltraite les mots arabes mais c’est par besoin de compréhension, encore que je ne maitrise pas l’écriture arabe. Bon on se dit à bientôt ! Maa Salarma…


Le tropical New Bell

Je suis dans la rue et la musique me pénètre à l’oreille

Tu marches sur la route, les creux de la roue te cadencent

Une maman rit la bas, une jeune fille vient de jeter un bébé

 

Les flammes l’ont consumé, ah ! on l’a lynché hier

New Bell tropical. News de chez nous

Les beignets chauffent encore dans la cuvette

Junior ne veut pas attendre. Il a faim

 

New Bell de l’arnaque ! New Bell tropical

Les souris vendent leur rareté à prix d’or

Les rats n’ont pas d’amis que des hommes

Tu ne vas pas à l’école ? ah ! tu joues au football

Eto’o a fait comment ?

 

New Bell c’est ça, New Bell tropical

Elle t’appelle de nuit; c’est la belle de nuit

Son soleil c’est la lune. Sa lumière du jour les lampadaires

Elle regarde, cible, appelle, elle sait comment te… ?

 

Il vient de renverser la mère de Brenda

Les gens là savent tuer, ah ! eux. Elle est même morte

Ah ! on enterre quand ?

Le benskin est une arme plus dangereuse que la Kalashnikov

Même les gars du BIR confirment ; New Bell tombeau tropical

Si les birois le savaient, Boko haram serait fini

 

New Bell, c’est New York

New Bell cousin de Babylone

New Bell New style. African way of life

On rit, on pleure, on joue, on drague, on tue

New Bell, quartier tropical.