Christian ELONGUE

« Ana Masry », une pensée solidaire à ces victimes égyptiennes du 24 Novembre 2017 !

Suite aux attentats tragiquement célèbre du 24 Novembre 2017, j’ai été profondément retourné, revolté, choqué, confus. J’aurais aimé avoir une emprise sur le temps. J’aurais aimé être Hiro Nakamura, suspendre le cours du temps, et sauver toutes ces vies innocentes, arrachées si brutalement à la vie.

L’article ci dessous, est un message de soutien à toutes ces familles endeuillées, à tous ces cœurs épleurés, à toutes ces personnes qui sont parties sans dire Adieu ! J’y retrace l’évènement non point avec un regard externe comme le fond les médias, mais sous un angle interne, à travers le récit imaginaire de quatres personnages : la petite Nora qui attend le retour de son père pour se coucher, le jeune Khaled dont le frère protecteur ne sera plus là, la jeune mariée Marwa qui se retrouve veuve à 28 ans seulement et la sexagénaire Basma, dont le cœur meurtri est inconsolable suite à la disparition soudaine de ses deux fils : sa fierté !

Ces récits sont une forme solidarité impuissante au peuple égyptien, aujourd’hui en deuil. J’ai créé ces portraits, ils viennent de mon imagination dans toute leur symbolique. J’espère qu’ils démontreront que le peuple égyptien est appelé à se relever, à pardonner et à continuer à avancer avec courage et amour dans ce monde immonde !

 

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize… quatorze, quinze. cent-vingt… cent trente, … cent-quarante… cent cinquante,… 200, 201, 230, 231.232.233.234,235…305

Attention !

Il ne s’agit point d’un jeu mathématique comme ceux que nous pratiquions lorsque nous apprenions à compter à l’école primaire. Si chacun d’entre nous, essaie de compter, de 0 à 305, cela lui prendra au moins 4 minutes s’il est très rapide. Cet exercice de dénombrement est exaspérant et je sais très peu le feront jusqu’au bout. Cet exercice, simple mais long, permet cependant de mesurer l’étendue des pertes en vies humaines, de comprendre l’étendue du désarroi du peuple égyptien, frappé, une fois de plus, par la folie meurtrière du terrorisme.

Mon cœur ne peut s’empêcher de saigner. Mes pensées ne peuvent s’empêcher de se tourner vers ces nombreuses vies innocentes, ôtées si brutalement du monde. Nous ne pouvons et ne pourrons jamais remplacer ces disparus : ces hommes, ces pères, ces cousins, ces maris, ces enfants qui ont été arrachés à la vie. Que deviendront ces femmes, désormais veuves, qui n’auront plus l’affection et la chaleur de leur mari ? Que deviendront ces enfants dont les parents ont été fatalement arraché à la vie ? Quelle douleur doivent ressentir les parents de ces 27 enfants  emportés par les balles ?

Nora, cette petite fille désormais orpheline !

Nora, âgée de trois ans, s’est difficilement endormie la nuit du vendredi 24 novembre, son père lui contait toujours une histoire pour qu’elle s’endorme. En journée, elle avait perçu que quelque chose n’allait pas en voyant sa mère pleurer. Deux amies à sa mère étaient présentes, tentant tant bien que mal de consoler sa mère qui ne pouvait empêcher les larmes de ruisseler. Nora ignore tout du terrorisme. Elle n’en a jamais entendue parler. Demain surement, quand elle grandira. Elle sera l’une des nombreuses orphelines liées aux actes de violence humaine.

Khaled, ce jeune désormais sans frère !

Khaled, cinq ans, attend toujours le retour de son frère ainé Khaled, avec qui il joue au ballon, chaque samedi, dans la rue. Ce matin, il n’est point aller jouer car Khaled, plus qu’un frère était aussi son protecteur en le défendant toujours lors des querelles avec les enfants du voisin. Il ignore encore la nouvelle. Il ignore encore que son frère protecteur n’est plus, désormais avec Le Protecteur. Il ignore qu’il devra désormais apprendre à jouer et se rendre à l’école seul. Il ignore qu’il n’aura plus jamais à rire des farces et blagues de son frère. Qu’il n’aura plus personne vers qui se plaindre. Il ignore qu’il devra apprendre à se défendre ou à éviter les querelles. Il ignore que rien ne sera plus comme avant…

Marwa, cette jeune mariée désormais veuve !

Marwa, qui s’est mariée il y’a deux semaines à peine, a cuisiné avec amour du Kochari, le plat préféré de son jeune époux Mustapha. Il était toujours heureux et joyeux quand il en mangeait. Elle espérait lui faire une agréable surprise à son retour de la mosquée. Une rumeur diffuse signalait l’explosion d’une mosquée mais elle n’avait point fait le rapprochement. Elle espérait bien qu’il ne s’agisse point de celui où son amour Mustapha s’était rendu. Elle se refusait même à penser qu’il puisse s’agir de la même mosquée. Son esprit ne pouvait envisager que son époux puisse être l’une des victimes. Elle se refusait de paniquer, sachant qu’Allah, ne pouvait permettre que cela arrive, elle qui s’était mariée tout récemment.

Elle prit son calme, et pria longuement, souhaitant de tout son cœur, de tout son être, qu’un incident ait empêché son époux de son rendre à la mosquée. Rassurée après avoir priée, elle décida d’attendre patiemment son époux et se mit à faire du thé afin de s’occuper l’esprit. Oui ! Elle désirait plus que tout empêcher son esprit d’imaginer le pire. Sinon, que deviendrait-elle ? Quel avenir pour une veuve de 28 ans ? Son bonheur, elle ne le percevait qu’avec Mustapha : ils se connaissaient depuis l’enfance et elle était follement amoureuse de lui. Vers 17h, on sonna à sa porte. Elle ouvrit. C’était sa voisine Rania, dont la mine ne lui rassurait guère. Sans ambages, la nouvelle tomba telle une guillotine. Choquée ! Son monde s’effondrait ! Elle s’évanouit…

Stand United Against Terrorism_Afropolitanis

 

Basma, cette mère qui hier était fière…

Basma Fawzi est une sexagénaire très respectée du village de Bir el-Abed, au nord du Sinaï. Sa fierté, elle la tient de ses fils Hussein et Moctar. Le premier est l’un des rares Docteur du village à avoir séjourné pendant deux ans dans des pays occidentaux. Il est donc craint, respecté et respectable. Le second était l’unique boucher de la communauté. Toutes les femmes du coin s’approvisionnent en viande chez lui. Tous les jours, elle remercie Allah de l’avoir béni avec ses deux fils. Sa raison de vivre depuis la disparition soudaine de son mari il y’a une trentaine d’année. Elle avait lutté pour parvenir à les envoyer à l’école et faire d’eux des musulmans croyants et craignant Allah. Lorsque son fils ainé, Hussein était allé en Europe, elle craignit qu’il n’oublie de respecter les principes du Coran en s’adonnant à l’Alcool. Mais ce dernier était resté fidèle aux recommandations de l’Islam qu’il s’efforçait de mettre en pratique dans sa vie. La prière à la mosquée était donc pour eux une pratique rituelle et cultuelle de première importance.

Après l’appel de l’Iman, ils s’étaient plongés entièrement dans la prière. Hussein exprimait son vœu de trouver une femme convenable afin de pouvoir se marier, et ainsi satisfaire sa mère Basma qui ne cessait de le harceler depuis qu’il avait 30 ans. Elle était impatiente de voir le premier enfant de ses fils. Moctar, lui, ne se préoccupait point de mariage. Dans sa prière, il demandait la bénédiction d’Allah pour son commerce. Leur méditation fut troublée par une déflagration fulgurante qui secoua toute la mosquée. Quand Moctar ouvrit les yeux pour voir et comprendre ce qui se passait, il ne put que constater les corps déchiquetés tout autour de lui. Son regard tomba sur l’un des terroristes cagoulés qui avec un sourire sadique aux lèvres, rafalait tous ceux qui tentaient de s’échapper. Une des balles lui frappa en pleine poitrine. En s’évanouissant, il ne pensait qu’à une chose : sa mère Basma ! Oui ! Après la perte de son mari, Basma allait-elle tenir le coup, si jamais ses deux fils disparaissaient ?

La petite Nora, le jeune Khaled, la jeune mariée Marwa et la sexagénaire Basma ne sont qu’un échantillon infime des dommages collatéraux laissés par cet acte terroriste dans les familles égyptiennes. Le terrorisme n’a point de visage. Le terrorisme n’a point de religion. Ensemble, disons NON à cet acte de cynisme, de lâcheté et de sadisme perpétré par un groupuscule armé qui se cache sous la « bannière islamique ». Je ne suis point Musulman. Mais pour avoir vécu en Egypte, je sais que l’Islam prône l’amour, la paix, la solidarité et surtout le respect de la vie humaine. Ensemble, soutenons le peuple Egyptien, aujourd’hui en deuil. Ensemble, œuvrons pour l’avènement de la paix dans le monde.

ANA MASRY ! Je suis Egyptien ! I’m Egyptian ! I love Egypt ! 


Appel à nomination : les 100 jeunes Africains les plus positifs et influents

L’ Afrique d’aujourd’hui est loin de cette historicité lumineuse qui a fait d’Elle le continent phare où les autres se sont inspirés. A l’opposé des afro-pessimistes, les Afro-responsables prônent un présent rayonnant et posent indubitablement un regard positif sur l’Afrique d’aujourd’hui et celle qui vient. Ils pensent meilleur pour rendre meilleure l’Afrique. C’est le cas de la Fondation Afrique des Jeunes Positifs (Positive Youth’s Africa), une organisation de la Société Civile qui oeuvre pour l’avènement d’un changement durable en Afrique. Cette organisation s’évertue  à servir un continent sorti de l’ornière de complexité pour asseoir un modèle propre issu de sa vision singulière. Ils vantent au préalable un dessein sociétal positif et constructif. Ils préconisent l’investissement humain dans le processus du développement et le maintien des valeurs cardinales pour bâtir une Afrique Une et une société positive africaine. Ils professent à l’échelle continentale la prééminence du rôle de l’homme dans l’investissement de ce vaste sentier de développement. A travers cet appel à nomination des 100 jeunes les plus positifs et influents, ils veulent révéler le rôle prépondérant à chaque africain dans l’élaboration et la réussite du projet sociétal commun. Cette célébration et reconnaissance devient leitmotiv pour inciter l’économie, le social, le culturel, le sportif et le politique pour enclencher la machinerie de la croissance.

Comment participer ?

Des jeunes vous ont-il inspiré à faire quelque chose de positif cette année? Si oui, n’hésitez pas à nommer ces jeunes pour la liste des 100 jeunes Africains les plus positivement influent de l’année 2017. Cette liste, connu davantage en anglais comme, 100 Most Positively Inspiring African Youths(100 MPIAY), est une sélection annuelle de 100 jeunes africain ou d’origine africaine qui se sont distinguer par leurs  oevres positif. Le 100 MPIAY vise principalement à identifier, reconnaître et célébrer les œuvres de 100 jeunes d’origine africaine dont les œuvres ont eu un impact positif sur leurs communautés et le monde entier.

La phase de nomination se déroulera du 10 Novembre au 15 Décembre,2017.

Quels sont les critères de nominations ?

• Etre un jeune africain ayant entre 15 – 40 ans.

• Le Nominé peut vivre en Afrique ou dans la Diaspora.

• Les jeunes candidats doivent avoir dit ou fait quelque chose qui a inspiré et influencé beaucoup d’autres personnes à penser, parler et agir positivement, à prendre de la responsabilité , à oser rêver et à être le changement positif qu’ils souhaitent voir. Il pourrait s’agir d’une déclaration dans une interview, un acte de gentillesse, une opposition à l’injustice, une vidéo, une chanson, un roman ou tout travail qui a poussé beaucoup de personnes à être positives.

• Le mot ou l’action inspirante doit avoir été fait cette année.

• Les jeunes peuvent être très influents ou non au moment de la nomination.

• Les auto-nominations ne sont pas autorisées.                                              

 Pour proposer,veillez remplir le formulaire suivant : https://goo.gl/XP59hQ

 


10 constats sur les francophones à travers le « problème anglophone » au Cameroun

Voilà bientôt une année (11 mois exactement) que dure ce que l’on peut appeler « la crise anglophone« , les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest réclament le respect de leurs spécificités culturelles par des manifestations pacifiques. Ces derniers souhaitent restaurer la forme institutionnelle du fédéralisme qui a été agréé entre la République du Cameroun et le Southern Cameroon à Foumban en 1961 entre les dirigeants Amadou Ahidjo et Foncha. Malgré les différentes formes de revendications entamées jusque-là, le bras de fer entre le gouvernement et les diverses organisations représentant la société civile de ces régions ne faiblit pas. Certains s’accorder à penser qu’une piste de résolution de la « question anglophone » ne sera possible que lorsque le problème anglophone deviendra le problème camerounais. Que pouvons-nous comprendre de la réaction des « francophones » face à cette crise ?

1. Ils disent vouloir le changement mais ont peur du changement !

Dès qu’une crise commence, un échange verbeux qui veut mettre à nu la vérité, ils pissent dans leur caleçon et s’empressent d’éteindre le feu. Au mieux, ils mentionnent le Rwanda et demandent de mettre un terme à ce qui commence-là. Je pense ici au Père Lado demandant de cesser le feu dans mon échange avec Owona Nguini en 2014, à cause… du Rwanda. J’ai vu cela aussi dans la sortie de Valsero demandant à Boris Bertolt de se taire devant l’imposture.

2. Ils sont progressistes par positionnement mais conservateurs par réflexe.

Des qu’une crise commence, ils sortent des sissonghos et donnent des conseils à Biya sur comment faire pour régler vite la crise-là. Ils lui donnent une feuille de route avec des points précis, et cela sans que le tyran demande même leur avis, oh. Je pense ici à Achille Mbembe écrivant un long texte pour dire à Paul Biya ce qu’il faut faire pour régler la crise anglophone. J’imagine ici Frantz Fanon écrivant un texte au président français pour lui expliquer comment faire pour régler la crise algérienne, afin qu’elle ne devienne une guerre de libération.

3. Les francophones sont très pressés.

Ils souhaiteraient au mieux qu’un tweet fasse que Biya prenne la fuite. Et j’ai de la peine à me rendre compte que les anglophones soient en train de se battre patiemment depuis bientôt un an ! Ma mémoire des années de braise est que dans leur crise véritable, elles n’aient pas duré autant, et je suis de plus en plus certain que ce sont les francophones qui avaient convaincu John Fru Ndi d’aller (lui aussi) négocier, noooor, et donc d’aller à la Tripartite. Rappelez-vous l’éditorial de Protais Ayangma disant aux anglophones de cesser le feu, car ils ont « déjà gagné, noooor ».

4. Les francophones croient au symbolique, à la force du « symbole politique »…

Et surtout à cette chose-là qui est la personnification du symbolique et qu’on appelle « les intellectuels ». Or, dites-moi donc qui est le Owona Nguini anglophone, car je ne sais pas qui c’est, tandis que depuis plus d’un an, les anglophones sont bien en train de nous montrer ce que c’est qu’un mouvement politique, celui-ci passant d’une protestation syndicale des avocats et des enseignants à un mouvement qui aujourd’hui met en branle les forces traditionnelles des Takumbeng.

5. Les francophones aiment débattre, débattre, et débattre…

Eh, le débat, que serait-il s’il n’y avait pas les francophones. Je ne sais pas si les anglophones débattent autant, et pourtant, quand on regarde bien, c’est dans la sphère anglophone que le débat est une culture qui se pratique depuis l’école, qui s’enseigne et se cultive. Les grands débats, par exemple, de James Baldwin et Burkley puisent dans cette tradition-là. Manière de dire qu’il y en a qui débattent pour débattre, et ce sont les francophones. Et il y en a qui débattent pour faire avancer une cause, et ce sont les anglophones.

6. Ils veulent toujours avoir un intérêt personnel réalisé.

Tel veut faire venir son enfant aux Etats-Unis et utilise le mouvement pour cela. Tel autre veut faire son petit business de la nourriture et utilise le mouvement pour cela. Tel troisième veut plutôt utiliser le mouvement pour le blanchiment d’argent. Tel quatrième, pendant ce temps, veut que le mouvement le paye. Au final, évidemment, avec autant d’intérêts particuliers, le mouvement se trouve noyauté et incapable de remplir l’intérêt général qui est sa cause.

7. Les francophones sont vraiment convaincus que Paris est important, hein, je vous jure.

Or, regardez les anglophones. Ont-ils une seule fois parlé de Londres ? Si Biya n’était pas venu à New York, seraient-ils même à New York ? Parce que les francophones croient que Paris est important, dans un monde pourtant éclaté, les Parisiens alors se croient le centre du monde. Et il faut voir ça, la véritable sorcellerie. Un certain Njikam (ou Njimbam, mais bof) qui njote une photo avec Kemi Seba et est littéralement chassé par les gardes du corps de ce dernier se présente comme le porte-parole de l’Afrique, etc, ah, c’est fou ça!

8. Les francophones croient vraiment que la France a le pouvoir de [choisir] le président du Cameroun, hein.

Et surtout que le président du Cameroun doit plaire à la France, hein. J’ai parlé une fois avec un diplomate français en Afrique du sud, et il m’a dit d’étonnantes choses- le nombre de personnes qui lui envoient leur CV, pas pour être embauchées a l’ambassade, mais pour devenir ministre dans leur pays ! J’étais avec un ami politologue qui n’avait cessé de se marrer, car eh oui, les francophones croient vraiment que la France a un pouvoir sur nous.

9. Les francophones croient en la communication.

C’est ainsi qu’un jeune francophone peut se lever le matin, faire quelques photos et les poster sur Facebook et ainsi se dire arrivé. Aller de photos en photos, d’apparition télé en apparition télé, et se dire politicien. Or voilà, le minima de cette chose-là, qui est la mobilisation, demeure la nébuleuse francophone, car le francophone est un communiquant comme il est légaliste. Un sous-préfet interdit sa manifestation, il reste à la maison. Oui, c’est comme ça. L’Etat a parlé.

10. Mais surtout, les francophones croient que Biya est fort !

Et c’est cela leur véritable problème. Ils croient qu’un homme comme celui-là ne peut pas être simplement exécuté comme les autres tyrans avant lui. Je veux par là dire que les francophones sont vraiment convaincus qu’un autre Camerounais ne peut pas mettre deux balles dans la tête de Biya, simplement comme ça, par haine, par rancune ou même pour rien. Ils en sont vraiment convaincus, oui, que Biya ne va pas mourir.

En fait, ce qui leur fait le plus peur, aux francophones donc, c’est la mort de Biya…

 

Par Patrice Nganang, Professeur à l’Université Stony Brook (USA)

* Les opinions présentés ici sont une contribution du Professeur Patrice Nganang, Grand Prix littéraire d’Afrique Noire. Révolté par la désinvolture des francophones vis-à-vis de la situation sociopolitique en cours, il présente les dix constats qu’il a pu en tirer.


L’histoire de Nadia (3) : le viol, un vol par effraction doublé d’une violence mentale inouïe

Lire la Nadia partie 1 ou Nadia partie 2

L’avenir d’une fille n’a pas de prix, les parents ne sont que des guides pour nous préparer à mieux l’affronter. Ils ne sont point des Dieux, et par conséquent ne doivent jamais voler le bonheur de leur progéniture, pour quelque motif que ce soit. Le viol est un vol par effraction doublé d’une violence mentale inouïe, et davantage fatal pour cette jeune adolescente qui n’avait que 13 ans. Le viol fait partie de ces actes auquel même le pardon a peu d’emprise. C’est un vol dont la plus grande violence n’est point physique mais psychologique. Une feuille de papier, une fois froissée, ne sera plus jamais la même.

Viol-ence

Quel calvaire que d’avoir à vivre avec ce sentiment, cette idée qui sans cesse revient dans notre esprit, ces instants de douleur qui à jamais resteront gravés dans notre mémoire. S’il est extrêmement difficile pour des adultes de s’en remettre, alors imaginez le cas d’une enfant, d’une adolescente, d’une fleur rayonnante n’ayant pas encore pu ouvrir ses pétales au soleil. Son sourire s’éteint pour devenir morne. Son regard étincelant s’assombrit. Pour moi, seul l’amour peut permettre de s’en remettre et d’affronter la tête haute les prochains challenges de la vie. Ecouter, dialoguer, comprendre, compatir et réconforter sans jamais juger sont les actions à tenir. Lui montrer qu’elle n’est point une paria sociale, qu’il existe des personnes qui l’aiment et l’aimeront telle quel. Lui offrir une chance de croire que la vie demeure belle et qu’elle a encore beaucoup à lui offrir.

Viol réconfort Amitié Photo by Tyck via Iwaria
Photo by Tyck via Iwaria

Chercher du réconfort

Telles sont les attitudes comportementales qu’on devrait offrir à une fille/femme violée. Fut-ce le cas pour notre jeune Nadia ? Quelle fut la réaction de sa mère à l’annonce de cette nouvelle ? De cette mère pour qui elle s’était sacrifiée, elle attendait du réconfort, de la consolation et surtout de la compréhension. Après tout, sa mère lui disait qu’elle sera toujours là pour elle, et ce peu importe la situation. Mais quelle ne fut sa surprise car loin de vouloir la comprendre, sa maman, l’accusa d’avoir été complice, d’être coresponsable de cette situation.

Elle déclara que Nadia, cette jeune fille à 11 ans, avait intentionnellement séduit son père pour obtenir davantage de faveurs de lui. Incomprise, elle fut même copieusement battue et insultée par celle en qui elle espérait trouver du réconfort. Son monde s’écroulait ! Nadia ne savait plus à quel Saint se vouer !

Comment sa mère pouvait-elle penser cela d’elle ?
La nature était-elle coupable de lui avoir doter de formes généreuses ?
Ou était-ce son père le pervers incapable de contrôler ses pulsions sexuelles ?

Avorter

Bernadette, en accord avec la famille, pris la décision de la faire avorter. Il était inconcevable que cet enfant incestueux naisse ! Bien qu’elle n’ait pas été consultée, Nadia obéit promptement à cette sentence. En réalité, elle y voyait une lueur d’espoir, la fin de tous ses maux. Elle priait secrètement que l’opération se compliqua et n’entraine sa mort avec ce fœtus indésiré. Après son calvaire paternel, elle ne désirait plus affronter sa famille et encore moins sa mère. La mort était donc la meilleure échappatoire pour elle. Ainsi, cela arrangera tout le monde : j’aurais emporté avec moi le déshonneur et tout le monde sera heureux.

Telle est la situation à laquelle Nadia fut livrée. Seule, incomprise, battue, elle ne trouvait plus de raison de vivre. Cette enfant innocente vivait avec des problèmes d’adultes. Elle abandonnait le combat car elle le savait perdu d’avance : elle ne pouvait affronter sa famille. Et en plus, son père avait interrompu la prise en charge de son frère Joel et sa cadette Martine. Elles devraient donc retourner au village avec sa mère. Elle s’imaginait mal devoir supporter les reproches de cette dernière au quotidien.


L’histoire de Nadia (2) : dilemme d’une grossesse, entre frayeur et douleur

La conception est une période de la vie à laquelle se prépare toute femme. Porter et donner la vie, est l’un des plus grands mystères de l’existence et aucun calendrier n’abrègera la durée d’une grossesse. Fruit de l’union entre deux corps, la grossesse est une période d’allégresse ou de stress intense selon les conditions de conception. Lorsque planifié, c’est l’enthousiasme qui précède l’arrivée d’un bébé dans une famille. Lorsqu’accidentel, et c’est le cas pour la majorité des premières grossesses, la venue du bébé est précédée par de l’anxiété. Les filles craignent beaucoup ce moment fatidique où elles doivent révéler leur « secret » et l’identité du géniteur auprès de leurs parents. Certaines, par crainte de la foudre paternelle, prennent la douloureuse et dangereuse décision d’avorter : de stopper le train de vie de cet être innocent en conception.

Le regard d’un père indigne

Le regard paternel et la réaction familiale sont les plus grandes frayeurs.

Comment papa réagira-t-il s’il apprenait que j’étais enceinte, après toutes les mises en garde et les conseils qu’il n’a cessé de me prodiguer et répéter ?
Quel accueil réservera-t-on à mon bébé ?
Qu’adviendra-t-il de mes études ?
Mon copain leur plaira-t-il ?

Ce dilemme est celui auquel se confronte toutes les filles-mères, mais celui de Nadia était plus différent: depuis ses 11 ans, elle était involontairement soumise aux rapports sexuels avec son géniteur. Sous les menaces de ce dernier, elle gardait le silence du calvaire psychopathologique qu’elle endurait.

D’ailleurs, la croirait-on ?
N’est-t-elle pas aussi responsable ou complice pour avoir gardé le silence aussi longtemps ?
Quelle sera la réaction de Bernadette, cette mère qui se sacrifiait au quotidien pour leur avenir ?
Une fille enceinte de son « père » a-t-elle encore un avenir ?

Grossesse Nadia-2-Photo by NGPhotos via Iwaria
Photo par NGPhotos via Iwaria

Mon père, mon héros était désormais mon bourreau

Un instant, Nadia se dit que la meilleure solution serait le suicide. Ainsi, ils ne trouveront personne à blâmer se disait-elle. Je ne veux point accoucher le fruit d’une relation incestueuse : est-ce normal d’avoir le même père que son enfant ?

« Je n’ai jamais ressenti autant de douleur dans ma vie. J’étais complètement déchirée, déboussolée et trahie. Les premiers mois, j’ai cru que je n’arriverai pas à vivre avec cela. J’ai même pensé mettre un terme à ma vie. Mon père, mon héros était désormais mon bourreau. Je croyais vivre un cauchemar nollywoodien dont j’allais sous peu me réveiller. Je fermais les yeux, puis les rouvraient, espérant me relever d’un profond sommeil. Mais rien : la réalité, triste et accablante était implacable: j’étais enceinte de mon père », me confia-t-elle, après que sa grossesse fut découverte.

Comment la soutenir ?

Au départ, moi, je me sentis mal à l’aise puis peu à peu le malaise céda la place à une sourde et profonde colère que je ne pouvais réprimer. Sans savoir pourquoi, je m’en voulais, j’en voulais à ce monstre de père, j’en voulais au système, j’en voulais au monde. Je me sentais impuissant. Il y’a des moments de la vie où on aimerait avoir des super pouvoirs tels ceux de Hiro Nakamura qui m’auraient permis de remonter dans le temps empêcher cet acte contre nature. J’aurais averti Bernadette de ne point envoyer sa fille chez son père.

Seulement, m’aurait-elle crue ?
Comment pouvait-elle s’imaginer que pareille chose puisse survenir ?
Comment concevoir que son ex-époux serait capable de poser un regard autre que paternel, un regard sexuel et charnel sur sa pauvre petite fille Nadia ?

Celle pour qui, elle se donnait tant de mal, se battant au quotidien pour leur assurer un avenir meilleur. Je réalisais soudainement qu’il aurait été impossible, même à Hiro Nakamura de prévenir cet acte parce qu’imprévisible dans la plupart des cas. Seule une aptitude télépathique aurait pu me permettre de voir les idées perverses de cet être sans cœur.

Ce qu’un père peut faire de plus important pour ses enfants, c’est d’aimer leur mère

Théodore Hesburgh.

Mais qu’advient-il lorsqu’un père désire sa fille ou lorsqu’une mère développe bien plus que de l’amour maternel pour son fils ?

D’aucuns diront que c’est le monde à l’envers. Les normes et valeurs changent tous les jours. Sous le prétexte de la liberté et des droits, des phénomènes comme le mariage homosexuel sont de plus en plus légitimés et tolérés. Mais peut-on et doit-on tolérer à un père qui viole consciencieusement sa fille ? D’autres diront qu’il s’agit de troubles psychopathologiques voire d’obligations sectaires. L’acte sexuel devenant ainsi un rite initiatique et cultuel permettant au bourreau d’accéder et de jouir à des richesses et privilèges plus considérables. Seulement peut-on monétiser le bonheur ? L’argent n’achète jamais tout et le bonheur voire l’avenir en font partir.

L’histoire de Nadia (3) : le viol, un vol par effraction doublé d’une violence mentale inouïe


Mon Égypte, loin des yeux, près du cœur

Voilà deux années déjà que je vis en Égypte. Un pays qui pourtant n’était qu’une destination imaginaire pour moi. Je reviens dans ces lignes nostalgiques sur le début de l’aventure…

Au départ était le rêve…

Depuis ma tendre enfance (pas si tendre que ça hein !), j’ai entendu parler de l’Égypte comme étant le berceau de la Civilisation, le pays où tout avait commencé. Je revois mes yeux pleins d’émerveillement lorsque ma maitresse, Mme Awa, nous décrivait la majestuosité des pyramides qui à elles seules témoignaient de l’ingéniosité, la puissance et la gloire de leur concepteurs : les pharaons.

Flickr CC: Louxor_Statue de Ramses II
Flickr CC: Louxor_Statue de Ramses II

De tous les pharaons dont j’avais écouté les récits, celui que ma mémoire avait conservé était Ramsès II. Pourquoi ? Mon maitre nous avait appris qu’il était réputé pour être l’un des plus grands guerriers et conquérants des pharaons. Mais il ne nous révéla point qu’il était aussi très puissant et efficace puisqu’il a eu environ 126 enfants avec d’innombrables concubines et plus d’une douzaine d’épouses dont Néfertari, sa préférée ! Enfant, je me demandais comment il procédait pour satisfaire un harem de femmes aussi important sans succomber ! Je m’amusais souvent à compter le nombre de « match » qu’il avait dû livrer pour marquer autant de buts dans sa carrière royale. C’est à l’université que j’appris que son règne fut d’une exceptionnelle durée (66 ans) et qu’il mourut à 91 ans. Enfant, j’avais déduit qu’une intense activité sexuelle permettait de vivre très longtemps et je m’étais résolu à en faire autant. Mais… !

Pyramides de Toutankhamon
Flickr CC

 

De toutes les pyramides, seule celle de Khéops était restée gravée dans mon esprit. On me l’avait décrite comme la plus grande des pyramides de Gizeh et l’une des sept merveilles du monde de l’Antiquité à avoir survécu jusqu’à nos jours. Je me souviens de cette pléthore de documentaires sur l’égyptologie et l’égyptomanie que je dévorais. On y décrivait la pyramide de Khéops comme la construction humaine de tous les records : la plus haute, la plus volumineuse et la plus massive. On y parlait du Phare d’Alexandrie, la septième merveille du monde, qui a servi de guide aux marins pendant près de 17 siècles. On y parlait de la Bibliotheca Alexandrina, la plus célèbre des bibliothèques de l’Antiquité et l’une des plus importantes aujourd’hui. Cette importance historique et culturelle faisait de l’Égypte, une des destinations touristiques les plus prisées pour les touristes fortunés du monde entier !

Or, j’étais loin d’être fortuné à l’époque. Je le suis encore d’ailleurs ! Mon tourisme, je le réalisais dans mes rêves avec la puissance de mon imaginaire. Je voyageais sans décoller mais le soleil récalcitrant de Douala me ramenait très vite à la réalité.

Puis le rêve devint réalité …

Cela serait demeuré un rêve si la Grâce divine n’avait soufflé sur le « misérable » homme que j’étais : j’obtins une bourse complète de l’OIF pour poursuivre un nouveau master en Développement à l’Université Senghor d’Alexandrie ! Waouh ! Je ne pouvais rêver mieux ! Un fantasme d’enfant se concrétisait enfin !

Inquiets étaient ma famille et mes proches  :

  • Comment vivras tu dans ce pays musulman alors que tu viens à peine d’entrer dans la famille chrétienne, s’interrogeait ma mère (je m’étais baptisé un mois avant mon départ).

  • Il faudra y être extrêmement prudent et surtout éviter les femmes égyptiennes. J’ai appris qu’elles sont très belles et ravissantes. Mais tu dois t’en éloigner car les hommes arabes ne blaguent pas avec leurs filles et femmes… me conseillait mon papa.

  • Céé… il faut faire attention oh ! J’ai très peur surtout avec les attaques terroristes qu’on voit à la télé chaque jour. Mais je prierai Dieu de te protéger et de t’accompagner ! se lamentait ma sœur.

Candide, je ne m’inquiétais point ! Assez bizarrement, j’étais très enthousiaste et excité de me retrouver en Égypte, la Terre des Pharaons.

 Égypte : j’y suis allé, j’ai vu et j’ai vécu...

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Flickr CC

J’ai vu et contemplé la splendeur immortelle des pyramides d’Égypte. J’ai vu puis suis tombé sous le charme de la beauté des femmes égyptiennes. J’ai vu et travaillé au sein même de la mythique Bibliotheca Alexandrina. J’ai vu et admiré les temples de Louxor, le tombeau de Toutankhamon… J’ai arpenté les ruelles bondées d’Alexandrie et du Caire. J’y ai vécu de merveilleuses aventures avec ma famille senghorienne ! Durant deux belles années : nous étudions ensemble, mangions ensemble, dansions ensemble, avons pleuré et même « enfanté » ensemble… J’y ai vécu d’inoubliables moments avec mes amies égyptiennes, mes collègues et amis de la SAOS, mes élèves du CAF…

Entre fiction et réalité…

J’ai pu y mesurer les limites des stéréotypes. L’image de l’Égypte véhiculée par les médias est loin d’être la bonne. Les Égyptiens sont loin d’être des terroristes ni des extrémistes violents : chrétiens et musulmans y vivent généralement en paix ! Les attentats ou actes de violence qui y sont perpétrés ne sont que des voiles idéologiques, des manipulations à des fins politiques, qui affectent sérieusement l’économie et le bien-être social et mental de la population. Les Égyptiens ne sont pas non plus des anges : je le reconnais ! Assez conservateurs, ils défendent et préservent farouchement l’héritage de la culture arabe ! Assez colériques, ils se battent cependant assez rarement.  Très capitalistes, ils ne dorment jamais de crainte de perdre un client : la plupart des centres commerciaux ou boutiques y sont ouverts 24h/24. Là-bas, on regarde seulement les femmes sans toucher, du moins pas en public, à moins que ce ne soit ta fiancée ! Sinon…

A l’aube d’une nouvelle aventure…

Ces souvenirs jaillissent comme des flots dans mon esprit. Les mots sont insuffisants pour saisir et décrire tous ces moments de folies, ces instants de délire, ces fous rires et ces rires fous. Peu importe les obstacles auxquels vous êtes confrontés dans la vie, n’arrêtez jamais de rêver ! Le rêve est la substance même de la vie ! C’est l’époux de Mme La Réalité ! Rien de grand dans ce monde n’a été réalisé sans avoir été rêvé ! Ce qui était impossible hier est possible aujourd’hui. La science-fiction est là pour nous faire rêver mais seul le travail méthodique et la prière rendent la fiction réalité. Soyez de grands rêveurs : rêvez grand puis travaillez avec acharnement pour donner corps et vie à vos rêves. La chance n’existe qu’à ceux qui osent et bossent. Pensez différemment, agissez différemment et vous verrez vos rêves se métamorphoser. L’Égypte n’est plus un rêve mais une réalité. Mais il m’a fallu de nombreux sacrifices et privations afin d’avoir les performances académiques et professionnelles

Après la jouissance de mon fantasme égyptien, je ne peux que dire MERCI à l’Eternel Dieu des Armées ! Celui par qui tout cela a été rendu possible : qui m’a gardé et protégé durant mes nombreux périples. Le nouveau se déroulera au Ghana : j’y ai été invité dans le cadre du Young African Leadership Initiative, un programme initié par Barack Obama pour renforcer les compétences entrepreneuriales et en leadership des jeunes Africains. Un nouvel épisode de mon aventure s’ouvre : restez branchés !


L’histoire de Nadia (1): une fleur au grand cœur avec un corps meurtri !

Nadia était une fleur rayonnante, respectueuse et intelligente qui excellait à l’école. Elle grandissait bien plus vite que son âge et la nature lui dota de formes gracieuses et généreuses. Naïve comme toute fille de 11 ans, elle ne s’en souciait guère. Sa maman, avenante, lui avait mis en garde contre les avances des garçons de Bonabéri. Son cercle d’ami était donc réduit et elle n’avait pour amis que ses livres. Bien qu’elle en brûlât d’envie, sa mère lui interdisait tout jeu avec les garçons du quartier. Son père les avait quittés pour épouser et vivre avec une autre femme mais continuait cependant à s’occuper partiellement d’eux. Sa maman, abattue, s’en consolait et misait tout sur elle pour la sortir, un jour, de leur longue et misérable vie.

Un weekend sur deux, sa mère l’envoyait rejoindre son père, qui avait de meilleures conditions de vie. Une nuit, alors qu’il pleuvait et qu’elle dormait, épuisée par une journée de jeu du « pousse-pion » ( marelle), elle ressentit une main lui caressé le dos. Paniquée, elle fut rassurée par la voix de son père qui lui dit être venu lui souhaiter une bonne nuit. Ses doigts poilus glissèrent du dos vers ses parties intimes. Étonnée puis anxieuse, elle voulut protester. Mais n’y parvint point : la bouche fermée, le regard vide, elle assista, impuissante aux assauts répétés de son père qui ne s’arrêta qu’une fois épuisé. Désillusionnée, déchirée, trahie et traumatisée, elle grava dans sa mémoire, cette nuit inoubliable où tout son univers avait basculé. Cette nuit, et toutes celles qui suivirent furent des moments de supplice où son corps frêle de fille était le terrain d’un jeu réservé aux adultes.

Un jeu auquel elle participait sans y avoir été invité. Une partie de plaisir dont elle n’était que la spectatrice. Subissant les caresses de cet homme qui lui avait tout pris. Elle n’était qu’un objet, une chose, un instrument de plaisir aux mains de son bourreau. Oui ! Elle le considérait désormais comme un bourreau, une brute et faisait beaucoup d’effort pour continuer à l’appeler « papa ».

Nadia - Photo by Pablo via Iwaria
Photo by Pablo via Iwaria

Pour elle, il n’était plus son père, mais son géniteur.

Dans sa tête, son père était mort cette nuit du 07 Février 2014. Le lendemain, elle avait voulut le dénoncer. Elle voulait crier au monde l’acte abominable dont elle avait le sujet. Mais à chaque fois qu’elle essayait, elle n’y parvenait pas : bloquée ! Les paroles et le regard menaçant de son « père » lui revenait comme dans un flash. Elle revoyait comme dans un flash, les sentences qu’il avait prononcées :

« Ce qui s’est passé, doit rester entre nous. Ce sera notre secret : entre un père et sa fille. Tu es ma fille, en toi j’ai mis ma confiance, fais-moi également confiance car ce que fais, c’est pour ton bien ! Je dois te préparer à ta future vie de femme ! Une femme, c’est le ventre et le bas ventre. Ta maman le sait bien et je me devais également de te l’apprendre. Seulement, tu ne dois jamais le dire à personne, même à ta mère. Je sais que tu l’aimes beaucoup et si par malchance, si par malheur, tu en parlais à quiconque, saches que tu en assumeras les conséquences.

J’arrêterai immédiatement de financer les études de Joel, Martine et Géraldine. Ta mère ne recevra plus d’allocation mensuelle, l’argent que je lui envoie pour payer le loyer, votre nutrition et son fonds de commerce sera suspendu. Et je vous enverrai vivre au village où tu sais, l’école est à 6 km et tu n’y trouveras plus tes amies que tu as ici ».

Ces paroles, il les lui répétait après chaque séance d’ « éducation sexuelle ». Nadia en tant qu’ainée ne pouvait se confier auprès de ses cadets, trop jeune pour comprendre quelque chose qu’elle-même avait du mal à comprendre, quelque chose qu’elle avait du mal à intégrer malgré toute l’intelligence dont elle était nantie. Elle avait des cousines et des tantes, mais ces dernières ne rendaient presque jamais visite à sa maman, parce que très pauvre et résidant dans un quartier populaire. Sa mère était la seule chez qui elle pouvait se confier. Mais elle craignait sa réaction !

Doute

La comprendrait-on ?
Ne dira-t-elle pas qu’elle en est responsable ?
Et d’ailleurs, ne l’était-elle pas ?
Avait-elle été sage ?
Son silence ne sera-t-il pas pris pour de la complicité ?
Sa mère lui en voudra surement d’être responsable de l’interruption budgétaire. Comment allaient-ils vivre ? Où allaient-ils loger ?
Comment ses frères et sa petite sœur pourront-ils continuer leur étude ?

Car au fond, c’était ça la principale raison de son silence : être responsable des malheurs de sa maman chérie et surtout de voir ses cadets interrompre leur parcours scolaire par sa faute. Autant de questions existentielles qui traversait déjà l’esprit de cette innocente fille, déchirée entre son bien-être et celui de sa famille.

Un père menaçant

Au départ, elle imaginait son « père » incapable de mettre en pratique ces menaces et manifesta des réticences les weekends pour ne plus aller chez lui, déclarant soudainement ne plus s’y sentir à l’aise. Une attitude que sa mère ne toléra point et lui administra une fessée mémorable, déclarant que Nadia ne compatissait point à sa situation de galère. Après deux weekends consécutifs d’absence, son père soupçonna quelque chose car ne voyant plus Nadia venir chez lui. Il interrompit donc, le paiement du loyer du domicile de Bernadette, la mère de Nadia, l’accusant d’empêcher ses enfants de lui rendre visite.

Elle lui expliqua que c’était Nadia qui s’y refusait et lui envoya Joel et Martine, âgés respectivement de 6 ans et 8 ans. Nadia fut prise de panique, connaissant le vrai visage de « son père », elle craignait qu’il ne reproduise son acte sur Martine, et se décida donc, soudainement encore, à vouloir y aller. Elle savait pertinemment bien qu’elle se replongeait ainsi, involontairement, dans « son enfer » mais elle préférait son avenir sacrifié à celui de ses cadets envers qui elle ressentait un devoir de protection. Après tout, elle était leur grande sœur et elle savait que Martine, sa cadette aurait fait surement pareil pour elle. Martine encaissait des coups et prenait toujours la défense de leur benjamin Joel, lorsqu’il était impliqué dans une bagarre. Bernadette, surprise par ce revirement en fut ravie. Mettant ce changement comportemental de Nadia sur le compte des caprices d’enfance.

Victime silencieuse

C’est ainsi que durant trois années, Nadia, silencieusement et consciencieusement se livrait deux weekends par mois aux griffes de son monstre de « père ». Cet fille au cœur adulte devint insensible et froide à l’égard de tout.

Elle n’avait plus envie de jouer avec ses amies, même le pousse-pion, son jeu favori, ne lui disait plus rien.
Elle n’avait plus envie de manger, plus d’appétit.
Elle n’avait plus envie d’étudier, ses performances scolaires s’affaiblirent.
Elle n’arrivait plus à sourire sinon à la vue de ses cadets.

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Photo par Ban Yido

Meurtrie

Sa mère, vendeuse de fruits au marché Nkouloulou, était tellement prise et préoccupée par ses activités économiques qu’elle s’aperçut à peine de ces changements. Seule, Nadia gardait ce lourd secret enfoui au plus profond d’elle-même. Son cerveau, parvint même à banaliser l’acte et le rite incestueux devint vertueux. Son père se montra plus généreux à son égard, lui offrant périodiquement des cadeaux et de très jolies robettes lorsqu’elle rentrait retrouver sa mère. Bien qu’elle ne les mangeât point, elle le donnait à ses cadets et se réjouissait de voir la joie rayonner dans leur regard et se dessiner sur leurs lèvres.

La situation aurait surement perduré, si leur voisine, Ma’a Mado, qui connaissait Nadia depuis sa tendre enfance, interpella Bernadette, un matin alors qu’elle s’empressait pour aller acheter les fruits de la semaine :

  • Je dis hein ma co’o, comment va ta fille Nadia ?
  • Nadia, elle va bien oh Mado ! Ce sont tes enfants nor voisine, tu passes plus de temps qu’avec eux qu’avec moi, lui rétorqua Bernadette.
  • C’est justement parce qu’ils sont mes enfants que j’en demande après Nadia. N’as-tu rien constaté d’anormal en elle ces derniers temps ? Elle a quasiment arrêté de jouer avec sa meilleure amie et ne sort plus s’amuser. Même son sourire est devenu rare. Elle s’énerve plus rapidement et parfois soudainement. Je l’ai entendu interdire à Nicole de l’appeler par son prénom « Nadia ». Elle dit préférer Stéphanie.
  • Ah Ma’a Mado, ce sont surement les caprices des enfants. Ils sont toujours imprévisible et parfois incompréhensibles. N’oublie pas qu’elle n’a que 13 ans malgré sa grande taille. Les adolescentes se laissent facilement influencés par les séries télévisées. Surement une de ses stars, s’appelle « Stephy ». N’oublie pas aussi que Stéphanie est le joli prénom que je lui donné à sa naissance, Nadia étant celui de son père qui ne vit plus à la maison maintenant.
  • Ah ok Berna, je vois ! C’est surement l’adolescence comme tu dis ! Mais tu ne vois pas aussi qu’elle a pris un peu trop de poids ces derniers mois ? relança-t-elle.
  • [Rire] Wèèèh Ma’a Mado, c’est parce qu’elle mange bien nor ! Et tu ne vois pas comment je suis ! Elle tient son poids et ses formes de sa mère… Pardon ! Je dois filer vite au marché sinon je trouverais que les autres bayam-sellam auront déjà tout acheté les fruits frais…

Elle s’empressa de traverser la cour pour stopper un benskineur, quelques mètres plus loin. Direction : Marché Sandaga, le marché aux fruits de Douala.

Un mois plus tard, on découvrait que Nadia était enceinte !

Elle n’avait que 13 ans ! Vous vous doutez surement du responsable. Mais quelle fut la réaction de Bernadette ? Comment se sentit Nadia vis-à-vis d’elle-même et de ses cadets ? Quel sort sa famille réservera-t-elle à ce fœtus en devenir ? Autant de questions que nous vous révélerons la suite dans le prochain billet. Une histoire vraie qui m’a ému et révolté. J’espère par le biais de l’écriture accroître l’attention sur ce mal qui gangrène pas mal de familles au Cameroun avec pour grande perdante, ces filles-mères innocente et mais coupable aux yeux de la société.

L’histoire de Nadia (2) : dilemme d’une grossesse, entre frayeur et douleur

L’histoire de Nadia (3) : le viol, un vol par effraction doublé d’une violence mentale inouïe


A propos de l’innovation pédagogique !

De l’innovation à la pédagogie.

Le terme innovation est généralement associé à la science, la technologie et a été longuement analysé par l’économiste autrichien Joseph Schumpeter.  Le concept d’innovation, tel qu’on le connaît, s’est donc développé dans l’univers du progrès technologique. Mais l’innovation revêt aussi une dimension sociale et l’innovation en éducation en fait partie[1]. Le monde de l’éducation, tout comme celui des entreprises n’échappe pas à cette nécessité[2] d’innover pour assurer leur pérennité, en particulier dans des environnements turbulents et imprévisibles caractérisés par la digitalisation et l’internationalisation du monde. D’après Sophie Gay Anger, l’innovation vise à créer  et renouveler  les  produits,  les  services,  les  processus  et  les business models des organisations de sorte d’accroître la valeur apportée aux clients et, de plus en plus, à la société.

L’innovation pédagogique quant à elle, se traduit par l’annonce incessante de nouveaux programmes, de nouvelles méthodes et approches plus personnalisées, expérientielles ou hybrides, d’internationalisation et de mobilité accrues, de nouvelles collaborations entre les établissements, de nouveaux espaces et outils. Ces dernières décennies, on observe une croissance des investissements et financements au service de l’innovation pédagogique ainsi que l’émergence de nouveaux entrants, de nouveaux designs dominants de l’éducation et par voie de conséquence, l’impératif d’innover plus et autrement. Ces changements en cours dans l’enseignement entrainent une dissipation des repères traditionnels ainsi qu’un bouleversement des modalités pédagogiques qui obéissent désormais à un écosystème complexe. Quels sont donc, aujourd’hui, les différents types d’innovation pédagogique ainsi que les caractéristiques d’un dispositifs innovants ? Et pourquoi pourraient-on les considérés comme étant innovants ?

Quelles sont les caractéristiques d’un dispositif innovant ?

On distingue les innovations dites linéaires de celles dites matricielles. Au Canada, l’on parle d innovations cumulatives, celles importantes et l’innovation transformatrice. Pour Jean Houssaye[3], il existe quatre types d’innovation pédagogique : « celles qui réussissent au-delà de leur temps (1), celles faisant tout pour réussir mais qui échoueront toujours (2), celles réussissant contre elle-même (3) et enfin, l’innovation qui réussit mais à côté de son objet (4) ». Nous avons pu trouver 7 caractéristiques d’un dispositif innovant[4] : L’enseignement est centré sur l’étudiant (1), la formation est axée sur la contextualisation des apprentissages (2), lréduction du cloisonnement disciplinaire (3), l’évaluation est cohérente avec l’esprit de l’innovation (4), un accent est porté dans le programme sur le transfert des apprentissages (5). On y observe par ailleurs de la collégialité (6) entre les enseignants et enfin la prise en considération de l’approche-programme[5] (7).

Quelles sont les  innovations pédagogiques contemporaines ?

Comme l’atteste les rapports annuels d’Open University, de nombreuses innovations pédagogiques apparaissent ces dernières années : CLOM, Serious Game, Learning by doing, Apprentissage expérientiel, réalité virtuelle, création de programmes hybrides (Blended Learning), Fablab, etc. Ils favorisent le développement des compétences et comportements des apprenants. Même si ces processus d’innovation pédagogique ne sont pas nouveaux (depuis le milieu du 19ème siècle), il n’en demeure pas moins qu’ils sont aujourd’hui fortement disruptifs car intégrant le potentiel technologique actuellement à disposition. Pour autant, tous ne connaitront pas le succès de la même manière tel que souligné plus haut par Jean Houssaye. C’est à chaque système éducatif, en fonction de « son ADN historique » ou de son projet stratégique de s’engager vers un axe de différenciation pour une méthode ou approche pédagogique spécifique.

L apprentissage experientiel et les CLOM

La première est l’apprentissage expérientiel qui permet un ancrage plus durable des acquis et une mobilisation plus importante des apprenants dans leur processus d’apprentissage. Il est réalisé en présentiel, via des mises en application, des séquences d’approfondissements, de questionnement, des mises en situation des contenus travaillés au préalable à distance, des travaux de groupe, des études de cas, des exercices, des projets simulés ou réels, etc. Pour nous, cette innovation n’est qu’une forme évolutive de la pédagogie de projet de John Dewey qui place le projet comme une réalisation en petits groupes par division du travail et rotation dans les rôles assumés par chacun. Cette pratique de pédagogie active permet de générer des apprentissages à travers la réalisation d’une production concrète

La seconde, ce sont les CLOM qui, d’après nous, ne sont pas si nouveaux qu’on pourrait le penser. Basé sur une pédagogie coopérative qui place l’apprenant en tant qu’acteur de ses apprentissages, capable de participer à l’élaboration de ses compétences en coopération avec l’enseignant et ses pairs. L’acquisition des connaissances résulte alors d’une collaboration de l’enseignant et de l’apprenant, et des apprenants entre eux, au sein d’équipes de travail. Les MOOC tout comme la pédagogie coopérative constituent une approche pédagogique complexe qui forme l’apprenant à coopérer pour apprendre, tout en l’amenant à apprendre à coopérer. L’approche se base sur des valeurs comme le partage, le respect, l’encouragement, etc.

A quoi ressemblera l’école de demain ?

Malgré les difficultés que connaît  le  système  éducatif  pour  diffuser  les  réussites  pédagogiques  et  susciter véritablement l’innovation chez ses acteurs, de nombreuses initiatives locales et isolées contribuent  à  modifier  le  paysage  pédagogique. Avec les évolutions technologiques, sans cesse mouvantes, il est difficile voire impossible de prédire les compétences de demain. L’école de demain  se  dessine  chaque  jour  en  fonction  des  rapports singuliers que chacun de ses acteurs entretient avec le nouveau et le changement. Or, face à l’hétérogénéité croissante des publics et aux attentes de  plus  en  plus  grandes  que  la  société  fait  peser  sur  le  corps  enseignant,  la recherche  incessante  de  solutions  et  l’adaptation  continue  aux  besoins  des apprenants  mobilisent  les  capacités  d’innovation  des  enseignants[6]. Cependant, il est sûr que certaines évolutions s’esquissent déjà, accentuées par deux tendances lourdes : l’alternance des métiers  et des  environnements  économiques  caractérisés par une forte complexité et une incertitude croissante.

 

REFERENCES

[1] Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) (2006). Rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation (2004-2005). Le dialogue entre la recherche et la pratique en éducation : une clé pour la réussite. Québec. https://rire.ctreq.qc.ca/les-pratiques-innovantes-en-education-version-integrale/

[2] Loïck Roche, Président du Chapitre des écoles de management,

[3] Houssaye, Jean. Colloque d’éducation et devenir, FESPI : “Ce qui interpelle l’école aujourd’hui”. Le 16 mars 2017, Paris. https://www.fespi.fr/ce-qui-interpelle-lecole-aujourdhui/

[4] Bédard, D., Viau, R., Louis, R. Tardif, J., & St-Pierre, L. (2005, September). Au-delà des réformes et des témoignages sur les pratiques pédagogiques innovantes. Actes du 22e Congrès de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (AIPU), Genève, Suisse.

[5] Lison, C. (2011). Programmes innovants en formation des enseignants : perceptions, conceptions et pratiques (Thèse de doctorat, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec). Accessible par ProQuest Dissertations & Theses.

[6] Christophe Marsollier, « L’innovation pédagogique : ses figures, sens et enjeux, p. 30


Joyeux Anniversaire Lupi !

Aujourd’hui, 21 juin c’est ton anniversaire

Et c’est donc un jour pépère et prospère.
Je me permets de t’offrir ces poèmes
Pour t’exprimer combien je t’aime.

Dans notre mémoire restera ce jour
Et ne vivrons les prochaines années
Que dans l’espoir perpétuel de retour
Pour ton anniversaire toujours célébrer.

Le bonheur de ta vie qui rejaillit sur nous,
Chante un hymne au bonheur intemporel
Et longtemps encore nous éblouira tous
Lolita, merci d’exister, être exceptionnel !

Pour ton anniversaire,
Mes vœux les plus sincères.
Du fond de mon cœur,
Je ne te souhaite que du bonheur.

Que tout tes souhaits se réalisent,
Et que tout tes rêves s’accomplissent.
Car ton anniversaire

Et pour moi l’occasion
De te dire que tu m’es chère
Jusqu’à la prochaine saison.

 

 

Dschang, 21-06-2013
By: C.S


Un atelier participatif singulier sur les humanités numériques à Alexandrie

Du 16 au 18 mai 2017, l’université Senghor et le campus numérique francophone ont organisé le tout premier atelier participatif ou BarCamp sur les humanités numériques, en Egypte mais aussi en Afrique francophone. Une expérience riche sur la formation, l’éducation et le numérique.

Vous avez dit humanités numériques ?

En février 2017, en réalisant ma veille informationnelle, je découvre une formation Transfer sur les « Humanités Numériques ». L’expression, nouvelle, me laissa dans un brouillard sémantique. Que pouvait bien signifier cette étrange alliance de mots, qui fait voisiner Virgile avec les bases de données ? C’est surement lié à la description des effets du numérique dans la vie des hommes, pensais-je, de prime abord. Le brouillard s’épaissit davantage lorsque je découvrais aussi que l’expression « BarCamp » m’était également inconnue. J’ai imaginé qu’il devait s’agir d’une rencontre informelle où, dans une ambiance décontractée, l’on devait échanger sur des sujets « sérieux ». Je m’imaginais un bar où, devant nos bouteilles de boisson ou nos tasses de café, il était possible de discuter  sur un sujet donné, comme dans un camp. Est-ce aussi ton cas ? Avant de poursuivre cette lecture, as-tu une idée de la signification réelle de « humanités numériques » ou de « BarCamp » ? Eh bien… ce brouillard qui (peut-être) te traverse est le même que je ressentis mais cela attisa davantage ma curiosité. Je décidais alors de consulter le GRAND MANITOU GOOGLE, qui éclaira suffisamment ma lanterne et me permis de m’inscrire à cet atelier qui fut une expérience riche et singulière.

Qu’est-ce qu’un BarCamp ?

Un BarCamp est un atelier participatif, c’est en effet une rencontre ouverte qui prend la forme d’ateliers ou d’événements participatifs où le contenu est fourni par des participants qui doivent tous, à un titre ou à un autre, apporter leur piment à la préparation de la sauce. Apparu en 2005  dans l’espace anglosaxon, il faut attendre les années 2010 pour que l’espace francophone suive (comme toujours !). Assister à un BarCamp ne nécessite pas de sélection (sauf contrainte de place). Ici, pas de spectateur, tout le monde est acteur, peu importe les compétences techniques de chacun. Jacqueline Bergeron, animatrice principale de l’atelier, l’a clairement signifié dès l’ouverture du bal : « je ne suis pas là pour enseigner mais pour partager ».

Les participants, enseignants des universités égyptiennes, chercheurs et jeunes diplômés de Senghor, contribuèrent activement à partir de trois axes interactifs et non cloisonnés : les humanités numériques en rapport avec les démarches d’apprentissage (I), les territoires apprenants (II) et les identités d’apprentissages (III). La réflexion était orientée sur la relation entre le numérique, l’éducation et la formation.

Qu’avons-nous fait durant ce rendez vous « atypique » ?

Le premier jour, après le rituel des présentations, nous avons réalisé, en groupe, des brainstorming et enrichissement des connaissances par le partage des expériences. Cela a fait émergé six questions principales :

1) Comment le numérique transforme-t-il un espace en territoire apprenant ?

2) Quels sont les rapports et apports entre les humanités numériques, l’économie collaborative et la démocratie participative ?

3) Qui sont les acteurs de la scène éducative ? Redéfinir les identités et les rôles.

4) Une nouvelle fonction pour les instances académiques à l’ère du numérique ?

5) Comment développer les compétences des acteurs dans le monde de l’éducation à l’ère du numérique en contexte africain : regards croisés sur les pays africains.

6) Comment concevoir l’évaluation des apprenants à l’ère du numérique à des fins de recrutement à l’université ?

Le 2ème  jour, trois posters numériques furent réalisés à partir de ces questions. Ils serviront d’indicateurs pour tout axe de recherche qui pourrait être mené sur chacune de ces questions. Nous avons terminé notre BarCamp le 3ème jour avec la présentation argumentée de posters numérique, avec des pistes d’actions : identifier les étapes à mettre en place pour créer une communauté d’acteurs sur les Humanités Numériques et définir les perspectives de publication d’un ouvrage collectif.

Si, il y a encore quelques années, il pouvait paraître étrange d’associer le numérique aux humanités, le monde scientifique voit aujourd’hui collaborer informaticiens et sociologues, ingénieurs et spécialistes de littérature. Ces alliances inédites renouvellent profondément les formes, les rythmes et la circulation des sciences humaines. Les humanités numériques ou « digital humanities », recouvrent un ensemble de pratiques de recherche qui sont à l’intersection des technologies numériques et des différentes disciplines des sciences humaines.

Ce que j’ai appris…

Au cours de cet atelier, grâce à la titulaire de la Chaire UNESCO « Numérique et apprentissage » et grâce à de nombreux échanges avec les autres participants, j’ai appris qu’il fallait sortir de “l’illusion pédagogique qui consiste à isoler le rapport aux connaissances des conditions et contextes sociaux dans lesquels ces dernières se construisent”. Les dispositifs d’évaluation actuellement en cours dans nos écoles devraient, sur certains aspects, être repensés car ils ne permettent pas de saisir ou de mesurer de manière efficace les compétences réelles des apprenants. On pense parfois qu’un enfant ou qu’individu n’est pas intelligent, sans tenir compte du sujet lui même, de la méthode employée et des conditions d’évaluation.

Les défaillances du système éducatif

D’après une étude menée en France, des élèves ayant réussi leur BAC en juin se retrouvaient en en situation d’échec trois à quatre mois plus tard. Pourquoi ? Tout simplement parce que le « vouloir apprendre » c’est à dire la motivation avait considérablement diminué. A propos de l’intelligence, Albert Einstein avait déclaré «tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide.»

Nous avons tous un talent personnel, mais ce talent n’est pas absolu, il a ses propres limites : des étudiants en littérature ou des journalistes n’arriveront jamais écrire des papiers ou des articles totalement dépourvus d’erreurs …

Enfin, lors de ce BarCamp, nous avons également saisi les enjeux stratégiques, culturels, professionnels et sociaux du champ du numérique. Il a été question en particulier des territoires apprenants, où le développement de compétences individuelle et collective s’est vu facilité avec le numérique. On constate en effet que le numérique augmente le pouvoir d’agir des citoyens, qui par le biais de la démocratie participative, se trouvent associés à la gouvernance territoriale, à la gestion et au suivi de l’action du service public. Il est incontestable que le numérique fait aujourd’hui partie intégrante de notre vie et cela a une incidence sur les dynamiques identitaires sociales et culturelles. Ce BarCamp m’aura permis d’en explorer les tenants et aboutissants, mais surtout de sortir de mon brouillard pour entrer dans une quête épistémologique sur la question des humanités numériques en Afrique.
Aujourd’hui, grâce à toutes ces réflexions, j’envisage de mener une recherche sur le rôle du numérique dans le développement des compétences des acteurs du monde de l’éducation au Cameroun.