Dix principes pour guider l’adoption d’un style de vie fondé sur la simplicité volontaire

Dans un article précédent, je partageais trois principes clés pour simplifier sa vie : la réflexion, catégorisation et priorisation. Tout comme le minimalisme nous pousse à ne garder que l’essentiel, la simplicité volontaire nous pousse à n’acheter que le nécessaire ! Alors que le premier article présentait les fondations philosophiques de la simplicité volontaire, celui-ci est une suite, pour répondre à une question centrale, posée par les lecteurs du premier article : « Avec des exemples pratiques, à quoi ressemble une vie guidée par l’idéal de sobriété et de simplicité ? » Les dix principes et divers exemples ci-dessous, pourraient éclairer davantage et orienter l’adoption d’un mode de vie s’appuyant sur la simplicité volontaire.

1. Retourner au naturel

A quand remonte la dernière fois que vous avez marché volontairement, en évitant les bruits des moteurs ? Quel type de médecine privilégiez-vous lorsque vous êtes malade ? Vous tournez vous vers la médecine pharmaceutique moderne ou celle naturelle avec, par exemple, l’homéopathie, les plantes, les huiles essentielles, les remèdes de grand-mères.

2. Réduire votre impact écologique

La simplicité volontaire[1] va plus loin que le minimalisme, car elle se reflète par une attitude écologiste :

• En prenant des douches courtes pour économiser l’eau,
• En marchant ou en faisant du vélo au lieu de prendre la voiture (covoiturage ou transport en commun lorsque nécessaire),
• En produisant ses propres aliments en ayant un potager ou une ferme et en conservant les surplus de récolte ;
• En utilisant dans la mesure du possible des objets rechargeables (piles par exemple).

3. Simplifier sa vie, par le désencombrement ou l’art du tri et partage

« Est-ce que toutes ces choses que je possède me sont nécessaires ? Combien de temps par semaine, par mois, par année dois-je passer à les ranger, les classer, tout ce temps où je pourrais profiter de la vie ? »

Il est essentiel de se poser cette question avant de se lancer dans la pratique du désencombrement. Quant à moi, il m’arrive d’effectuer régulièrement le tri des vêtements, des objets inutiles, de la vaisselle fêlée, des casseroles cabossées, des souvenirs ringards, etc. Votre armoire est pleine, mais portez-vous réellement tous les vêtements que vous possédez ? Après un tri, vous pourriez vendre ces objets à la brocante du coin ou faire des dons à des associations caritatives. Ainsi, vos objets précieux et utiles seront davantage mis en valeur et les autres vite oubliés. Avec un intérieur désencombré, vous aurez moins de ménage et moins de stress ou maladie mentale.

D’autres désencombrent régulièrement à des périodes spécifiques de l’année, comme la veille de Noel. C’est le cas par exemple de Béa Johnson et de sa Zero Waste Home : en 4 ans, sa famille a produit l’équivalent d’un bocal en déchets. Ce résultat n’a été obtenu qu’après une simplification radicale de la vie quotidienne de l’ensemble de la famille, avec une réduction drastique du nombre d’objets « inutiles » dans la maison. Quel aspect de votre vie a-t-il également besoin d’être désencombré ? Avez-vous le courage de vous séparer (jeter ou donner) vos choses ?

En nous séparant régulièrement d’objets obsolescents ou plus nécessaires, nous maintenons une éthique de vie simple centrée sur l’essentiel, dénué de superflua[2]. Moins de biens, plus de liens. Partageons, échangeons, privilégions l’entraide, la fraternité et l’amitié car il y’a plus de joie et de bonheur à donner qu’à recevoir.

4. Maitriser ses pulsions d’achat et résister aux attractions publicitaires

Le lien entre publicité et achat est celui de cause à effet. Pour mieux maitriser vos pulsions d’achat, éviter tout ce qui peut stimuler ces envies. Voici des conseils pratiques qui m’ont aidé :

• Emprunter et recycler au lieu d’acheter^[3]. Par exemple, il faut n’avoir ni honte ou être gêné^[4] d’emprunter des livres, jeux, DVD etc. à la bibliothèque ou utiliser des services publics ou collectifs. Préférer des sorties à l’extérieur, qui ne coûtent rien : une randonnée plutôt qu’un ciné, une journée à nager à la rivière plutôt qu’au parc aquatique… Les options sont infinies !
• Se désinscrire de tout mail publicitaire et préférer des chaînes des médias (TV, de radio, des magazines) avec le moins de pub. Par ailleurs, j’évite de croire à toutes les promesses publicitaires : ce n’est pas parce qu’un média affirme quelque chose que c’est vrai !
• J’achète les produits pour leur utilité et non leur marque. Certains produits de marque sont exorbitants alors que des équivalents (sans marques) existent. La nouveauté n’est pas synonyme de nécessité. On n’est point obligé d’acheter le dernier iPhone, PC, MacBook sur le marché. Surtout si les fonctionnalités additionnelles n’apportent véritablement pas une plus-value radicale. Je suis un fan des produits Apple, mais de toutes les sorties de iPhones, je n’en ai utilisé que 3 modèles (iPhone 5C, iPhone 6+ et iPhone 7+) et ceci depuis près de 10 ans. J’utilise encore l’iPhone 7+ qui répond très bien à mes besoins essentiels[5] et les deux précédents ont été offerts comme cadeau. Donc je n’ai aucune pression ou besoin de courir après les dernières sorties agressivement marketées.
• Je n’achète que ce dont j’ai besoin. D’où l’importance de prendre le temps d’établir une liste d’achats avant de se rendre dans les magasins ou au supermarché, et se discipliner à s’en tenir à ce qui est sur la liste.  Notez sur un petit carnet toute envie d’achat impulsif et imposez-vous une semaine de réflexion. Ce délai vous permettra de prendre du recul et de vous poser les bonnes questions sur la réelle nécessité de cet achat. Une fois sur deux, l’envie se sera évanouie.
• Evitez de se promener dans les galeries marchandes pour ne pas être tenté.

5. Essayer le Do It Yourself (DIY) pour limiter le gaspillage

Le mouvement du DIY a une philosophie et des principes semblables à ceux de la simplicité volontaire, dont l’un est le refus du gaspillage. Réparez plutôt que jeter. Grâce à YouTube et autres plateformes vidéo, vous pouvez désormais être autodidacte sur presque n’importe quel sujet si la détermination y est.

Nous vivons dans une société qui a élaboré le concept d’obsolescence programmée. Il faut que les produits durent le moins longtemps possible, deviennent obsolètes par tous les moyens (panne, incompatibilité, mise à jour impossible, etc). Ne vous laissez pas prendre à ces pièges. Apprenez à fabriquer par vous-même, à réparer, à bricoler, à acheter d’occasion, détournez des objets de leur utilisation première, etc. En évitant le gaspillage, on prend éthiquement conscience des populations défavorisées qui existent dans nos sociétés et dans le monde. On évite ainsi de creuser les écarts d’inégalités en optant pour la simplicité et la retenue dans la consommation.

6. Eviter l’usure

Il existe de nombreuses offres du genre ‘achetez dès maintenant, payez plus tard’. Bien que cela paraisse séduisant, cela conduit parfois aux endettements, vous rendant ainsi plus dépressif et dépendant des cartes de crédit, hypothèques, etc.  Or étant donné que la simplicité est sœur de la prudence, il est déconseillé de contracter un prêt financier uniquement pour acheter un nouveau téléviseur ou des appareils électroniques de marque. C’est comme se retrouver dans une fosse et continuer à creuser. Le seul cas où je peux envisage prendre un prêt financier, c’est pour l’investir dans un actif, et non un passif.

Par contre, la simplicité volontaire encourage une activité économique modérée[6], en poussant ceux qui s’y prêtent de pratiquer une gestion des finances disciplinée et à n’acheter que ce que le travail de la terre, l’entraide communautaire ou l’échange de bons services ne peuvent combler. Cet engagement vers la consommation responsable, raisonnable et contrôlée privilégiera les besoins réels et permettra d’assurer un avenir sain et sécuritaire pour tous.

7. Consommer local

Au Ghana, 80% de ma consommation alimentaire est bio. Lorsque je me rends au marché, je privilégie les produits d’agriculteurs locaux, même si leurs marques sont inconnues et l’emballage peu attrayant. Les aliments bio ou en provenance d’un producteur local sont généralement de meilleure qualité et plus économique[7] que ceux des supermarchés. Par ailleurs, vous pourriez faire des économies de transport et une alimentation bio prévient des maladies comme le diabète, obésité, hypertension, cancer etc. Or nul n’ignore que prévenir est mieux que guérir.

8. Réserver du temps pour soi et pour la famille

La simplicité volontaire remet en cause le système économique des sociétés occidentales où on favorise les heures de travail au lieu des moments précieux passés en famille ou en communauté, en échange d’un revenu qui permet de répondre à des besoins certes essentiels. Assez paradoxalement, nous sacrifions ainsi les moments de plaisirs en commun, en échange d’un revenu pour augmenter notre capacité de consommation.

Pour adopter un mode de vie guidé par la simplicité volontaire, nous devons établir des priorités entre le temps de travail et de socialisation. Par exemple, vous pourriez essayer de faire des travaux manuels, manger au moins un repas en famille chaque jour, pratiquer des loisirs créatifs[8], jouer avec les enfants, faire des activités artistiques ou sportives, bénévolat, lecture, apprentissage d’une langue[9] ? Vous pouvez aussi confectionner des plats faits maison qui sont parfois plus économiques que des plats de restaurant. Il s’agit d’opportunités de relaxation individuelle ou de détente avec des proches où vous pouvez renforcer vos liens avec vous-même ou les autres.

9. Simplifier vos achats en misant sur la pertinence et non le prestige

Evitons d’acheter des téléphones, voitures ou appareils tout simplement pour leur prestige[10], mais priorisons la fonctionnalité et l’utilité. Lorsque vous envisagez prendre un nouvel appartement ou une maison, le plus important serait de trouver un espace convenable, assez confortable et suffisant pour vos besoins ; nul besoin de prendre des espaces luxueux dans la seule intention d’impressionner les autres (c’est se compliquer la vie). Evitons de suivre la mode dans nos achats vestimentaires. Achetons ce qui est nécessaire, économique, durable et respectueux de l’environnement.

10. Être intègre et honnête dans vos propos

Que votre « oui » soit « oui » et votre « non » « non ». Si vous acceptez de faire une tache, faites-le. Être honnête envers soi-même et les autres, évite beaucoup de complications et rend la vie plus simple, comme l’illustre Marcel Conche[11].

II. S’y prendre doucement…

Après avoir parcouru les exemples présentés sous ces dix principes, vous devez avoir l’impression qu’il s’agit d’une liste (peut-être longue) de règles laborieuses[12] à respecter chaque jour. Concevoir cela ainsi rendrait la pratique plutôt complexe voire compliquée, ce qui est loin d’un idéal de simplicité. C’est pourquoi je vous invite à y aller progressivement.

Il y’a certainement certaines activités minimalistes ou simplistes que vous aviez déjà adopté sans peut-être vous rendre compte que cela était une composante d’une philosophie de vie simpliste. Si vous paniquez juste à l’idée de prendre l’autobus, ne vendez pas encore votre voiture ! Il faut simplement poser des actions concrètes chaque jour, à notre rythme, afin de « désengorger » notre vie et nous permettre d’apprécier ce qui nous entoure plutôt que se sentir prisonnier d’un mode de vie qui ne nous convient pas (ou plus).

Mot de cloture

Alléger sa vie de tout ce qui l’encombre est une manière de privilégier l’être plutôt que l’avoir[13], et en conséquence de valoriser les relations humaines et la solidarité[14], ce qui permet aussi à la simplicité volontaire de s’adresser non seulement aux addicts de la fièvre acheteuse, mais aussi aux exclus des circuits commerciaux pour insolvabilité[15], et même aux leaders managers qui appliquent certains principes de la simplicité volontaire au travers de la méthode agile.

 Cette voie de simplicité volontaire n’est pas un carcan dogmatique : choisir de ne pas suivre la mode ou consommer autrement est un acte lucide, à un moment donné, sur lequel on peut revenir s’il ne convient plus. C’est un chemin où j’encourage chacun à s’engager peu à peu, à son rythme. Au final, c’est un style de vie qui contribue à notre épanouissement personnel et à un développement soutenable[16], nous permettant de tirer le maximum des ressources que nous offrent la terre, la nature et le travail.

Notes et références

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[1] Les adeptes de la simplicité volontaire privilégient un mode de vie frugal et une réduction consciente de la consommation. En 1985, Serge Mongeau publie l’ouvrage La Simplicité Volontaire, le premier sur ce sujet au Québec. Âgé de 63 ans à l’époque, il écrivait ses livres à la main, vivait sans voiture et allait même jusqu’à emprunter les journaux à sa voisine, évitant ainsi d’en acheter. Pour lui, vivre en toute simplicité, c’est non seulement économique, mais aussi écologique.

[2] JOUSSAIN André, « LE PRINCIPE DE SIMPLICITÉ OPPOSÉ AU PRINCIPE D’IDENTITÉ on JSTOR », consulté le 29 juin 2021, https://www.jstor.org/stable/43032056.

[3] Si vous avez des enfants, il n’est pas toujours nécessaire de leur acheter de nouveaux jouets chaque année, les anciens peuvent parfois très bien faire l’affaire ; d’où la nécessité de n’acheter que ce qui est éducatif et durable. Par ailleurs, une certaine conscience et responsabilité environnementale nous entrainera à éviter d’acheter la majorité des gadgets contemporains, qui contribuent largement à la pollution de l’environnement.

[4] Le désir de posséder les choses est désormais une obsession dans nos sociétés. Posséder des objets nous donne l’impression d’être au contrôle et d’avoir plus de plaisir. Or c’est une illusion. On peut profiter de plusieurs choses sans pour autant les posséder ou contrôler. Vous pouvez pleinement profiter de la plage sans pour autant acheter une portion entièrement privée. Profiter des espaces publics de divertissement, librairies et Maisons de la culture.

[5] La caméra, l’espace de stockage et la vitesse de traitement sont les 3 capacités de téléphones qui sont régulièrement mises à jour lors des nouvelles sorties de smartphone, soit chaque trimestre en moyenne. Si vous aimez véritablement les photos de qualité, c’est largement plus économique de vous procurer un appareil photo de qualité que de toujours vouloir acheter les dernières sorties de smartphone, plus couteux sur la durée.

[6] André Dulac, « La simplicité volontaire; pas l’extrême! », Le Soleil, 3 juillet 2017, https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/la-simplicite-volontaire-pas-lextreme-bf23521e1b4a28d55229ac2b00b75395.

[7] Si votre unique motivation en adoptant la simplicité volontaire, consiste à économiser un certain montant pour un projet sans pour autant être convaincu de la philosophie derrière les pratiques, il y a de fortes chances que vos anciennes habitudes reviennent au galop dès que vous aurez atteint votre but. Au contraire, si vous choisissez d’effectuer des changements précis pour améliorer à long terme votre vie personnelle, vous y gagnerez beaucoup plus… incluant de l’argent !

[8] Il existe des ateliers de cuisine collectifs, des jardins communautaires organisés par des bénévoles qui favorisent cette approche en faisant passer l’aspect humain avant le matériel.

[9] Vous pouvez retrouver d’autres idées d’activités ici : https://www.penserchanger.com/developper-votre-creativite

[10] Initié par le Réseau québécois pour la simplicité volontaire, la Journée mondiale sans achats célébrée le dernier vendredi de novembre est un des actes de protestation contre le gaspillage lié à la fièvre du magasinage, comme lors du Vendredi fou.

[11] Maël Goarzin, « Être épicurien aujourd’hui: l’exemple de Marcel Conche », Billet, Comment vivre au quotidien? (blog), consulté le 29 juin 2021, https://biospraktikos.hypotheses.org/4878.

[12] Lahille Philippe, « Les 10 conseils pour débuter », consulté le 29 juin 2021, http://simplicite-volontaire.wifeo.com/les-10-conseils-pour-debuter.php.

[13] La simplicité est le contraire de la duplicité, de la complexité, de la prétention. C’est pourquoi elle est si difficile.

[14] Thierry Brugvin, 6 chemins vers une décroissance solidaire, 2018, https://www.socioeco.org/bdf_fiche-publication-1630_fr.html.

[15] Moreschi Cécile, « La simplicité volontaire pour améliorer sa qualité de vie », consulté le 29 juin 2021, https://www.noovomoi.ca/vivre/bien-etre/article.la-simplicite-volontaire-pour-ameliorer-sa-qualite-de-vie.1.1090181.html.

[16] Sur la planète, les pays et les individus les plus favorisés sont aussi les plus responsables du réchauffement climatique et de la fin programmée des ressources non renouvelables, comme les métaux, les énergies ou le pétrole avant la fin du siècle. L’adoption massive de la simplicité volontaire comme style de vie, pourrait drastiquement changer la donne en quelques années puisque cela intègre des considérations pour l’environnement, l’économie, le social et pour soi-même. Penser que la simplicité volontaire est uniquement motivée par des motifs financiers, c’est passer à côté de toute l’essence de ce mouvement, qui est l’une des alternatives – écologie sociale, éco-socialisme etc. – pour réduire le consumérisme fou et destructif en cours.