Les 6 savoir-faire que vous pourrez développer en pratiquant l’art oratoire
En 2012, je m’impliquais activement dans la majorité des initiatives ayant une dimension panafricaine, culturelle ou sociologique. Énergique, j’étais présent sur tous les fronts et l’auteur de plusieurs folies. En 2013, lorsqu’est lancé le tournoi local de débat à l’université de Dschang, mes amis m’ont encouragé à m’y lancer. D’abord hésitant, j’ai fini par me laisser convaincre : le goût de l’aventure était plus fort que moi. Mais j’ignorais que je m’embarquais là dans une aventure sans pareil. J’ignorais que ce périple que j’entreprenais par curiosité allait changer ma vision et ma représentation du monde. Près de cinq années après le début de l’aventure, je partage ici avec toi, lecteur, les six principaux savoir-faire acquis et développés par la pratique régulière et professionnelle de l’art oratoire, autant en tant que débatteur, que coach et formateur en prise de parole en public.
1. La gestion du temps.
La gestion du temps est un des traits essentiels du débatteur. Réussir un débat, c’est aussi pouvoir le finir dans les temps ! Il est donc plus que nécessaire de garder en permanence un œil sur ton timing. En effet, de la préparation à la présentation, le débatteur est engagé dans une course contre le temps. Durant la phase préparatoire, trouver un consensus sur la stratégie d’attaque et de défense est toujours complexe. Souviens-toi quand, plus jeune, on se croyait intelligent, et ainsi chacun tenait toujours à avoir le dernier mot. C’était pareil pendant les travaux de groupe que tu as pu avoir à réaliser en classe : on ressent toujours un plaisir, une fierté parfois muette et diffuse lorsque son idée ou proposition est retenue.
Or, dans un tournoi ou championnat de débat structuré, le temps est méticuleusement chronométré. Très vite, en moins de 15 minutes, on doit pouvoir trouver des idées, les rassembler, les organiser, les structurer et les répartir. Fermeté et concession sont les secrets pour y parvenir. Pouvoir rester ferme limite les blablateries, et la concession permet d’avancer. Concéder c’est apprendre à faire confiance et croire en la compétence de l’Autre.
2. L’écoute active : parler est un besoin alors qu’écouter est un art.
S’il y a une compétence universelle, c’est bien celle de savoir écouter. Après tout, nous écoutons depuis que nous sommes nés, ce qui nous donne l’impression d’être des experts de l’écoute. Et c’est là le piège! Lorsqu’on s’imagine être un expert, on se dit qu’il n’y a rien de plus à apprendre… Pourtant, lorsqu’on veut faire passer un message, il faut d’abord comprendre ce que nous dit réellement notre interlocuteur. Une attitude qui exige un certain savoir-faire. Entendre ne nécessite aucun effort d’attention particulier : c’est simplement le sens de l’audition qui fonctionne. Écouter, par contre, est un acte volontaire. Tu décides de te concentrer pour mieux connaître ton interlocuteur et t’assurer que tu comprends bien le message qu’il te transmet.
Tous les débatteurs ou professionnels du monde de la communication te diront que l’écoute est la première étape pour être convaincant. Tu ne peux bâtir une bonne argumentation ou réponse sans avoir bien écouté et compris ton adversaire. Or le plus souvent, en société, la capacité et l’esprit d’écoute se perdent. Il devient de plus en plus difficile de retenir ou capter l’attention des personnes. Grâce au débat, j’ai ainsi aiguisé cette aptitude à savoir se taire, pour écouter ce que l’autre pense, le comprendre et pouvoir, au besoin le démontrer. Je t’invite à lire cet article si tu désires découvrir comment améliorer tes compétences d’écoute car il s’agit d’une technique de communication cruciale pour la réussite professionnelle.
3. L’organisation des idées.
Combien de fois t’es-tu dit, en plein milieu de ta prise de parole, que ta présentation était confuse, mal adaptée à ton public, ou que tu avais oublié un point essentiel ? Boileau disait : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire, viennent aisément. » Le même principe s’applique à la prise de parole en public, on doit être structuré pour accroitre la charge persuasive du discours. Lorsque ton discours est structuré, l’auditoire écoute avec d’autant plus d’attention. Un discours structuré est plus facile à comprendre, agréable et l’auditoire s’en souvient aisément. Même un mensonge, lorsqu’il est structuré, devient crédible. J’ai constaté que le message passait mieux lorsqu’on usait des connecteurs logiques, ces chevilles ouvrières de la cohésion du discours. Et cela est d’autant plus vrai à l’écrit.
4. L’esprit de compétition.
L’esprit de compétition, interne entre les membres de la même équipe et externe à l’égard de l’équipe adverse, est l’un des ingrédients qui épicent un championnat de débat. En effet, chaque orateur, au regard de ses performances individuelles, obtient un score lui permettant de concourir pour le titre de meilleur débatteur/orateur. Par ailleurs, c’est la somme des scores de deux coéquipiers qui permet d’obtenir la note moyenne de la meilleure équipe. Cette dualité entre compétition et collaboration, quoique ludique, a aussi une dimension pédagogique : apprendre à collaborer en conservant ses différences.
Le débat s’inscrit ainsi dans une vision capitaliste avec cette logique de compétition et de concurrence érigée en modèle dominant. Bien que je ne partage pas totalement cette philosophie sociale de la compétition, j’adhère cependant à la compétition individuelle qui est un facteur émulant et stimulant qui pousse à l’action, à la réalisation, à l’accomplissement d’un acte. Et partant, booste la confiance en soi.
5. Développer l’esprit critique et de discernement.
J’avoue que je préfère bien la désignation anglaise « critical thinking ». Voilà un autre atout que j’ai aiguisé par la pratique régulière du débat. Au cours d’une compétition de débat, on doit, séance tenante, faire une analyse critique du discours de son adversaire pour en identifier et démontrer les failles. Suivant un mode d’intervention croisé, un membre du « gouvernement » intervient toujours après celui de « l’opposition » et vice versa. Donc, il faut sérieusement se remuer les méninges pour comprendre, décrypter et exposer les faiblesses de l’argumentaire adverse, directement après qu’il l’ait fait. Les Avocats et acteurs du droit sont passés maitre dans cet art au regard des exigences de leur métier à travers le plaidoyer.
Dans un monde actuel globalisé et interconnecté, développer l’esprit critique relève d’un enjeu majeur au service de la construction de l’émancipation sociale, professionnelle et citoyenne. Construire une pensée critique implique une posture intellectuelle nécessitant curiosité et distanciation face au monde qui nous entoure. Cela repose sur l’acquisition de compétences transversales visant à développer la capacité à argumenter et à débattre, à distinguer les savoirs des opinions ou des croyances, et à respecter la pensée des autres.
6. Le travail d’équipe.
Le travail collaboratif est une des compétences professionnelles clés de ce siècle. Une aptitude que chacun se doit d’acquérir, de murir et de perfectionner. A travers mon expérience dans l’univers du débat structuré, j’ai été amené à collaborer avec des personnes ayant des caractères différents. J’ai compris que la clé du travail en équipe est la gentillesse, ou encore l’existence d’un climat caractérisé par la confiance interpersonnelle et le respect mutuel. Cette compétence est transversale puisque le travail en équipe est aussi essentiel à la réussite de l’entreprise qu’il l’est au succès d’une équipe de football.
Voilà ainsi présentés, les six compétences acquises et renforcées par la pratique du débat structuré. Et toi, es-tu un acteur du monde de l’art oratoire ? Quelles sont autres capacités aiguisées par la participation aux joutes verbales ? aux compétitions de débat ? aux séances de plaidoyer ?
Commentaires