Mongo Beti était-il véritablement un athée ou un catholique caché?

Article : Mongo Beti était-il véritablement un athée ou un catholique caché?
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11/05/2019

Mongo Beti était-il véritablement un athée ou un catholique caché?

Mongo Beti, écrivain, homme politique, polémiste et leader d’opinion célèbre est aussi connu pour n’avoir pas été souvent tendre avec le clergé catholique en Afrique. Tant dans sa prose latérale que dans son œuvre. Laquelle œuvre toute entière est pourtant empreinte de motifs catholiques. C’est le constat qu’a fait Owono-Kouma, lequel l’a conduit à écrire Mongo Beti romancier et l’église catholique romaine publié chez L’Harmattan en 2010.

L’interrogation principale qui occupe le chercheur est celle d’explorer l’écriture de Mongo Beti (Eza Boto) pour se « demander pourquoi un romancier qui s’est proclamé ou que l’on a dit agnostique, voire athée, a puisé si abondamment la matière d’œuvre de sa production romanesque dans le christianisme en général, l’Écriture sainte et l’Église catholique en particulier. Pourquoi en est-il toujours question dans chacune de ses œuvres ? Pourquoi le romancier en est-il tant obnubilé ? » l’exégète s’est aussi demandé si cela a servi ou desservi l’église catholique.

Le critique se démarque de Molly Mazuiri, Louis-Paul Ngongo, Bernard Mouralis, Tsibola Kalengayi, Albert Gérard et Eloi Messi Metogo qui, tous ayant étudié la religion chez Mongo Beti, n’ont pas abordé le motif chrétien de façon holistique chez le natif de Mbalmayo, tâche à laquelle le critique s’attelle.

Église catholique romaine et création romanesque

La première partie Église catholique romaine et création romanesque présente la création romanesque de Mongo Beti comme se basant principalement sur la religion chrétienne et surtout l’obédience catholique romaine. Son chapitre I s’intitule La mission catholique : une succession de descriptions. Ce chapitre est forgé au pied de la théorie de Pierre Fontanier se rapportant à la description que le chercheur utilise. Il dresse exhaustivement les caractéristiques des infrastructures de l’église catholique. Le personnel missionnaire : une galerie de portraits, ainsi s’intitule le chapitre II. Il y est question d’insister sur l’ensemble des marques que l’on pourrait appeler l’étiquette du personnage selon la terminologie de Philippe Hamon. De ce point de vue, les membres du clergé comme les évêques, les prêtres, les laïcs dont le personnel du presbytère et les domestiques passent à l’analyse. Le chapitre III parle du Thème structurateur de l’évangélisation. De la pléthore des théoriciens de l’approche thématique, Owono-Kouma jette le dévolu sur Jean-Pierre Richard qui consiste entre autres à construire des associations significatives et récurrentes. Il conclut que ces associations sont construites autour d’un pivot : la religion chrétienne d’obédience catholique.  

Écriture sainte et création romanesque 

La deuxième partie a pour titre Écriture sainte et création romanesque : essai d’analyse intertextuelle. Indication du temps et caractérisation de l’espace en est le premier chapitre et le quatrième de l’ouvrage. Comme l’écrit Owono-Kouma, « Dans cette perspective, l’analyse du présent chapitre montre que l’écrivain s’est servi du temps et des localités de la Bible pour indiquer et caractériser tour à tour le temps et l’espace dans lesdits romans. » p. 146.  Au chapitre V Signifiant et faire des personnages. L’intertextualité tient des analogies que le chercheur établit entre les personnages bibliques et ceux de Mongo Beti. Les personnages de Mongo Beti sont tantôt inscrits dans le cadre de leur programme dans les canevas proscriptif et prescriptif selon la terminologie du Groupe de Liège. Le chapitre VI s’intéresse à Le discours des personnages. Suivant le même tandem, il est question de montrer que ce discours « c’est-à-dire la façon de parler, s’inscrit dans le cadre de la démarche intertextuelle. » p. 199. Il s’agit de scruter dans les discours des personnages la part qui a trait directement ou indirectement à un fragment biblique.  

Discours critique sur l’Église et l’évangélisation

La troisième partie Discours critique sur l’Église et l’évangélisation touche les problématiques de rejet, d’adhésion mitigée au christianisme par les Africains. Le chapitre VII, Les chrétiens africains : une foi chancelante permet de revenir sur les freins à une évangélisation réussie. On aura à ce sujet une inconstance de la foi chez les Africains traduite notamment par une foi singulière (goût de la curiosité, recherche de l’intérêt personnel, la complaisance dans les conversions), la pratique coercitive de la foi et la pratique de la mobilité religieuse. Le personnel missionnaire, des contre modèles est le titre du chapitre VIII. Son dessein est de dégager l’image négative qui entache le faire et l’être des missionnaires. Ils sont présentés par Mongo Beti comme ayant un comportement contradictoire avec leur enseignement : chasteté sujette à caution, l’égocentrisme avec l’intolérance envers les autres confessions chrétiennes, le goût du luxe matériel et le mauvais payement des personnels à leur charge.  Critique de l’institution est le titre du chapitre IX. Les chrétiens formulent des critiques contre les fondements de l’Église universelle, ces critiques sont relayées par les narrateurs successifs de Mongo Beti, ses personnages non chrétiens et réactionnaires. Des réserves portées sur l’Écriture sainte, contre le comportement des missionnaires sont également le lot qui peint la catholicité sous son mauvais jour, raison de la désaffection des Africains.

Il est à retenir que « Seule la question relative au rapport de Mongo Beti à la foi n’a pu être élucidée. » p. 337, Mongo Beti puisant abondamment et presque de façon obsédante du matériau biblique pour construire les lieux, le programme narratif des personnages et leurs discours. L’étude pourrait aussi poser l’hypothèse de la chrétienté comme métaphore obsédante chez Mongo Beti, laquelle amènerait le chercheur à se nourrir de la psychocritique de Charles Mauron pour affiner les résultats les résultats probants auxquels il aboutit.

Néanmoins la plus grande certitude demeure ; personne n’a encore avec clarté déclarer la foi ou la non-foi de Mongo Beti.

Compte rendu d’un ouvrage culte sur l’auteur de Ville cruelle par Gaétan Guetchuechi.

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Commentaires

Wandji tatiana
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Bravo! Gaëtan Guetchuechi! Votre Analyse est perçue comme un épilogue à consulter avant la lecture dudit travail rédigé par notre chef Pr Owono kouma. Merci bien pour avoir posté cette page

Mayi Anne Eugénie
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Merci bien grand Prof. Guetchuechi pour cet excercice intellectuel....