Mon premier acte de délinquance juvénile
Dans ce billet, je décris les conditions de mon premier acte de délinquance juvénile. Une expérience inoubliable que je n’hésiterai pas à refaire (mais en mieux) si jamais je pouvais remonter le temps. Bonne lecture.
Le besoin attise la convoitise…
A l’époque où j’étais encore très jeune, je dépendais financièrement de ma famille. Comme beaucoup d’autres étudiants, c’est dans mon allocation mensuelle que je devais puiser pour mes loisirs, le vestimentaire, la nourriture, la documentation universitaire…Bref, je devais organiser toutes mes dépenses dans l’allocation mensuelle que je recevais alors des parents. Sans parler des besoins de la « petite » qu’il me fallait aussi gérer (j’étais alors fidèle hein !). Or alors que mes besoins économiques s’agrandissaient au fur à mesure que j’évoluais, la pension que je recevais des parents, était demeuré sensiblement la même.
Au niveau 3 donc, je me souviens avoir informé les parents de la nécessité de me procurer des ouvrages universitaires très important qui ne coutaient que quelques dizaines de milliers de francs. Ma situation était aussi devenue très délicate à gérer depuis que j’hébergeais mon cadet chez moi. Le jonglage en effet devenait plus difficile puisque je l’avais « sous ma charge ». Après avoir insisté à de nombreuses reprises pour l’augmentation de notre pension mensuelle, je n’avais point reçu de retour positif.
Cette année-là, je suis allé passé les congés de nouvel an chez une tantine de la famille. L’un de ses fils était réputé, pour avoir dérobé régulièrement d’importantes sommes à ses parents pour aller s’enjailler. Et il s’en sortait seulement avec quelques réprimandes verbales mais jamais rien de grave. Après tout, ne dit-on pas souvent qu’un enfant ne « vole » pas ses parents. Il « prend » juste sans permission. Mais cet épisode d’une manière ou d’une autre m’influença. Intérieurement, je me disais :
« Cet enfant a dérobé des centaines de milliers de FCFA à ses parents juste pour aller gaspiller cela avec les femmes et jouer la vie. Moi je suis là, je ne demande que quelques dizaines de millier pour des fins académiques et ils réchignent à me les donner ? Si je me sers moi-même, que vont-ils bien me faire ? Après tout, je ne l’ai jamais fait ! J’ai toujours été un fils obéissant et respectueux. Donc ils comprendront que j’étais vraiment dans le besoin et que je ne n’avais pas le choix »
Voilà de façon assez schématique et synthétique, le raisonnement que j’avais eu à l’époque. C’est donc ainsi que j’ai planifié mon premier acte de rébellion de toute ma vie 😊. Les circonstances furent très favorables voire aisées, les parents ne se méfiants jamais de moi. Après tout, j’étais presque toujours celui qu’on citait comme modèle. C’était donc difficilement imaginable que je puisse commettre un pareil acte.
Le besoin peut transformer un agneau en loup…
Ah mofmidé ! c’est ici qu’ils ont confirmé le code alors… Par un dimanche après midi, je suis donc parvenu à « ramasser » quelques centaines de kolo puis je suis djoum dans les sissongos. En m’éloignant du domicile familial, mon coeur battait la chamade, les pensées s’entrechoquaient dans mon esprit.
Je transpirais à grosse goutte alors qu’il ne faisait point chaud. Sur la route pour la gare routière où j’allais prendre le bus pour Dschang, j’ai rencontré deux amis à mes parents. Le second m’interrompis, me demandant si je savais où il pouvait retrouver mon vieux (père). Je lui répondis avec empressement que je ne savais pas. Il me demanda comment si mon père serait à la maison le weekend. Je lui dis une fois de plus que je l’ignorais.
En réalité, je ne pouvais répondre à ses questions. J’étais comme plongé dans un état second. A la fois excité et terrifié. Excité d’avoir eu l’audace de poser l’acte que je venais de poser. Terrifié à l’idée d’être démasqué. J’avais l’impression qu’il était marqué sur mon front « Cet enfant a détourné l’argent de ses parents ». Pour me rassurer, je sortis un tissu pour m’essuyer le visage car les gouttes de sueur qui en découlaient, étaient de plus en plus grosses. L’ami à mon père me libéra enfin en me disant aurevoir. Le soulagement qui m’envahit était semblable à celui qu’on ressent après s’être libéré d’une diarhée.
Parvenu à la gare routière, j’étais assez embarassé sur la destination à prendre. Devais je retourner dans ma ville universitaire à Dschang? Ou aller me réfugier chez des amis à Yaoundé? Ou alors aller à Kribi jouer un peu la vie maintenant que j’avais sufisamment d’argent sur moi? Je n’avais que quelques minutes pour me décider car je craignais toujours être interpellé d’un moment à un autre. Je me suis donc rappelé que j’avais un examen à passer à la fac le lundi matin. Etant un Samedi, je devais retourner sur Dschang afin de reviser et préparer ma compo.
C’est ainsi que je me suis retrouvé à Dschang ce soir là aux environs de 22h. A mon arrivée, mon frère cadet m’accueillit chaleureusement comme d’habitude. Je lui briefait rapidement sur mon forfait. Grande fut sa surprise car il ne s’attendait point à un pareil acte de ma part. Epuisé, je m’endormis immédiatement tel un saoulard après avoir consommé des litres de matango (une boisson locale).
La nuit passa comme un éclair tellement j’étais fatigué. Dans mon rêve de cette nuit là, j’étais tout joyeux et je me voyais déjà entrain de réalisérédigé une liste des choses que j’achèterai avec tout cet argent:
- le livre Peaux Noires Masques Blancs de Franz Fanon et l’essai Raison Nègre d’Achille Mbembè que j’admirais tant.
- un jeu complet de Scrabble;
- Une nouvelle télévision ainsi qu’une PlayStation 2: j’en avais toujours rêvé.
- Le reste des fournitures scolaires et le matériel technique de mon frère, alors étudiant en génie électrique.
- La deuxième tranche de ma pension universitaire.
- Un téléphone Samsung Galaxy pour ma petite amie.
C’est donc tout excité que j’accepte finalement de me séparer des bras de Morphée. Le coq de ma voisine s’était mis à chanter pour marquer le début de la journée. Il le faisait toujours entre 6h et 6h10, ponctuel comme une horloge suisse. En ouvrant fébrilement les yeux, j’aperçu une masse difforme assise sur mon canapé au Salon adjacent à ma chambre à coucher. Mon coeur ne s’emporta point, je me dis qu’il s’agissait surement de mon frère qui devait s’être endormi devant la télé.
Mais un agneau même déguisé ne sera jamais un loup !
Quelques secondes après mon réveil, ma vue s’éclaircit pour me permettre de constater qu’il s’agissait non point de mon petit frère mais plûtôt de ma maman qui dormait profondément sur le canapé. Quel choc ! En guettant légèrement de ma chambre, j’aperçu mon « vieux » (père) qui lui ne dormais pas du tout: il était assis sur une chaise placée devant l’unique porte de mon appartement. A cet instant, j’eus l’impression que mon monde s’effondrait.
Comment diable avaient-ils pu entrer à la maison sans que je ne les entende? (Pourtant je dors comme un cadavre hein 🙂
Qui leur avait ouvert la porte? Surement mon frère ! Mais pourquoi ne m’a t-il pas prévenu? J’étais cui !
« Je suis fini oh » me dis-je ! Men pensées étaient pala-pala.
Je me mis à regarder autour de moi, à la recherche d’une issue de secours…
Rien!
Mes toilettes étaient externes et la fenêtre était scellée.
Pas d’issue !
J’étais coincé comme un rat. Mon vieux allait me « fumer » !
Comment avait-il su aussi rapidement? Qu’allais je lui dire? Pourquoi ne m’avaient-ils pas réveillé à leur arrivée? Le connaissant, il devait non seulement être déçu mais bouillant de rage.
Oh comme j’aurai aimé avoir les pouvoirs de Hiro Nakamura ! Si j’étais Harry Potter, j’allais me transformer en moustique pour voler tranquillement de ce lieu qui allait bientôt être très chaud. Bon ! Si je ne peux fuir, je n’ai qu’a assumer mes actes. Après tout, la raison principale pour laquelle je leur avais dérobé c’est parce qu’ils ignoraient notre requete d’argent pour nos charges sociales et académiques.
Je retournais me coucher silencieusemnt sur mon lit. Je voulais me rendormir. Je voulais d’un sommeil profond pour retourner au royaume du rêve rencontrer Morphée. J’espérais dormir et qu’à mon prochain réveil, je serai dans un endroit autre que celui ci. En forçant le sommeil, la rhétorique du plus que parfait, ce que j’appelle « l’imparfait du passé », m’envahit:
- Si j’avais su, je devais plutot aller me refugier à Yaoundé. Tu es trop bête Christian ! me suis-je dit intérieurement.
- Si j’avais su, je serai même aller dormir chez un ami à Dschang, sachant que mon domicile serait le premier lieu où mes parents se rendraient…
- Si j’avais su, j’aurai… !
Je n’eus point le temps d’achever ce songe que j’entendis marteler:
- M. Elongué Christian, vous n’avez toujours pas fini de dormir?
J’avala une goulée de salive. Quand ton père t’appelle Monsieur, suivi de ton nom propre qui est encore le sien, Elongué, tu dois savoir que l’heure est grave.
Mais je préfère arreter mon récit là pour l’instant. Il est déjà long comme ça. Si tu es intéressé pour la suite, prière de me l’indiquer en commentaire, je rédigerai et publierai cela avec plaisir. Ces expériences jeunesse sont vraiment très importante car d’elles j’ai appris beaucoup. Si c’était à refaire, je n’hésiterai point.
Si tu as également des actes de rébellion ou de delinquance juvénile que tu posé, sens toi libre de partager en commentaire. Le partage enrichit ! A +😊
Notes
S’enjailler = s’amuser, faire la fête.
Jonglage = débrouillardise.
Centaine de kolo = Centaine de mille !
Djoum dans les sissongo = prendre la poudre d’escampette.
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