Pourquoi les élites africaines ne font qu’aboyer sans mordre depuis l’insulte raciste de Donald Trump ?

Article : Pourquoi les élites africaines ne font qu’aboyer sans mordre depuis l’insulte raciste de Donald Trump ?
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01/18/2018

Pourquoi les élites africaines ne font qu’aboyer sans mordre depuis l’insulte raciste de Donald Trump ?

 Après que Donald Trump ait tenu des propos « hautement irresponsables, répréhensibles et racistes », les personnalités et leaders africains n’ont fait qu’exprimer « verbalement » leur mécontentement sans prendre de mesures concrètes ou répressives pour manifester leur indignation.

Trump, un coutumier des déclarations racistes et ignorantes sur l’Afrique !

Depuis sa prise de pouvoir, le 20 Janvier 2017, le plus vieux et plus riche président américain, ne peut passer une semaine sans défrayer la chronique. Il demeure très actif sur Twitter bien que chacune de ses publications puisse susciter la polémique. Rappelons qu’en 2014-2015, lors de la crise sanitaire déclenchée par la reprise du virus Ebola, il faisait état d’une rumeur selon laquelle toute l’Afrique était un foyer d’épidémie. Lorsque Barack Obama avait annoncé un plan de 7 Mds$ visant à fournir l’accès à l’électricité dans les pays d’Afrique subsaharienne. La réponse de Trump ne s’était pas fait attendre : « Chaque centime prélevé sur les 7 milliards de dollars destinés à l’Afrique sera détourné. La corruption y est endémique ». Sans oublier cette fameuse phrase prononcée lors d’un meeting à Indianapolis : « Certains Africains sont des sots paresseux, tout juste bons à manger, faire l’amour et voler. »

Donald Trump Free Illustration. Crédit : Pixabay CC
Donald Trump Free Illustration. Crédit : Pixabay CC

Très récemment, le Washington Post, a publié une méticuleuse base de donnée listant les 2001 mensonges, contrevérités et les approximations proférés en 2017 par ce locataire de la Maison Blanche ; soit environ 40 mensonges par semaine. Cette année, il a proféré 18 contrevérités en un seul jour, le 08 janvier dernier. Après ce constat, l’on se demandait s’il s’interrogeait à savoir s’il battrait son record cette année. Mais l’attente ne fut point longue car trois jours plus tard, le 11 janvier 2018, lors d’une réunion à la Maison Blanche sur l’immigration, il va de nouveau servir la polémique dans une déclaration qui fera un tollé mondial. En effet, au cours de cette réunion à huis clos, les sénateurs américains lui suggéraient de restaurer la protection des immigrants venus de pays comme Haïti, le Salvador et l’Afrique. Et à Trump de s’étonner :

« Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici [aux USA] ? »

Il préfère de loin les migrants norvégiens ou « blancs » à ceux d’ascendance africaine. Cette phrase, « raciste » sera récupérée par le Washington Post, puis relayée par 99% des médias internationaux. Par la suite, il a assuré n’avoir pas utilisé l’expression « shithole countries » (pays à trou de merde !) mais plutôt une « formulation rude » : «le langage que j’ai utilisé lors de la réunion était dur, mais ce ne sont pas les mots utilisés». Mais le coup était déjà tiré, sa remarque va susciter une vague d’indignation internationale et un véritable tollé sur les réseaux sociaux ainsi qu’auprès des institutions africaines.

L’indignation de la communauté internationale et africaine…

Après l’annonce, certains ont pensé qu’il souffrait de démence au point où près de 70 professionnels de la santé ont demandé un examen pour évaluer son état de santé mentale. Ce qu’il refusa bien évidemment, en déclarant dans un Tweet – toujours – que ses deux plus grands atouts étaient sa stabilité mentale et son intelligence, il se considère comme un « génie psychologiquement très équilibré » (very stable genius). Rassurons-nous ! Trump est très loin d’être fou et sait clairement ce qu’il fait. N’oublions pas qu’il est un businessman accompli, auteur d’un best-seller et à la tête d’un empire d’environ 4 mds USD. Rusé, il a pu déjouer tous les pronostics et battre Hilary Clinton. Un malade mental souffrant de démence n’y serait pas parvenu.

Jack Lang, président de l’Institut des Mondes Arabes, va le qualifier de « président de merde » puis lancer le désormais célèbre hashtag #TrumpPresidentDeMerde.

 

Des propos « hautement irresponsables, répréhensibles et racistes » selon le ministère des affaires étrangères du Botswana. Ils ont même convoqué l’ambassadeur américain pour lui faire part de leur « mécontentement » mais aussi pour « clarifier si le Botswana est aussi inclus comme un « pays de merde ». Une clarification, que nous trouvons inutile voire même drôle puisque le Botswana se retrouve bien dans le continent africain. A moins que l’ambassadeur américain, avec un discours diplomatique, leur en ait démontré le contraire.

Le gouvernement haïtien a dénoncé des propos « odieux et abjects » qui, s’ils étaient avérés, seraient à tous égards « inacceptables car ils reflèteraient une vision simpliste et raciste ». Rupert Colville, porte-parole du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés déplore des propos « choquants et honteux ». Les 54 ambassadeurs africains à l’ONU vont condamner les propos de Donald Trump dans une lettre au langage très fort où ils exigent « rétractation et excuses ». Une « réparation morale » que Trump est loin d’accorder, trop fier, confiant et arrogant pour cela.  L’Union Africaine par le biais de sa porte-parole, Ebba Kalondo annonce que « cette déclaration dépasse tous les comportements et attitudes acceptables » puis la qualifie de « blessante ». C’est vrai, car la vérité blesse mais le sang ne coule pas, a-t-on coutume de dire.

En Afrique, sur les réseaux sociaux, les réactions sont diverses, certains s’en indignent, certains le prennent avec une pince d’humour ou sont indifférents et d’autres le félicitent pour sa franchise qui échappe aux discours démagogiques et pompeux dont les diplomates sont les maitres de l’art. Enfin, certains dont de nombreuses célébrités d’ascendance africaine ont décidé de poster de belles images de leurs pays comme pour prouver qu’il ne s’agit point de « trou de merde » …

Dans les « pays de merde », le chien aboie, la caravane passe !

Oui ! La caravane passe puisque Trump se fout éperdument de tout ce remue-ménage. A l’exception de son post Twitter pour reformuler ses propos et de la décision « soudaine » de valoriser Martin Luther King Junior, il n’a presque rien fait d’autre. Alors, pendant combien de temps allons-nous continuer à aboyer sans pouvoir mordre ? Si vous observez le bref retour sur les réactions africaines et occidentales, elles sont toutes discursives : excuses, rétractations... Aucune mesure ou sanction diplomatique n’a été prise par les « indignés » qu’ils soient en Afrique même ou aux USA. Combien de présidents africains ont rappelé leurs ambassadeurs des USA ? Combien ont osé expulser les ambassadeurs américains présents dans leur pays et rompre ainsi les relations diplomatiques ? Les communautés haïtiennes et africaines se disent « consternées » par ses propos « insultants » mais combien ont osé renier la nationalité américaine ? Or les actions sont plus éloquentes que les plus beaux discours.

Tout comme la traite contemporaine des Noirs en Lybie, toute cette tempête médiatique, tous ces remous vont se tempérer d’ici une à deux semaines. A l’exception de quelques-unes de journaux ou de publications réactives sur les réseaux sociaux, la situation reviendra à son beau calme. Sinon, où en sont les leaders politiques et les élites intellectuelles africaines après le tollé ayant suivi la « découverte » de l’esclavage en Lybie ? Quelles mesures concrètes ont été prises pour éradiquer ce fléau déshumanisant ? Tout comme de nombreux autres faits historiques, nous « oublierons » l’offense et demain, ces mêmes dirigeants africains le retrouveront à Washington DC pour le convaincre d’investir sur le continent. Et c’est ça l’implacable réalité, le mendiant ne peut insulter son bienfaiteur. Un oiseau ne peut couper la branche sur laquelle il est assis.

Face à cette situation, nous avons ceux qui manifestent une indignation totale et ceux qui expriment une banale indifférence face à cette déclaration. Nous nous inscrivons dans cette dernière position. D’une part, le « mal » est déjà commis. Les excuses, si jamais, elles sont présentées ne changeront rien à l’image que ce président a des peuples négro-africains. Son penchant raciste est connu depuis qu’il avait refusé de recruter des afro-américains dans ses entreprises où aucun noir n’a jamais occupé un poste proéminent.

La critique est la puissance des impuissants !

Alors ne gaspillons point notre énergie à nous indigner. Arrêtons de nous plonger la tête dans le sable comme l’autruche. Apprenons à faire face à la réalité. La meilleure réponse qu’on puisse donner à Trump au-delà des mots, ce sont des actes concrets. Par exemple, stopper ou limiter les relations commerciales (importations, exportations…) entre le continent et les USA, protester activement en arrêtant d’acheter et de consommer les produits des entreprises américaines présentes sur le continent (KFC, Mc Donald, iPhone, General Motors…) ; expulser les ambassadeurs américains ou fermer leurs ambassades tant qu’il n’aura pas présenter officiellement des excuses au peuple haïtien et africain. Ce ne sera qu’une maigre bataille de gagnée dans cette guerre symbolique, mais cela aura une importance historique. Limiter ou stopper les relations commerciales ou diplomatiques entre les USA et le continent sont quelques-unes des mesures concrètes que nos dirigeants africains auraient pu prendre. Mais le plus important, c’est de prendre notre destin en main, de cesser de nous évaluer au prisme de l’Autre, de nous regarder dans notre propre miroir et de travailler en synergie pour l’édification d’institutions fortes qui pourront accompagner la croissance du continent.

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Commentaires

Douglas Fogang
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« Ne soit pas le premier à t'installer à la porcherie si un tiers te traites de porc ». Ce proverbe Ngyemboon en dit long sur l'attitude que devraient adopter les africains eu égard de tels propos « racistes ». L'Africain de 2018, conscient des nouveaux enjeux économiques et géostratégiques ne devrait sous aucun prétexte considérer ces punchlines de Donald « Trompe » comme une menace à son intégrité mais plutôt comme source de motivation qui le pousse à s’affirmer et toujours aller plus loin. Pour ma part ce président est clairement ce que je peux appeler une « chance pour l'Afrique » dans ce sens qu'il dit tout haut ce que ses prédécesseurs/collègues occidentaux pensaient/pensent tout bas ; on ne sera plus jamais dupe, désormais nous savons clairement ce qu’ils pensent de nous. Cela devrait susciter en chaque africain de la rage, pas contre « Trompe » mais une rage qui matérialise l’urgence, l’urgence de la pensée, l’urgence de l’action, de se surpasser, de se mettre au travail afin de montrer à tous ces suprémacistes blancs qu'ils se « Trompe-nt » à notre sujet, qu’on est loin d’être les m**des qu’ils veulent que nous soyons. N'oublions jamais que « l'avantage d’être intelligent est qu’on peut toujours faire l’imbécile, alors que l’inverse est complètement impossible », Woody Allen.

Christian ELONGUE
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J'adhère parfaitement à vos propos cher ami !
La réaction africaine cadre assez étroitement avec le portrait du colonisé que décrit Albert Memmi: "

Le colonialiste fait du colonisé un portrait mystificateur. Mais le colonisé, dépourvu de tout droit, constamment soumis et humilié, et en état permanent de carence, est souvent amené à se conformer au miroir qu'on lui tend. Certains tentent bien de s'assimiler, et donc de s'aliéner culturellement, mais l'assimilation, refusée par le colonisateur, n'est qu'un mirage. La révolte est donc inévitable.

"

Comme tu l'as si bien dit, nous devons batir nos propres repères identitaires car c'est l'identité qui détermine notre attitude et partant notre altitude.

Douglas Fogang
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Exactement !!!
Toutefois, un regard innocent sur l'Afrique actuelle fait ressortir une vérité irréfutable : grâce à la jeunesse de notre continent, la machine du changement est en marche et rien ni personne ne pourra l'arrêter.

Christian ELONGUE
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C'est vrai qu'on observe une dynamique impulsée par la jeunesse africaine. Mais ce bouillonnement se veut encore désordonné et individualisé.
Seule la mutualisation des compétences, des savoirs det des connaissances aura une puissance effective et coercive pour faire bouger durablement les choses sur le continent.