A la rencontre de Jean Paul Lawson, un leader au service des autres
En juillet 2017, après deux années passées en Egypte, je me retrouve au Ghana, invité par le Centre Régional Afrique de l’Ouest du Young African Leaders Initiative de l’ex-président Barack Obama. Il s’agit d’un programme qui vise à renforcer les compétences des jeunes leaders africains dans des secteurs tels que l’Entrepreneuriat et le Business, la Gestion de la Société Civile et en Administration Publique. La formation est essentiellement constituée de séminaires interactifs entre les participants et des professionnels aguerris et expérimentés dans chacun des secteurs susmentionnés. C’est ainsi qu’au terme d’une séance portant sur les crises contemporaines en Afrique, le formateur concluait :
« Le principal problème de l’Afrique c’est le mauvais leadership de ses dirigeants. Nous avons tout ce que les autres nations rêveraient d’avoir mais malgré cela nous ne parvenons point à nous développer. A la place des leaders kleptocrates, gérontocrates et ventrocrates qui ne pensent qu’à piller puis s’accaparer des richesses du pays avec leurs familles et proches… Il nous faut des Servant-Leaders, qui fassent passer l’intérêt du peuple et de la Nation avant le leur ».
Après ces paroles concluantes, il nous interrogea :
Quels sont les Servant-Leaders* que vous connaissez ?
- Pr. PLO Lumumba, répondit immédiatement Chee Danso une collègue Gambienne.
- Desmond Tutu et Laurent Gbagbo ajouta Stephane Diomandé, de nationalité ivoirienne.
- Nelson Mandela et Thomas Sankara, rétorqua Ernest Ouédraogo, enseignant burkinabè.
- Gandhi, Jean Paul II, Barack Obama, Martin Luther King Jr., cita Daniels Akpan, un ami Nigérian.
Je voulus moi aussi donner un exemple mais constata que la plupart des personnages que je connaissais avaient déjà été mentionné. Dans mon effort de réflexion, ma mémoire me renvoya un nom que j’énonça avec ma voix grave, pareille à celle de mille crapaud réunis :
- Jean Paul Cypriano Lawson !
Et là, un instant de silence lent comme un ralenti nollywoodien, s’installa. Puis un des participants se lança :
- Je n’ai jamais entendu parler de cette figure historique. Qu’a-t-il fait ? Est-il Américain ou Anglais ?
- Non ! Répondis-je, à la volée, au dernier volet de sa question.
- Lawson ressemble aux noms Belge ou Canadien. Vient-il de là ? s’enquérait un autre.
- Non ! répondis-je à ce dernier.
- Il a été le président de quel pays ?
- Aucun ! Pour le moment, lui répondis-je encore une fois.
Perplexe, ils me demandèrent donc des détails sur ce personnage dont il ignorait totalement l’existence afin de comprendre pourquoi je le considérais comme un « leader-servant ». Ce que je fis avec plaisir :
-
Jean Paul Lawson est un jeune béninois de 27 ans (et 6 jours) ayant une identité afropolitaine mais s’autoproclame « Citoyen du monde et des Cultures ». Il passionné par les technologies numériques, les voyages, l’écriture et surtout la gastronomie. Il fut un boursier en Gestion du Patrimoine Culturel de l’Université Senghor d’Alexandrie, où il a été respectivement Délégué de filière puis Président du Bureau des Etudiants (BEUS). Des fonctions bénévoles qu’il a pu gérer avec maestria et au travers desquelles on a découvert son charisme en tant que « servant-leader » et sa volonté à toujours mettre les intérêts collectifs avant les siens. Même lorsque l’on s’y attend le moins.
- Quels sont les traits d’un « servant-leader » que l’on peut retrouver en lui ?, m’interrogea le formateur, qui voulait profiter de cet exemple atypique pour vérifier si nous avions véritablement assimilé et compris les enseignements qu’il nous avait transmis.
Pour rappel, la notion de servant leadership a été conceptualisée par Robert K. Greenleaf en 1970 pour désigner un modèle humaniste de leadership, qui a pour mérite de beaucoup mieux prendre en compte la psychologie humaine dans les contextes de travail. Un Servant Leader est celui qui cherche avant tout à faire croître ses collaborateurs, sa communauté. Selon Lao Tzu, « les leaders les plus révérés
travaillent dans une position d’humilité et de service aux autres. […] L’excellent leader en réalité ne dirige personne ! » En position de « Servant », il fait en sorte de réunir toutes les conditions favorisant l’épanouissement et la réalisation de son équipe.
On a entière confiance en la performance des collaborateurs et tout est mis en place pour assurer leur bien-être. Le Greenleaf Center for Servant Leadership a édité une dizaine de « principes » fondateurs d’un Servant Leader. Ceux-ci se regroupent en six grands thèmes : donner confiance (1) et faire grandir ses collaborateurs (2), être humble (3), être authentique (3), accepter l’autre tel qu’il est (4), donner le cap (5) et savoir se mettre au service des besoins des autres (6). Des traits que l’on retrouve, à des degrés divers, en la personne de Jean Paul Lawson.
- Un jeune leader inspirant et non dominant
Le parcours académique et professionnel de Jean Paul est assez atypique. La valeur d’un homme n’atteint point le nombre d’année dit-on souvent. Déjà à 23 ans, il était à la tête d’un Cabinet d’Archivage Numérique L & K Consulting. Le caractère singulier de son entreprise témoigne du caractère audacieux de son fondateur, car l’archivage est une dimension du patrimoine, tant organisationnel que culturel, qui a été jeté aux oubliettes ou demeure négligé en Afrique. Au lendemain de sa formation en Egypte, il fonde une ONG avec des promotionnaires, “Internationaux du Patrimoine Culturel”, une association qui milite et mène des projets de valorisation et de promotion du patrimoine culturel béninois.
Au-delà de ses aventures entrepreneuriales, Jean Paul prend plaisir à braconner aux frontières de nombreuses disciplines; d’où sa poursuite d’un Doctorat en cotutelle entre l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin) et celle de Valenciennes (France). Curieux, il s’intéresse à toute activité où il peut acquérir de nouvelles compétences, connaissances ou amitiés. Nous nous sommes retrouvés à maintes reprises pour des formations sur les cours en lignes, l’écriture, le blogging…
Loin de se limiter à un rôle de participant, il a également monté et animer des formations sur le blogging, la rédaction web et bien d’autres sujets et ce en partenariat avec le CNF d’Alexandrie. Si l’aube de son parcours est inspirant, c’est surtout son attitude qui inspire la confiance.
- Il œuvre au développement personnel et professionnel des personnes.
Rares sont les personnes qui ont travaillé avec Jean Paul sans être transformé, impacté ou influencé positivement par son savoir-faire et surtout son savoir-être. Il accorde de la confiance et de l’attention à tous ses collaborateurs ; ainsi, ils se sentent mieux considérés et plus impliqués. A la tête du BEUS, il soutenait chacun des membres de son bureau autant dans les bons que les mauvais moments. On le retrouvait ainsi aux soirées d’anniversaires, au chevet de certains lorsqu’ils sont malades ou sur le terrain de foot pour accompagner son responsable des affaires sportives… Et surtout, il ne sous-estimait personne. Toujours prêt à collaborer avec tout le monde, quitte à vous soutenir dans l’accomplissement de votre tâche. Lorsqu’il trouve une opportunité en rapport à votre domaine d’intérêt, il n’hésitera jamais à vous la transmettre. Le terme anglais empowerment traduit très bien cette dimension.
- L’humilité précède la gloire.
S’il est vrai que les africains sont passés maitre dans l’art de la vantardise, du pédantisme et de la grandiloquence, Jean Paul cependant, échappe à cette règle. Il est difficile de le voir énumérer ses qualifications ou titres d’un trait, comme certains le feraient au premier venu. Mais, c’est au fil des rencontres et des échanges qu’on découvre, avec des surprises agréables, qu’il a déjà flirté avec de grandes personnalités et grandes entreprises autant en Afrique que dans le monde. Cette humilité est également une marque de sagesse car il est tel un joueur de poker qui ne dévoile ses cartes qu’au compte-goutte et surtout au moment où on s’y attend le moins.
- Il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit.
L’authenticité est une vertu en voie de disparition au sein de nos sociétés contemporaines. Les personnalités religieuses (prêtres, pasteurs…) et politiques sont les maitres dans cet art de la roublardise, du mensonge, du dédoublement identitaire ou du « faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais ». Or s’il y’a une chose qu’on remarque aisément chez Cypriano Lawson, c’est son naturel et l’adéquation entre ses propos et ses actions. Bien qu’il ait la possibilité de prendre des repas de meilleure qualité en compagnie du recteur ou du personnel administratif de l’Université, il les a presque toujours pris au milieu de ses camarades, afin de toujours être au plus près de leurs réalités et besoins.
Cependant, la nature politique de ses fonctions fait de lui un être rusé comme Kulu la Tortue. Derrière un sourire diplomatique et parfois mécanique, il sait comment gagner la sympathie de ses adversaires et établir des alliances stratégiques même avec des opposants. Sa progression minutieusement planifiée de Délégué de filière à celle de Président (le plus jeune) révèlent sa proactivité et surtout la conceptualisation, une autre dimension d’un « Servant-leader » qui renvoie à la capacité de penser au-delà des besoins du présent et les étendre dans un futur possible. De même, sa capacité à concilier les intérêts divergents de 23 nationalités témoigne à suffisance de ses hautes qualités managériales, lesquelles furent amplifiées par une équipe dynamique (Micrel Ahoupé, Josué Arystil, Toto Mbula) et surtout la présence d’un Secrétaire Général plus que charismatique.
- Savoir accepter l’autre tel qu’il est et savoir donner le cap.
Très sociable, Jean Paul Lawson dispose d’une lui permettant de parier sur l’intelligence individuelle et collective des personnes qui l’entoure, de comprendre les autres ou de s’adapter à leurs réactions et attitudes. A l’Université, il avait ainsi réussi à conquérir l’empathie, l’amitié et l’affection de presque tout le monde. Que vous soyez fumeur, alcoolique, colérique ou « merdique » …, il parvient toujours à trouver un terrain d’entente avec vous, sans vous jugez ni vous condamner.
Sa capacité à donner le cap s’est manifestée à de nombreuses reprises, à travers les différentes initiatives prises. Il a initié et réalisé au moins trois ateliers de formations gratuits (Blogging, Bureautique, Outils du web 2…), et concrétisé un projet de portefolio contenant tous les profils des étudiants ; et bien d’autres actions toutes menées avec engouement et dévouement pour le bien-être de la communauté estudiantine. Et ce bien qu’elle ne soit pas toujours reconnaissante…
- Une philosophie au service de la communauté
Ne dit-on pas souvent qu’il faut toujours garder le meilleur pour la fin. Eh bien ! Il s’agit là du trait de caractère qui m’a le plus marqué en la personne de Jean Paul Lawson : son sens de l’écoute active, sa capacité d’apporter son aide en permanence disponibilité et promptitude à se mettre au service des autres. L’on ne peut énumérer le nombre de personnes ayant bénéficier de ses services, autant de manière directe qu’indirecte. Vous éprouvez des difficultés à effectuer un paiement en ligne, faites appel à JP, il le fera pour vous. Vous avez des difficultés à vous lancer dans le blogging, faites appel à JP, il vous accompagnera dans vos premiers pas. Vous avez un problème délicat avec l’administration, faites confiance à JP, il vous défendra et surtout n’ébruitera pas votre affaire…
Les exemples de situations désespérées, délicates, improvisées, urgentes… au sein desquelles Jean Paul a manifesté un soutien immédiat et désintéressé, sont tout simplement légions. Peu importe le problème, le moment de la journée ou la personne, il a toujours essayé dans la mesure du possible de trouver une solution, parfois même à ses risques et péril.
Il est surement de ceux-là qui ont compris qu’on gagne davantage à donner qu’à recevoir. C’est en partageant qu’on s’enrichit véritablement. Le bonheur dans la vie ne se trouve point en nous mais dans l’Autre. Avoir le désir de servir l’Autre, même l’Etranger ou nos ennemis, avec plaisir, constitue le secret de l’élévation. Car tout ce qu’on sème en bien, on le récolte toujours. Et je pense donc que ce jeune « Servant Leader » qu’est Jean Paul Lawson, continuera à s’attirer les faveurs divines et d’aller de réussite en réussite tant qu’il continuera à manifester cette esthétique du service et du don de soi.
Connaissez vous également des personnes semblables à Jean Paul, qui font passer l’intérêt collectif avant le leur? N’hésitez pas à partager cela en commentaire. Et vous, êtes vous un leader serviteur ou autoritaire?
*Pour des besoins de traduction, j’ai préféré conservé l’expression anglaise Servant-Leaders à la traduction française de Leader-Serviteur, qui n’a point la même signification.
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