Christian ELONGUE

Comment communiquer en Egypte quand on ne parle pas l’arabe ?

L’Egypte, avec ses légendaires pyramides et sa riche civilisation, est parmi les premières destinations touristiques au monde. Des individus de toutes les nations s’y rendent chaque année par centaines de millions pour satisfaire leur soif d’exotisme ou tout simplement à des fins académiques. Quoi qu’il en soit et selon la durée de votre séjour, vous pouvez recourir à un guide local qui se chargera de vous fournir toutes les informations en Anglais, ou alors vous débrouiller vous-même pour communiquer. Dans ce cas, on se repose souvent sur des applications mobiles comme Google translate, Duolingo…

Je me souviens encore de la constance avec laquelle je m’en servais en Egypte.

Dans ce pays arabe, seuls les intellectuels ou personnes à partir de la classe moyenne, parlent ou se débrouillent en Anglais, et le français encore moins. C’est presqu’une langue élitiste réservée à la haute classe, très souvent féminine car les hommes égyptiens perçoivent le français comme une langue « efféminée ».  Il est très difficile voir rarissime de voir un citoyen lambda s’exprimer en français. La langue courante c’était donc l’arabe local : à prendre ou à laisser.

1) Commencer avec Google Translate…

Google translate était donc mon « sauveur » lors des négociations d’achat. Et Dieu seul sait comment j’aime marchander (hihihihi). Car si tu ne marchandes pas bien avec un commerçant égyptien, le « gars » va te vacciner « un genre un genre » tu vas sauf que confirmer. Ne parlant point l’arabe, je tapais donc mes phrases sur Google translate puis je présentais au marchand qui lisait pour comprendre ce que je voulais dire. Quand il était lettré, il écrivait également sa réponse en arabe puis je traduisais vers le français. S’il n’était point lettré, je devais faire recours à la fonction de traduction vocale de Google Translate.

Mais pour ceux qui utilisent régulièrement l’application, nous savons que la traduction vocale n’est pas très fidèle. Surtout que l’accent, la prononciation, le rythme, le débit de parole ou même la qualité de la connexion influencent une réception de qualité du message. Dans ces conditions, ce que je recevais était très souvent 30% du message réel et je me débrouillais avec les signes gestuels pour transmettre le reste de l’information.

2) Enchainer avec la gestuelle…

Même là encore c’était un autre problème car les codes de la gestuelle n’ont pas tous la même signification en Egypte. Je me souviens un jour où je traversais la route, j’ai tendu le bras, la paume de main ouverte, vers un taximan pour lui faire signe de ralentir.

Signe de la main pour demander à une voiture de ralentir au Cameroun. Credit: depositphotos.com
Signe de la main pour demander à une voiture de ralentir au Cameroun. Credit photo: LiliiaKyrylenko via Depositphoto.com

Mais cela eu l’effet contraire et ce fut de justesse que j’échappais au choc. J’appris plus tard que ce geste était plutôt une insulte. Pour demander une pause ou ralentissement, il fallait user d’un autre geste.  Il ne faut aussi jamais montrer sa semelle de chaussure, c’est une grave offense à l’égard des personnes assises en face.

Après avoir suivi quelques cours d’arabe egyptien, j’ai retenu quelques mots clés utiles pour les négociations. L’un d’eux, « Ketir » qui signifie, c’est cher, servait presque à tous les coups. Lorsque j’allais par exemple, acheter un téléphone et qu’on me « taxait » le prix. Mon premier réflexe c’était de répondre Kétir avant même d’entamer n’importe quoi. Après, je sortais mon application Google translate pour gérer la suite. Et lorsqu’il arrivait que mon téléphone s’éteigne avant la fin des négociations, on continuait avec la calculatrice. Le marchand de laptop écrit  son dernier prix sur la calculette puis me la montre. J’écrivais le mien puis le lui montrait également. Et en quelques minutes, le tour était joué.

3) Se faire accompagner par un arabophone et se préparer à faire beaucoup de selfies

Au-delà de l’usage du langage non verbal comme la gestuelle, la mimique, le regard ou le sourire, il est également possible voire recommandé de se faire accompagner, surtout pour les lourdes opérations d’achat, par une personne qui parle bien arabe. Cela facilite la connexion et le prix qu’on donne à l’arabophone est très différent de celui qu’on donnera à un étranger.

Comme on le sait, la langue est un facteur d’intégration capital dans tout pays. Si tu veux te faire accepter par la population d’un pays, il faut apprendre, accepter et partager certains de leur code. C’est ce qu’a très vite saisi mon cher ami Konstantinos Maragkos, que j’ai connu à Accra au Ghana. Et bien que n’ayant résidé que pendant 6 mois au pays de Kwame Nkrumah, il se débrouille merveilleusement bien. De loin mieux que moi-même qui y suis depuis un an déjà. Son secret, c’est qu’il n’a point peur de faire les erreurs. Dès qu’il apprend une nouvelle expression, il s’en sert aussitôt que l’occasion se présente. En matière d’apprentissage des langues, seule la pratique perfectionne.

Pour en revenir au cadre égyptien, toute personne y résidant, pourrait en profiter pour apprendre la langue arabe. Une des cinq langues les plus parlées au monde. Sa maitrise, même au niveau « débutant » constituerait un avantage pour tout locuteur francophone, surtout les auditeurs de l’Université Senghor d’Alexandrie.

Avec des égyptiens qui m'apprirent quelques mots d'arabe. Credit photo: Elongue
Avec des égyptiens qui m’apprirent quelques mots d’arabe. Credit: Elongue

Au-delà des cours d’arabe reçus dans le cadre académique, le meilleur moyen de tester son niveau de maitrise et d’apprendre cette belle langue qu’est l’arabe, c’est dans la rue, dans les ruelles qui jalonne le marché d’Asafra, de Khaled Bin Walid. Allez à la rencontre de ces vendeurs à la sauvette, de ces commerçants ambulants car c’est en conversant avec eux que la magie s’opère. Si aucun des trois moyens susévoqués ne fonctionne, il y’en a qui marche toujours, les selfies. La majorité des égyptiens adorent prendre des selfies, surtout avec ceux qu’ils appellent « Samara », c’est à dire leurs frères noirs d’Afrique Subsaharienne.

Le selfie est un message qui transcende les barrières linguistiques Credit photo: Elongue
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En train de faire le « kala kala » avec mon petit frère ! Credit photo: Elongue

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Près d’une année après mon départ d’Egypte, je ne peux m’empêcher d’être mélancolique au souvenir de ce pays qui m’a si bien accueillir et où j’ai passé deux années de ma vie. Evidemment, comme toute aventure, il y’a eu des hauts et des bas, notamment la barrière linguistique. Mais les souvenirs positifs sont plus nombreux et gravés à l’encre d’or au plus profond de ma mémoire. Vivement qu’une nouvelle aventure vers le pays des Pharaons se présente: j’ai hâte d’y être à nouveau…


La galère développe l’esprit entrepreneurial 

Dans le billet précédent, je montre comment mon exil volontaire dans la ville de Dschang, loin de ma famille et amis, m’a permis d’être mieux concentré dans  mes études au point d’entamer des séances de répétitions gratuites avec des camarades. Ces séances de travail gratuite m’ont permis de développer et déguiser mes compétences pédagogiques mais je n’avais jamais pensé m’en servir pour créer un business. Ce n’est que pendant une période de galère que je développe mon esprit entrepreneurial puis songe utiliser mes compétences pour créer une activité génératrice de revenu: le centre Apprendre Pour Comprendre (APC). Ici, je vous en livre les détails. 

Un acte de délinquance juvénile à l’endroit de mon père marqua le début d’une longue période de galère. Ayant été habitué à recevoir la manne familiale au début du mois, je n’avais presque jamais véritablement envisagé de développer des sources de revenus alternatifs comme certains étudiants le faisaient à l’époque. J’avais des amis qui arrondissaient leurs fins de mois à travers des petits jobs çà et là dans la ville et au sein de l’université.

Certains vendaient les tickets pour la navette universitaire, d’autres vendaient les fournitures usuelles (format, bic, règle…). J’ai passé des semaines à me remuer les méninges pour trouver l’activité que je pouvais réaliser avec plaisir pour gagner ma vie. La seule dans laquelle j’excellais avec passion était l’enseignement avec les séances de répétitions que je réalisais jusque-là gratuitement et de manière informelle.

C’est donc ainsi que j’ai rassemblé deux amis avec lesquels j’ai fondé le centre de formation Apprendre Pour Comprendre (APC). Ma mission était de développer leur amour pour la recherche, leur esprit de créativité et de curiosité pour comprendre les fondements épistémologiques de la Science. En effet, la tendance en vogue à l’université était d’apprendre pour valider. Les étudiants ne se préoccupaient donc qu’à vouloir mémoriser puis restituer les connaissances acquises. Or ce modèle d’apprentissage béhavioriste n’est point adapté pour certains types de connaissance qui s’effacent très rapidement de la mémoire par la suite.

On retrouvait en effet des étudiants de Master qui étaient incapables d’expliquer clairement certaines notions basiques du Niveau 1. Ils n’avaient rien compris, juste mémoriser pour avancer. C’est ainsi que mon approche pédagogique, durant mes séances de cours, avait une dimension autoréflexive qui pousse les étudiants à questionner les savoirs, à s’interroger sur leur rapport à la science et à creuser par le biais de la recherche-action et expérimentale pour comprendre le comment et le pourquoi des choses.

Cette approche pédagogique évidemment nécessitait plus d’effort et d’énergie autant pour l’enseignant que pour l’étudiant. Or ces derniers étaient toujours pressés de tout savoir et désiraient qu’on mâche tout pour qu’ils avalent. Chose que je me refusais évidemment de faire.

APC fut donc ma première aventure entrepreneuriale, née au terme d’un acte de délinquance juvénile, qui m’aura permis de découvrir un autre sens à la vie. J’ai compris que ce sont les challenges qui dynamisent la pensée et insufflent de l’adrénaline au corps. La souffrance est une école de sagesse dit-on souvent, car elle rend la pensée plus productive, et explose les limites du raisonnement, nous permettant d’explorer cet univers fantastique et merveilleux qu’est l’imagination. Le monde des impossibles.

Mais il ne se révèle que lorsque nous acceptons de sortir de notre zone de confort. Tant que nous posons les mêmes actes chaque jour, nous aurons les mêmes résultats. Il faut apprendre à oser, à prendre des risques, prendre des initiatives sans toujours penser à leur finalité. L’échec n’est qu’une interprétation négative d’une situation de la vie. Pour moi, toute situation est une forme d’apprentissage qui conduit à la sagesse lorsque comprise.

J’espère que tu te retrouveras d’une manière ou d’une autre dans ce récit (assez long quand même hein 😊) de mon parcours jeunesse. Si tu aimerais aussi partager les conditions t’ayant conduit vers l’entrepreneuriat, sens toi libre de le faire en commentaires… A+ / 😊😜


Mon premier acte de délinquance juvénile

Dans ce billet, je décris les conditions de mon premier acte de délinquance juvénile. Une expérience inoubliable que je n’hésiterai pas à refaire (mais en mieux) si jamais je pouvais remonter le temps. Bonne lecture.

Le besoin attise la convoitise…

A l’époque où j’étais encore très jeune, je dépendais financièrement de ma famille. Comme beaucoup d’autres étudiants, c’est dans mon allocation mensuelle que je devais puiser pour mes loisirs, le vestimentaire, la nourriture, la documentation universitaire…Bref, je devais organiser toutes mes dépenses dans l’allocation mensuelle que je recevais alors des parents. Sans parler des besoins de la « petite » qu’il me fallait aussi gérer (j’étais alors fidèle hein !). Or alors que mes besoins économiques s’agrandissaient au fur à mesure que j’évoluais, la pension que je recevais des parents, était demeuré sensiblement la même.

Au niveau 3 donc, je me souviens avoir informé les parents de la nécessité de me procurer des ouvrages universitaires très important qui ne coutaient que quelques dizaines de milliers de francs. Ma situation était aussi devenue très délicate à gérer depuis que j’hébergeais mon cadet chez moi. Le jonglage en effet devenait plus difficile puisque je l’avais « sous ma charge ». Après avoir insisté à de nombreuses reprises pour l’augmentation de notre pension mensuelle, je n’avais point reçu de retour positif.

Cette année-là, je suis allé passé les congés de nouvel an chez une tantine de la famille. L’un de ses fils était réputé, pour avoir dérobé régulièrement d’importantes sommes à ses parents pour aller s’enjailler. Et il s’en sortait seulement avec quelques réprimandes verbales mais jamais rien de grave. Après tout, ne dit-on pas souvent qu’un enfant ne « vole » pas ses parents. Il « prend » juste sans permission. Mais cet épisode d’une manière ou d’une autre m’influença. Intérieurement, je me disais :

« Cet enfant a dérobé des centaines de milliers de FCFA à ses parents juste pour aller gaspiller cela avec les femmes et jouer la vie. Moi je suis là, je ne demande que quelques dizaines de millier pour des fins académiques et ils réchignent à me les donner ? Si je me sers moi-même, que vont-ils bien me faire ? Après tout, je ne l’ai jamais fait ! J’ai toujours été un fils obéissant et respectueux. Donc ils comprendront que j’étais vraiment dans le besoin et que je ne n’avais pas le choix »

Voilà de façon assez schématique et synthétique, le raisonnement que j’avais eu à l’époque. C’est donc ainsi que j’ai planifié mon premier acte de rébellion de toute ma vie 😊. Les circonstances furent très favorables voire aisées, les parents ne se méfiants jamais de moi. Après tout, j’étais presque toujours celui qu’on citait comme modèle. C’était donc difficilement imaginable que je puisse commettre un pareil acte.

Les errements de ma jeunesse, ici j'imitais DJ Arafat.
Les errements de ma jeunesse, ici j’imitais DJ Arafat 🙂

Le besoin peut transformer un agneau en loup…

Ah mofmidé ! c’est ici qu’ils ont confirmé le code alors… Par un dimanche après midi, je suis donc parvenu à « ramasser » quelques centaines de kolo puis je suis djoum dans les sissongos. En m’éloignant du domicile familial, mon coeur battait la chamade, les pensées s’entrechoquaient dans mon esprit.

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Je transpirais à grosse goutte alors qu’il ne faisait point chaud. Sur la route pour la gare routière où j’allais prendre le bus pour Dschang, j’ai rencontré deux amis à mes parents. Le second m’interrompis, me demandant si je savais où il pouvait retrouver mon vieux (père). Je lui répondis avec empressement que je ne savais pas. Il me demanda comment si mon père serait à la maison le weekend. Je lui dis une fois de plus que je l’ignorais.

En réalité, je ne pouvais répondre à ses questions. J’étais comme plongé dans un état second. A la fois excité et terrifié. Excité d’avoir eu l’audace de poser l’acte que je venais de poser. Terrifié à l’idée d’être démasqué. J’avais l’impression qu’il était marqué sur mon front « Cet enfant a détourné l’argent de ses parents ». Pour me rassurer, je sortis un tissu pour m’essuyer le visage car les gouttes de sueur qui en découlaient, étaient de plus en plus grosses. L’ami à mon père me libéra enfin en me disant aurevoir. Le soulagement qui m’envahit était semblable à celui qu’on ressent après s’être libéré d’une diarhée.

Parvenu à la gare routière, j’étais assez embarassé sur la destination à prendre. Devais je retourner dans ma ville universitaire à Dschang? Ou aller me réfugier chez des amis à Yaoundé? Ou alors aller à Kribi jouer un peu la vie maintenant que j’avais sufisamment d’argent sur moi? Je n’avais que quelques minutes pour me décider car je craignais toujours être interpellé d’un moment à un autre. Je me suis donc rappelé que j’avais un examen à passer à la fac le lundi matin. Etant un Samedi, je devais retourner sur Dschang afin de reviser et préparer ma compo.

C’est ainsi que je me suis retrouvé à Dschang ce soir là aux environs de 22h. A mon arrivée, mon frère cadet m’accueillit chaleureusement comme d’habitude. Je lui briefait rapidement sur mon forfait. Grande fut sa surprise car il ne s’attendait point à un pareil acte de ma part. Epuisé, je m’endormis immédiatement tel un saoulard après avoir consommé des litres de matango (une boisson locale).

La nuit passa comme un éclair tellement j’étais fatigué. Dans mon rêve de cette nuit là, j’étais tout joyeux et je me voyais déjà entrain de réalisérédigé une liste des choses que j’achèterai avec tout cet argent:

  • le livre Peaux Noires Masques Blancs de Franz Fanon et l’essai Raison Nègre d’Achille Mbembè que j’admirais tant.
  • un jeu complet de Scrabble;
  • Une nouvelle télévision ainsi qu’une PlayStation 2: j’en avais toujours rêvé.
  • Le reste des fournitures scolaires et le matériel technique de mon frère, alors étudiant en génie électrique.
  • La deuxième tranche de ma pension universitaire.
  • Un téléphone Samsung Galaxy pour ma petite amie.

C’est donc tout excité que j’accepte finalement de me séparer des bras de Morphée. Le coq de ma voisine s’était mis à chanter pour marquer le début de la journée. Il le faisait toujours entre 6h et 6h10, ponctuel comme une horloge suisse. En ouvrant fébrilement les yeux, j’aperçu une masse difforme assise sur mon canapé au Salon adjacent à ma chambre à coucher. Mon coeur ne s’emporta point, je me dis qu’il s’agissait surement de mon frère qui devait s’être endormi devant la télé.

Mais un agneau même déguisé ne sera jamais un loup ! 

Quelques secondes après mon réveil, ma vue s’éclaircit pour me permettre de constater qu’il s’agissait non point de mon petit frère mais plûtôt de ma maman qui dormait profondément sur le canapé. Quel choc ! En guettant légèrement de ma chambre, j’aperçu mon « vieux » (père) qui lui ne dormais pas du tout: il était assis sur une chaise placée devant l’unique porte de mon appartement. A cet instant, j’eus l’impression que mon monde s’effondrait.

Comment diable avaient-ils pu entrer à la maison sans que je ne les entende? (Pourtant je dors comme un cadavre hein 🙂

Qui leur avait ouvert la porte? Surement mon frère ! Mais pourquoi ne m’a t-il pas prévenu? J’étais cui !

« Je suis fini oh » me dis-je ! Men pensées étaient pala-pala.

Je me mis à regarder autour de moi, à la recherche d’une issue de secours…

Rien!

Mes toilettes étaient externes et la fenêtre était scellée.

Pas d’issue !

J’étais coincé comme un rat. Mon vieux allait me « fumer » !

Comment avait-il su aussi rapidement? Qu’allais je lui dire? Pourquoi ne m’avaient-ils pas réveillé à leur arrivée? Le connaissant, il devait non seulement être déçu mais bouillant de rage.

Oh comme j’aurai aimé avoir les pouvoirs de Hiro Nakamura ! Si j’étais Harry Potter, j’allais me transformer en moustique pour voler tranquillement de ce lieu qui allait bientôt être très chaud. Bon ! Si je ne peux fuir, je n’ai qu’a assumer mes actes. Après tout, la raison principale pour laquelle je leur avais dérobé c’est parce qu’ils ignoraient notre requete d’argent pour nos charges sociales et académiques.

Je retournais me coucher silencieusemnt sur mon lit. Je voulais me rendormir. Je voulais d’un sommeil profond pour retourner au royaume du rêve rencontrer Morphée. J’espérais dormir et qu’à mon prochain réveil, je serai dans un endroit autre que celui ci. En forçant le sommeil, la rhétorique du plus que parfait, ce que j’appelle « l’imparfait du passé », m’envahit:

  • Si j’avais su, je devais plutot aller me refugier à Yaoundé. Tu es trop bête Christian ! me suis-je dit intérieurement. 
  • Si j’avais su, je serai même aller dormir chez un ami à Dschang, sachant que mon domicile serait le premier lieu où mes parents se rendraient…
  • Si j’avais su, j’aurai… !

Je n’eus point le temps d’achever ce songe que j’entendis marteler:

  • M. Elongué Christian, vous n’avez toujours pas fini de dormir?

J’avala une goulée de salive. Quand ton père t’appelle Monsieur, suivi de ton nom propre qui est encore le sien, Elongué, tu dois savoir que l’heure est grave.

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Mais je préfère arreter mon récit là pour l’instant. Il est déjà long comme ça. Si tu es intéressé pour la suite, prière de me l’indiquer en commentaire, je rédigerai et publierai cela avec plaisir. Ces expériences jeunesse sont vraiment très importante car d’elles j’ai appris beaucoup. Si c’était à refaire, je n’hésiterai point.

Si tu as également des actes de rébellion ou de delinquance juvénile que tu posé, sens toi libre de partager en commentaire. Le partage enrichit ! A +😊

 

Notes


S’enjailler = s’amuser, faire la fête.

Jonglage = débrouillardise.

Centaine de kolo = Centaine de mille !

Djoum dans les sissongo = prendre la poudre d’escampette.

 


Comment j’ai créé ma première entreprise ? (Part 1)

Hum ! Attention ! Je sais qu’à la lecture de ce titre, tu t’es empressé à cliquer sur le lien pour découvrir l’histoire d’un Serial Entrepreneur blindé qui possède une longue expérience en entrepreneuriat. Tu es surement impatient de voir les difficultés auxquelles il a été confronté, découvrir comment il les a surmonté afin que cela te serve de source d’inspiration ou de motivation pour t’encourager à te lancer ou à persévérer dans cette merveilleuse aventure périlleuse qu’est l’entrepreneuriat. Si tel fut ta principale motivation en cliquant, tu risques peut-être d’être déçu. Mais, c’est mieux de lire jusqu’à la fin pour te construire une idée : on ne sait jamais 😊. Le récit de la création de ma première entreprise, le Centre de formation Apprendre Pour Comprendre (APC) est en effet le fruit d’une double frustration : l’une académique, l’autre familiale. Ici je ne parlerai que du contexte familial, qui m’a poussé à développer ma vision entrepreneuriale. Je dis poussé parce que je ne l’aurais surement pas fait dans des conditions de vie ordinaire.

Commençons par un petit flashback…

Lorsque j’ai obtenu mon BAC A4 Espagnol au Lycée Bilingue de Bonabéri, je décide de quitter ma région natale pour aller me « cacher » à l’Ouest du pays, dans la ville estudiantine de Dschang. En prenant cette décision, je désirais me retrouver dans un cadre où je pourrais consacrer plus de temps à mes études. La ville de Douala et principalement le quartier populaire de MAMBANDA où j’avais grandi était trop « mouvementé » : le sexe, l’alcool, la délinquance juvénile et le banditisme y atteignaient un seuil inégalé. Immergé dans ce milieu depuis le secondaire, il fallait être très consciencieux et surtout avoir la Grâce divine sur soi pour ne pas se retrouver au sein des multiples gangs de voyous qu’on retrouvait au mètre carré. Et ce fut donc un véritable miracle pour moi que de quitter Mambanda sans être papa.

En partant, je laissais tout derrière moi : amis, camarades, famille, confort… Je quittais ce quartier dont les expériences ont façonné l’Homme que je suis aujourd’hui. Je quittais tout ! Pour entamer une nouvelle aventure dans une ville à l’autre bout du pays, réputée pour son climat « glacial », et dans laquelle je ne connaissais personne : aucun ami, aucun membre proche ou éloigné de la famille… Rien ! Bref j’allais démarrer une nouvelle vie, écrire de nouvelles pages de mon histoire, un détour sur mon parcours…

L’Exil salutaire…

En « exil académique » à Dschang, je me sentais plus confiant car loin des pratiques « mondaines » de Douala. A Mambanda, le rythme de vie était à cent à l’heure! Même sans le vouloir, on se retrouvait facilement dans l’ambiance. Or à l’époque ou j’arrive à Dschang, c’est tout le contraire, il fallait vraiment faire des efforts pour se divertir ou se faire plaisir. Les lieux de jouissance comme les Bars, Night-Club, Hotels et autres évènements récréatifs n’y étaient point à profusion.

A la salle de lecture de l'alliance franco-camerounaise @2010
A la salle de lecture de l’alliance franco-camerounaise @2010

Pour chasser l’ennui, je m’arrêtais au retour du campus, à la médiathèque de l’Alliance Franco-Camerounaise. Déjà fan de lecture depuis le collège, c’est ici que le livre deviendra une vivre qui m’énivre. Je m’étais lancé comme défi personnel de lire au moins un auteur parmi ceux indiqués dans la bibliographie des cours de nos enseignants universitaires. Ces recherches supplémentaires me permirent de mieux comprendre certains faits et ainsi de pouvoir aider gratuitement d’autres étudiants dans la compréhension des différents cours inscrits au programme.

C’est ainsi que se formèrent de petits groupuscules d’intérêt académique et ma voix, au départ écouté, finit par faire autorité. Des camarades venaient vers moi pour trancher ou élucider certains dilemmes épistémiques. Et au fil du temps, je finis par ressentir un certain plaisir à jouer ce rôle de médiateur des savoirs. J’étais heureux de pouvoir aider des personnes à mieux comprendre les cours puis les valider. C’était un véritable privilège pour moi que de pouvoir le faire et c’était TOUJOURS Gratuit, sans aucune conditionnalité, même pour les filles. Au terme de ma première année, j’organisais ainsi de petites rencontres informelles à domicile où nous travaillons sur toutes les disciplines dans lesquelles j’avais des connaissances solides.

Les prémices d’Apprendre pour Comprendre en 2011

Je devins très vite un leader académique, et la plupart me classait dans la catégorie des « Jean Ecole » : ces personnes passionnées par les études et s’y dédiant corps et âme, reléguant parfois au second plan certains plaisirs et jouissances pour se consacrer aux études. Et insidieusement, la façon dont la société nous perçoit affecte notre manière d’être. Conscient des attentes sociales – surtout celles de mes camarades dans mon environnement immédiat – je me fixais donc pour objectif d’être toujours à la hauteur des attentes et aussi de diversifier mon champ de connaissance.

Séance de travail avec mes amis en 2011
Séance de travail avec des étudiants en 2011 sur la pelouse de la FLSH – Dschang

Au terme de la première année, une quinzaine d’étudiants ont ainsi pu progresser au niveau supérieur grâce à mon soutien direct. Pendant ma deuxième année de licence, mon cercle d’influence s’élargit et c’est environ une quarantaine d’étudiant(e)s que « j’ai aidé » à avancer au niveau supérieur. Il m’était même arrivé une fois qu’au lieu de retourner à MAMBANDA après les sessions d’examen, je décidais de demeurer à Dschang, car de très nombreux camarades étaient dans des situations critiques et risquaient de reprendre le niveau.

J’y suis donc resté pendant deux semaines, n’ayant aucune matière à « rattraper » mais juste pour pouvoir travailler et renforcer les compétences académiques des étudiants. Evidemment, comme susmentionné, tout cela était 100% gratis car j’ai toujours pensé que servir autrui était un privilège et un honneur qui perdait son essence véritable si on en venait à le monétiser. L’intelligence est un don de Dieu. Pouvoir partager mes connaissances en toute aisance et sans complaisance, était donc un moyen de rendre Grâce à Dieu, détenteur des savoirs.

Cependant, un incident survint et changera non pas ma vision des choses mais mon regard. Mais avant de m’y pencher, s’il y’a un élément à retenir de ce premier épisode c’est qu’il est important d’investir sur soi-même mais aussi sur les autres. Les idées de création d’entreprise sont nombreuses. Chaque problème que vous identifiez dans votre communauté peut se transformer en entreprise si vous trouver le moyen de le résoudre. Tout service bénévole ou gratuit que vous rendez aux autres est une semence sur votre destinée. Et une Loi naturelle d’inspiration divine dit qu’on sème ce qu’on récolte. Aussi, ne réchignez jamais à toujours faire du bien autour de vous et à servir votre prochain. Car  c’est de lui que dépend une partie de notre bonheur et c’est grace à autrui qu’on peut entreprendre et comprendre sa vie…


Global citizenship education as a solution to cultural difference

We are the most affected by the multiple and often interlinked forms of violence such as terrorist attacks or political violence that we witness or read through media. Therefore, we are directly concerns in finding the solution in order to bring back a peaceful world where we can be more tolerant, respecting differences and sharing commonalities. The differences between people need not act as barriers that wound, harm and drive us apart. Rather, these very differences among cultures and civilizations should be valued as manifestations of the richness of our shared creativity.

With Globalization, our actions are no more having just a national or regional impact. We are now living in a global village where we have shared responsibilities. We must be belonging to a broader community and common humanity. We must develop that global consciousness and competencies that will enable us to understand and resolve global issues in our sociocultural, environmental and economic environment. The great aim of education is not knowledge but action.  Then Global Citizenship Education allows learners to act effectively and responsibly at local, national and global levels for a more peaceful, inclusive and sustainable world.

I strongly believe that it is difference that makes the beautifulness of the world because our identities are entirely made up of relations. Woven into other contributions, nourished by various worlds, born of unforeseen encounters: diversity is what we have in common. Our humanity is first and foremost a plurality. We are made by the world that we make, that we mix with, modelled by what comes from afar, crosses our paths and carries us forward. That’s why, I am engaged in the promotion of Art of Speech through debate and leadership training that I think is a tool to promote tolerance, emotional intelligence and critical thinking amongst youth. I think no matter how complex global challenges may seem, we must remember that it is we ourselves who have given rise to them. It is therefore impossible that they are beyond our power as human beings to resolve. Returning to our humanity, reforming and opening up the inner capacities of our lives can enable reform and empowerment on a global scale.

I want to play an active role as an agent of positive and constructive change for the maintenance of international peace and justice. I am very shocked when I watch terrorist attacks on the TV or event in my country Cameroon with Boko Haram and now the « Anglophone Crisis ». It is very painful but as that violence are perpetrated by other young like me, I have the responsibility to demonstrate that all youths are not violent, some are just victims of manipulation. As a youth leader, I want to prove that young people can construct and maintain peace, can build a bridge across the cultural barrier, can work together, educating each other and promoting peace. We must therefore work hard and be responsible in order to positively impact our society and build a better world.


Ne pas condamner le viol conjugal, c’est être misogyne

Le viol est un acte odieux, dégradant, avilissant et de lâcheté. Je pense qu’il est temps de considérer le viol, même conjugal, comme une pratique moralement, éthiquement et religieusement condamnable. Il faut mettre fin à l’impunité et considérer le viol conjugal un crime qui mérite d’être puni par la loi. Les 5 questions rhétoriques ci-dessous vous permettront de comprendre pourquoi rester silencieux, c’est se rendre complice de l’objectivation sexuelle des femmes.

 Quelques petites questions pour débuter…

  • Connaissez-vous véritablement ce qu’est le viol et ce qu’être violé signifie ?
  • En avez-vous déjà été victime ou témoin ?
  • Si non, aimeriez-vous en être victime ?
  • Si ‘non’ à la question 3, imaginez votre corps et vos parties intimes (homme ou femme) être pris d’assaut, agressé violemment par un corps étranger qui se sert de vous comme simple instrument ou objet de plaisir ? Comment vous sentirez vous après ? Heureux(se) j’espère !
  • Connaissez-vous l’impact psychique et traumatisant de cette pratique sur la victime ?

Si votre réponse est ‘Oui’ à la première question, alors vous n’avez pas besoin de lire la suite. Vous pouvez sauter ces lignes et aller directement signer cette pétition pour soutenir Hussein Noura, une survivante de viol qui a tué son mari en se défendant. Si votre réponse est plutôt ‘non’, vous devez absolument me lire jusqu’au bout !

Avez-vous déjà été victime ou témoin de viol ?

Si votre réponse est ‘Oui’ à la cette question, vous devez aisément comprendre l’expérience qu’a vécue Noura Hussein : être maintenue de force au sol par des hommes pendant que son « mari » la violait. Imaginez l’humiliation, la haine et le dégoût qu’elle a ressenti mais surtout ce sentiment de peur qui vous habite et ne vous lâche plus d’une semelle. La peur d’avoir à revivre la même expérience. La peur d’être à nouveau agressée, fouillée, utilisée comme du vulgaire papier hygiénique.

Oui ! Si vous avez vraiment été victime de viol, vous devez, même à l’instant présent où vous lisez ces lignes, toujours avoir cette peur-là enfouie au fond de vous. Elle refait surface chaque fois que vous vous retrouvez seule dans le noir. Depuis ce jour, vous avez peur de tout : peur du noir, peur des hommes et de vous-même. Car vous savez que vous serez imprévisible si jamais un autre homme s’aventurait à vouloir abuser de vous par la force. En tant que femme, il vous sera très difficile d’aimer ou d’accorder entièrement votre confiance à un homme suite au martyr qu’il vous ont déjà fait vivre.

Avez-vous déjà victime ou témoin de viol conjugal ?

Sodfa Daaji_Justice For Noura
Sodfa Daaji_Justice For Noura_Afropolitanis

Contrairement au viol commis par un étranger qui est unique, celui vécu en famille est régulier et les femmes doivent dans la plupart du temps, vivre dans la honte et l’humiliation, la peur de représailles et le déshonneur qu’une telle dénonciation jetterait sur la famille.  Cette humiliation perpétuelle les rend plus vulnérables aux infections sexuellement transmises par leur mari et exacerbent chez elles des tendances suicidaires

Maintenant !

Imaginez donc le désarroi de Noura Hussein, à l’idée d’être violée ainsi toute sa vie.

Imaginez sa frayeur à l’idée de subir le même supplice deux, trois, quatre, cinq, six…. fois.

Imaginez sa déception d’être incomprise par sa famille, qui ne voyait en elle qu’une marchandise.

Imaginez sa peine de se voir condamner à mort pour avoir voulu préserver sa dignité et son honneur.

En tant que survivante de viol, signer cette pétition, est un moyen pour vous de dire STOP au viol conjugal en Afrique et dans le monde. Selon les dernières statistiques, 51 % des Africaines considèrent que leurs maris ont raison de les battre quand elles sortent sans leur autorisation, ne s’occupent pas bien des enfants, refusent d’avoir un rapport sexuel ou laissent brûler le repas…

Toujours pour la question deux, si vous n’avez qu’été témoin de viol : soit votre sœur, votre mère, votre fille, votre tante ou tout une amie…  Alors vous devez savoir combien il est difficile de réconforter les victimes de viol. Vous devez connaitre ce sentiment d’impuissance qu’on ressent devant une personne meurtrie dans son être. Vous devez savoir que les mots, aussi beaux soient-ils ne soignent pas tous les maux, surtout les blessures psychiques, celles de l’âme et de l’esprit, qu’on écope après un viol. En tant que témoin, vous ne souhaiteriez surement point que cela arrive à quelqu’un d’autre. Vous avez l’opportunité aujourd’hui de soutenir non pas une mais toutes les victimes de viols de par le monde en signant cette pétition. Hussein est la voix de toutes ces victimes silencieuses qui n’ont point de voix.

Aimeriez-vous être victime de viol ?

A moins d’être sadomasochiste, il est difficile pour une personne de répondre par l’affirmative à cette question. Le viol est une pratique qu’on ne devrait souhaiter même à son pire ennemi. Il a été utilisé à de nombreuses reprises comme arme de guerre au Congo, en Centrafrique, et ses effets néfastes à long terme sur les victimes ont conduit la Cour Pénale Internationale (CPI) a le considéré comme une arme de « destruction massive », un crime contre l’humanité. Ainsi, tous ces hommes qui « forcent » leurs femmes pour avoir des rapports sexuels sont des criminels de guerre en miniature. La seule différence réside au niveau du nombre de victimes mais la pratique avilissante reste la même. Le viol est surement l’atteinte la plus pernicieuse qui soit aux droits des femmes et à leur pudeur.

Puisque vous n’aimeriez jamais être victime de viol, alors vous devriez condamner les systèmes où cette pratique est « tolérée ». L’Article 91 de la loi soudanaise sur la famille ne reconnaît pas le viol d’une femme par son mari. « Une femme mariée doit obéir à son mari. Si le mari a payé la dot et s’il fournit un logement convenable, sa femme ne peut pas refuser les rapports sexuels ».  Au Maroc, l’article 475 du code pénal permettait à un homme coupable de viol sur mineure d’échapper à la prison s’il épouse sa victime. Amina Filali, une marocaine de 15 ans avait mis fin à ses jours après avoir été forcée d’épouser son violeur. La femme n’est point une propriété ni un objet sans émotion qu’on utilise bon gré mal gré.

La dot n’est qu’un rituel cultuel et culturel qui n’enlève point la liberté de la femme pour la concéder à son époux. Ainsi, une femme peut effectivement et délibérément refuser d’avoir les rapports sexuels si elle n’y est pas disposée. Le sexe nécessite d’ailleurs l’implication et la participation active des deux partenaires. Il devient une forme de violence si l’autre n’y consent point. Cette loi soudanaise, semblable à celle présente dans d’autres pays musulmans africains, refuse le droit aux femmes comme Noura Hussein, Amina Filali, Khadija Souidi… de jouir librement de leur corps. Si vous êtes contre cette instrumentalisation de la femme, alors veuillez signez cette pétition puis la diffuser.

Connaissez-vous l’impact psychique et traumatisant de cette pratique sur la victime ?

Martyrisée par des violeurs remis en liberté, Khadija Souidi s’est immolée par le feu / Afropolitanis
Martyrisée par des violeurs remis en liberté, Khadija Souidi s’est immolée par le feu / CP: Flickr

Connaissez-vous l’étendue du traumatisme et de la violence auxquelles sont sujettes des milliers de femmes victimes de viol ?  Sans suivi psychologique, les victimes s’en remettent difficilement. C’est le cas de la jeune marocaine de 16 ans Khadija Souidi, qui s’était immolée par le feu après que ses huit violeurs furent jugés non coupables et remis en liberté. Noura est un cas de viol où la victime est condamnée et les oppresseurs non. Elle n’est point une criminelle mais une « héroïne » qui a osée dire NON à son bourreau et s’est battu pour sa dignité. Au lieu de condamner, nous devons supporter et soutenir ces survivantes de violences sexuelles, les encourager à dénoncer leurs bourreaux et trouver justice.

C’est cette stigmatisation et l’acceptation sociale de cette pratique qui les emmurent dans le silence, sans espoir et prisonnière de dans leur propre foyer. C’est cette stigmatisation qui est à l’origine de la tragédie dans laquelle se retrouve Noura Hussein. Si les hommes sont pénalement punis pour les viols conjugaux, cette pratique régressera. Les autorités ayant préféré se réfugier dans le mutisme et l’indifférence, des millions de femmes continuent d’être victimes de ce crime silencieux, de vivre dans l’angoisse et la honte sans obtenir une prise en charge adéquate et sans que justice leur soit faite. Ainsi, ne pas condamner cette pratique c’est être misogyne. La question que nous sommes en droit de nous poser est : Jusqu’à quand ?


Une dédicace à l’homme qui m’a rendu Homme (I)

Résumé: A l’occasion de la fête des pères, je vous partage des souvenirs d’enfance de ma relation avec un homme spécial, mon père. Un sage incompris des siens à qui ce texte rend hommage. Au regard de la longueur du texte, je l’ai divisé en deux. Après lecture de cette 1ère partie, la seconde est disponible ici

 

Lorsque je rédigeais la section dédicace de mon 2ème master pro, je prenais le soin de caractériser en quelques mots, l’importance du dédicacé dans ma vie. Des quatre lignes qui constituait cette section figurait cette phrase : « A l’homme qui m’a rendu Homme ». Si je te demandais d’arrêter ta lecture à ce niveau, pourrais-tu deviner le personnage qui se cache derrière ces 8 mots ? Je suis persuadé que tu as la bonne réponse. Mais tu dois surement te demander : « Pourquoi ? » ou du moins « Comment ? » Eh bien, je t’invite à te laisser transporter par les lignes ci-dessous pour le découvrir…

Oui ! Je t’invite à découvrir un Homme très spécial dans ma vie. Un homme que j’ai connu toute mon enfance sans le comprendre. Un homme que j’apprends encore à connaitre. Un homme dont la nature simpliste et le caractère épicurien n’a cessé de m’étonner.

Cet homme est l’artisan de ma résilience.

Cet homme est le forgeron de ma bravoure.

Cet homme est le cordonnier qui a misé ses deniers pour coudre les sentiers de ma destinée.

S’il est vrai que cet homme est aujourd’hui l’objet d’une profonde et secrète admiration,

je dois avouer que ce n’étais point le cas au départ.

Oui ! Au départ, ses actions généraient en moi de l’incompréhension.

Au départ, ses décisions étaient l’objet de profondes scissions.

Au départ, de sa famille, il était incompris et acceptais volontiers de subir leur « mépris »…

Risible et immersible, il était la cible  de nos railleries enfantines.

Placide et parfois candide, il était autant un disciple de Voltaire que de Molière.

Le comique était une partie inhérente de sa personnalité.

J’aurais aimé continué à caractériser cet homme avec ce style poétique constitué de rimes croisées et impaires mais je suis à court d’inspiration… (Ah oui hein, ça arrive parfois… ! =) J’adopte donc le style narratif dans les lignes suivantes tout en espérant que cela n’affectera en rien ta lecture…

Bleck le Roc !

Blek le Rock, héro de BD. lafropolitain.mondoblog.org
Blek le Rock, héro de BD. Crédit : Quizz.biz

Je ne sais pas si tu connais ce personnage de bande dessinée. Blek le Roc est un héros de BD qui se caractérisait par sa force, sa bravoure et surtout sa capacité à se sortir des situations les plus risquées. Adolescent, lorsque je constatais que cet homme n’aimait jamais dépenser et que tous les plaidoyers du monde parvenaient difficilement à le faire flancher, je décidais, secrètement de le surnommé « Bleck Le Roc ». Je sais qu’il n’a jamais su (et ne saura peut être jamais) que nous l’appelions ainsi. Mais à l’époque, je n’avais pas trouver de meilleure expression pour caractériser ce que je percevais alors comme étant de « l’insensibilité » ou de l’indifférence…

Une enfance épicurienne

Interrogation au coeur e la philosophie épicurienne.
Interrogation au coeur e la philosophie épicurienne. Credit: Arrêtetonchar.fr

Je ne comprenais toujours pas pourquoi il refusait presque toujours de nous donner exactement ce que nous lui demandions. Quand on lui demandait 15 000 Frs pour l’achat de nos livres scolaires à la rentrée, il ne nous donnait presque jamais l’intégralité. Si on lui demande 1000 Frs pour l’argent des beignets de la semaine, il nous donnait 700 Frs. Les fêtes de Noël et la Saint Sylvestre étaient les principales périodes de l’année où nous recevions de l’argent pour renouveler quelques vêtements dans notre garde-robe.

Pendant cette période festive, comme tous les enfants, nous établissions une liste des habits que nous aimerions porter en ces jours festifs. Mais presque toujours, le nombre d’articles qui y étaient inscrits se voyait diviser en deux et réduit au strict nécessaire car le budget alloué ne permettait jamais de se les procurer tous. Cela générait évidemment de la frustration pour mes frères et moi car nous voyions d’autres enfants être gâtés avec des tenues toutes plus extravagantes les unes que les autres alors que leurs parents étaient moins nantis. Heureusement, malgré la modicité des moyens mis à disposition, nous revêtions toujours des tenues de qualité. Évoluant dans l’industrie vestimentaire depuis des années, notre mère, la commissaire spéciale de la famille, maîtrisait tous les « bons coins » pour dénicher des habits de qualité au « prix de gros ».

A la rentrée, mes frères et moi, prenions plaisir à dresser la liste des fournitures scolaires. Mais cette liste était ensuite méticuleusement tamisée pour ne retenir que le strict minimum. Alors que nos camarades avaient tous les 15 ou 18 livres inscrits au programme, nous n’avions que le tiers ou la moitié. Surtout les livres des matières de bases. Mais cela ne m’empêchait point cependant d’exceller dans la mesure du possible. Pendant les pauses récréatives, tandis que nos camarades mangeaient du pain-œuf-sardine, je me contentais, parfois du pain-spaghetti. En classe de Première, alors que la majorité de mes camarades avaient un téléphone Android, je me contentais d’un téléphone basique, sans tactile, avec écran noir/blanc.

Ce fut donc une enfance faite de frustration, de joies et colères. Insatisfait de la manne parentale, j’estimais et savais qu’ils pouvaient faire bien mieux si seulement la volonté y était. Mais ce ne fut presque jamais le cas, et cela s’est poursuivi ainsi même pendant mon adolescence. Aujourd’hui, je réalise que ces privations méritent des ovations, que ces sentiments d’insatisfaction font place à des sentiments de satisfaction.

Oui ! C’est maintenant que je réalise que l’homme qui m’a rendu Homme a commencé à me préparer dès l’enfance, s’assurant toujours de me garder hors de ma zone de confort. Car c’est le seul moment où l’esprit devient vif, énergétique et créatif. Dans le confort, l’esprit devient plus aisément disciple de la paresse, de la léthargie et de la procrastination. Mais ces privations, loin de générer de la convoitise, m’ont appris dès l’enfance, à me contenter du strict minimum, à le préserver jalousement et à apprécier l’abondance à sa juste valeur.

Cependant, à l’adolescence, l’homme qui m’a rendu Homme m’a fait travers traverser bien d’autres difficultés pour accélérer ma maturité. Je vous invite à découvrir mon parcours universitaire au prisme parental dans le prochain billet. J’espère que vous avez appréciez celui ci !

Je serai ravi d’avoir vos avis sur ces questions. Pensez vous que toujours satisfaire à tous les besoins des enfants est la meilleure façon de leur démontrer notre amour? Comment pensez vous que les parents devraient gérer les finances avec leurs enfants?

 


Les difficultés accélèrent la maturité

Ce billet est la suite et fin d’un texte initial en hommage à l’homme qui m’a rendu Homme. La première partie est disponible ici. Dans celui ci, je reviens sur mes premières années universitaires et les leçons de maturité que j’ai pu y tirer à travers les difficultés que j’ai surmonté. 

Dans la vie, les difficultés accélérèrent la maturité.

A l’université, les personnes qui connaissaient ma famille s’étonnaient toujours de mon mode de vie ascétique. Je ne pouvais me permettre certains plaisirs de jeunesse car je ne disposais point des moyens de mes actions. La ration mensuelle que je recevais était toujours taillée sur mesure, slim quoi ! Aucune démesure ne m’était permise. Cet étonnement était le même que celui manifesté par certains camarades de lycée, lorsque je leur révélais recevoir un argent de poche qui représentait (presque) la moitié du leur :

  • Ngnaoussi, toi-ci tu aimes trop faire semblant comme si tu n’avais pas l’argent. On te demande juste quatre Parle-G de 100 FCFA et tu dis que tu ne peux pas ? me lançait l’un d’eux.
  • Oui ! Mon argent de beignet n’est que 175 FCFA. Si je vous achète ces biscuits, je n’aurais plus de quoi acheter à manger durant la « Grande récréation »…
  • Dis donc… arrêtes de nous embrouiller. Ta famille est l’une des plus nanties de la ville. Tu es un muna bobo, donc tu dois être gaté le feu sort seulement…
  • C’est vrai ce que tu dis, Paulin, mais c’est point le cas avec moi. 
  • Donc tu veux dire que, nous ci, dont les parents ne sont que des débrouillards, recevons un argent de beignet qui est supérieur au tien ?

Cette question, aussi banale que paradoxale, m’avait été posée des dizaine de fois depuis l’enfance jusqu’à mon adolescence. Amis, camarades, cousins, nous n’arrivions point à comprendre ni à pouvoir expliquer cela. Notre niveau et mode de vie n’avait absolument rien d’extraordinaire. Je n’arrivais point à comprendre comment l’homme qui m’a rendu Homme (HrH) pouvait accepter de nous « punir » ainsi alors qu’il disposait largement de l’aisance financière pour satisfaire tous nos petits besoins.

Pourquoi devais-je mener une vie ascétique alors que mon père disposait largement de quoi m’offrir une vie de prince ?

Ce questionnement intérieur, qui cristallisait toutes mes frustrations, m’habita ainsi de l’enfance à l’adolescence, jusque pendant mes premières années à l’Université. Ce n’est qu’en 2013, que j’ai finalement pu donner un sens à ses actions. Ce n’est qu’en 2013, que j’ai été éclairé sur certaines de ses décisions qui jusqu’alors me paraissaient « dures ».

C’est là que j’ai commencé à comprendre que mon père était un sage assis qui voyait plus loin à l’horizon que moi debout. Ce n’est qu’à partir de 2013 que j’ai compris que mon père, en qui je ne percevais qu’insensibilité, était très sensible et préoccupé par notre destinée. Tellement soucieux qu’il avait accepté volontiers de persévérer sur la même lancée pendant des décennies, quitte à être traité d’ « aigri », « d’avare », de « radin » ou de Blek le Roc, par les membres de sa propre famille. Vous savez, les mamans aussi sont sensibles à notre destinée. Mais parfois, leur nature affective et émotive influence leur perception de la réalité.

Il m’a donc fallu attendre 2013, plus de vingt ans après le début de notre relation pour comprendre que mon père n’était devenu un « ROC » que pour faire de moi « un ROC ». De lui, j’ai appris que la vie ne nous offrira jamais tout ce dont nous avons besoin. De lui, j’ai appris que la vie est un combat ou seuls les bons soldats peuvent survivre. De lui, j’ai appris que lorsque tu craches en l’air, cela retombera, tôt ou tard sur ton visage.

Depuis l’enfance, il s’est consacré à m’entraîner et à m’armer d’un esprit de combat, de résilience et de résistance pour affronter les épreuves de la vie. Il aurait pu largement me gâter comme nous (de même que notre mère) le sollicitions, mais il ne l’a jamais fait. Il ne nous donnait que le strict minimum et rien de plus. Je ne dormais jamais le ventre affamé mais j’avais rarement plus qu’il n’en fallait.

Grâce à lui, j’ai pu découvrir assez tôt les dures réalités de la vie. Ses multiples privations ont fait de moi un économe sans pareil parmi mes pairs : aussi légère que fut mon allocation mensuelle à l’université, je parvenais toujours à me débrouiller jusqu’à la fin du mois. Qu’il ne respectât pas toujours les dates d’envoi m’a appris à ne jamais planifier sur ce qu’on ne possède pas encore. A la fin d’un mois, on se permet souvent certaines dépenses en sachant que le salaire tombera au début du suivant. Mais mon père était d’une nature imprévisible, et à maintes reprises je n’ai point reçu mon allocation mensuelle à la date escomptée. J’ai donc développé cette habitude de ne jamais mettre tous mes œufs dans un même panier et de prévoir l’imprévisible.

Aujourd’hui, je suis un « battant » au sens foningsien du terme, comme lorsque cette politicienne disait : « La vie c’est la bastonnade ». Aujourd’hui, je suis un « combattant » qui n’abandonne jamais. Aussi rudes les conditions soient-elles, je persévère jusqu’à la gare ! Aujourd’hui, je suis un « résilient ». Oui, je pense que c’est ça l’expression la plus juste qui exprime presqu’exactement l’être que mon père, ce forgeron visionnaire, a créé en moi. Très tôt j’ai du apprendre à « jongler » pour survivre et c’est grâce à ce jonglage que je suis où je suis.

Certains amis, « enfants gâtes » dont j’ai été jaloux plus jeunes, sont ceux qui m’envient aujourd’hui… On ne peut savoir gérer ce qu’on n’a pas durement acquis. Dépensiers éternels, certains  sont restés dépendants de la manne familiale. Mais grâce à mon Père, je suis vite devenu Indépendant, un Battant, un Combattant, un Résilient toujours prêt à affronter les épreuves de la vie.

Cela je le dois à ELONGUE Elie Bertrand. Ce père incompris mais sage. C’est lui, HRH, l’homme qui m’a rendu Homme, à qui j’ai dédicacé mon mémoire, à lui je dédicace ces lignes, qui ne sont qu’un nano-reconnaissance des sacrifices qu’il a enduré pour faire de moi ce que je suis. MERCI !

 

Si toi aussi tu as un père, une mère ou un tuteur qui ressemble à HRH, je t’invite à être patient et à toujours rechercher le bon côté des choses. Tout ce qui nous arrive est Grâce. Un Père n’est jamais le fruit d’un Accident. Ne regrette jamais le père ou les parents que le Créateur t’a donné. N’envie jamais les parents des autres, la vie des autres. Apprend à apprécier tes parents tels qu’ils sont, ta vie telle qu’elle est. Les Voies de Dieu sont insondables. Il est le Seul qui sait pourquoi nous naissons dans telle famille et pas dans telle autre. Et cela prend parfois du temps pour le comprendre : comprendre qu’on ne peut tout avoir dans la vie et qu’on est toujours à la meilleure place possible. Apprenons à développer une pensée positive, et notre regard sur le monde sera différent.

 

Si toi aussi tu as vécu ou continue à vivre initialement une relation difficile avec un de tes parents, je t’invite à partager ton expérience en commentaire et on pourra échanger ! A+


L’histoire de Noura Hussein, victime d’une société machiste et patriarcale et considérée comme criminelle

Noura Hussein, jeune soudanaise, a été condamnée il y a quelques jours à la peine de mort par pendaison pour avoir tué son mari alors que celui-ci essayait de la violer une seconde fois. Selon moi, elle est, comme toutes les jeunes filles mariées très jeunes et de force, une double victime : premièrement victime d’un mariage forcé et prématuré et deuxièmement victime de viols conjugaux. Mais cette fois-ci, au lieu de subir la situation, la jeune femme a refusé la soumission et a défendu sa dignité. Doit-elle être condamnée pour cela ? Doit-on tolérer les cas de viols conjugaux ou toute autre forme de violence faite aux femmes (violences physiques et violences spychologiques) ? Les maris sont-ils propriétaires du corps de leurs épouses ? La femme doit-elle accepter d’être instrumentalisée et considérée comme un objet, un objet de plaisir pour l’homme ?  Telles sont les questions que ce drame pose et auxquelles je tente de répondre dans cette analyse.  

Une histoire tragique qui fait de la jeune femme une victime

Le père de Noura Hussein avait décidé de marier contractuellement sa fille à son cousin, issu d’une famille très riche. Mais, pour échapper à ce mariage précoce et forcé, Noura s’est enfuie à Khartoum pour rejoindre sa tante. Après trois années passées à Khartoum, elle a reçu un appel lui disant que le mariage avait été annulé et qu’elle pouvait rentrer. Désireuse de voir sa famille, elle est donc revenue chez ses parents… pour finalement constater qu’elle avait été dupée puisque les préparatifs de son mariage étaient en cours ! Cette fois-ci elle était prise au piège. Elle ne pouvait plus échapper à ce mariage pour lequel elle n’avait pas été consultée, mariage arrangé, décidé par son père sans le consentement de Noura. On ne lui a pas demandé son avis, elle devait être docile et se résigner à accepter ce destin, un destin que d’autres avaient décidés pour elle et qui deviendra rapidement tragique. 

En avril 2017, après avoir terminé ses études secondaires, la jeune fille avait dû  déménager chez son mari. Mais Noura Hussein refusait toujours d’avoir des rapports sexuels avec l’homme qu’on lui avait imposé comme mari (Abdulrahman Hammad). Face au refus de la jeune épouse, le 2 mai 2017 le mari sollicita trois de ses cousins afin de la retenir physiquement au sol pendant qu’il la violait. Le lendemain, alors qu’il essayait à nouveau de la violer, elle réussi à s’échapper dans la cuisine où elle attrapa un couteau. Une bagarre s’ensuivit, la jeune femme essayait de se défendre pour ne pas subir un autre viol, elle donna un coup de couteau à son mari qui succomba. Elle fut alors emmenée à la police puis présentée à la justice soudanaise qui l’a déclarée coupable d’« homicide volontaire ». Noura est aujourd’hui condamnée à mort par pendaison. Selon les lois, ses avocats ont 15 jours pour faire appel de ce verdict.

Un tollé international

Le soutien d’organisations internationales telles que l’Union africaine, les Nations Unies et l’Union européenne est nécessaire pour faire la lumière sur la situation de Noura et prendre conscience de l’injustice qui lui est faite.

Selon Amnesty International : « La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant. L’appliquer à une victime ne fait que souligner l’échec des autorités soudanaises à reconnaître la violence qu’elle a endurée. […] Les autorités soudanaises doivent annuler cette condamnation manifestement injuste et s’assurer que Noura ait droit à un nouveau procès, équitable, qui prend en compte ces circonstances atténuantes»

« Noura est une victime, pas une criminelle, et devrait être traitée comme telle. Dans de nombreux pays, les victimes comme Noura recevraient des soins pour s’assurer qu’elles surmonteront le traumatisme de leurs expériences » a déclaré Yasmeen Hassan, Présidente Mondiale d’Equality Now, qui a initié avec Afrika Youth Movement, la rédaction d’une lettre officielle de clémence au président Omar al-Bashir.

« Où va le monde ? L’homme est-il un loup pour l’homme ? N’est ce point-là l’application de la très controversée loi du Talion ? Sinon comment comprendre que la famille de l’époux ait choisi la mort au lieu de l’indemnisation monétaire. La mort par pendaison de la jeune Noura va-t-elle ressusciter le défunt ? Ne serait-ce pas une mort inutile ? Où est l’essence et l’éthique du pardon ? » s’interroge, Ngnaoussi Cédric de Moremi Initiative for Women’s Leadership in Africa.

Le rôle des réseaux sociaux pour dénoncer l’inégalité femme-homme et l’injustice faite aux femmes au Soudan

L’écrivaine soudano-américaine Sara Elhassan fait partie des premières personnes qui ont utilié Twitter pour que cette histoire largement occultée depuis mai 2017 gagne en visibilité. Elle a appelé à la criminalisation du viol conjugal qui est courant mais tabou au Soudan. Comme beaucoup d’autres, elle a découvert cette affaire par le biais d’un article partagé sur WhatsApp. Les médias sociaux jouent un rôle important pour lutter contre les injustices car ils révèlent à tous des situations inacceptables. Ainsi, grâce aux réseaux sociaux, l’histoire de Noura a reçu l’attention qu’elle méritait et cela déclenche de nombreuses réactions. Le hashtag #justicefornoura et la pétition sur Change.org ont déjà rallié plus de 70 000 voix de par le monde.

Au Soudan, les médias sociaux ont déjà joué un rôle important par le passé, par exemple lors du mouvement de désobéissance civile de 2016. Les gens avaient alors organisé des grèves pour protester contre les hausses de prix et les coupures de subventions de carburant. Bien que l’internet soit inaccessible à une grande partie de la population au Soudan, et que la liberté de l’Internet  soit décrite dans ce pays comme  » fragile  » par Freedom House,  dans le cas de Noura un mouvement de soutien est né et les militantes du pays sont en première ligne (par exemple Walaa Salah).

Signe de protestation contre la condamnation de Noura Hussein au Soudan
Signe de protestation contre la condamnation de Noura Hussein au Soudan

Un hashtag a été créé –  #justicefornoura – il continue de gagner du terrain, ceux qui sont à l’origine de la campagne de soutien envers Noura espèrent que leurs efforts ne seront pas vains. Déjà, en avril 2016, des étudiants de l’Université Rhodes en Afrique du Sud avaient protesté en ligne contre les violences faites aux femmes, ils avaient organisé une manifestation contre l’attitude de l’institution à l’égard du viol et de la violence sexuelle en utilisant les hashtags #nakedprotest et #rureferencelist.

Ce n’est pas la première fois que les femmes du continent africain créent des campagnes sur les réseaux sociaux pour dénoncer les injustices. En novembre 2014, la vidéo d’une femme agressée à un arrêt de bus dans la ville de Nairobi, avait créé un tollé. La vidéo montrait qu’elle avait été déshabillée et agressée par un groupe d’hommes qui prétendaient qu’elle était habillée de façon indécente (ce qui justifiait, selon eux, leur agressivité). Des femmes ont alors utilisé le hashtag  #mydressmychoice pour exprimer leur soutien à la victime. Autre exemple, la campagne #justiceforliz en 2013, elle avait été lancée à la suite d’une affaire de viol sur une jeune fille de 16 ans. Elle avait été violée par un gang et laissée pour morte, la campagne a contribué à l’arrêt de trois hommes qui ont ensuite été condamnés à 15 ans pour viol collectif et sept ans pour lésions corporelles graves.

 

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Les violences conjugales sont communes au Maghreb. Photo: Piktochart

Les réseaux sociaux ont donc un pouvoir important, le pouvoir de rallier les gens au niveau national ou international et de faire connaitre à tous des situations d’injustice. En amplifiant les voix de ceux qui contestent, ils permettent de soutenir ceux qui sont directement confrontés aux problèmes. Le pire c’est le silence. Car le silence permet aux injustices de perdurer… si tout le monde se tait, alors l’injustice continue. Se taire c’est donc être complice de l’injustice. Dans le cas de Noura, nous devons briser le silence sur la condition des droits des femmes et des filles au Soudan.

Noura Hussein, peut être un espoir pour les sans espoirs ?

Rappelons que, selon l’Indice d’inégalité de genre de l’ONU, le Soudan est classé 165ème sur 188 pays.  L’ONU souligne aussi qu’au Soudan, la violence contre les femmes et les filles est considérée comme répandue. Le pays n’a pas signé la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes et dispose de faibles politiques de protection des droits de la femme. Dernier point : le Soudan, comme beaucoup de pays africains musulmans, ne considère pas le viol conjugal ni le mariage d’enfants comme un crime. La loi soudanaise autorise le mariage d’une fillette dès qu’elle atteint l’âge de 10 ans. Une femme soudanaise sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans. Lorsque l’on prend conscience de la réalité que recouvre tous ces chiffres, qui peut envier les conditions de vie des femmes au Soudan ? On assiste à une injustice institutionnalisée.

Le cas de Noura est tellement choquant qu’il attire l’attention sur l’état des droits des femmes sous le régime oppressant du président soudanais Omar Al-Bashir. En prenant le relais, les réseaux sociaux essayent d’ouvrir le débat au niveau international. Noura n’est pas une criminelle mais tout simplement une victime. Elle est victime d’une société machiste et patriarcale, autoritaire envers les femmes et qui ne reconnait pas pleinement les droits et les libertés des filles et des femmes.

Pour soutenir Noura, merci de bien vouloir signer la pétition disponible sur Change.org. Et merci de partager et diffuser.


#JusticeForNoura : Noura, jeune soudanaise, mariée de force et violée, aujourd’hui condamnée à la peine de mort pour avoir tué son mari.

Sodfa Daaji_Afropolitanis_JusticeForNoura
   Sodfa Daaji, coordinatrice comité sur l’égalité des sexes pour AYM. Credit: Council of Europe

Sodfa Daaji est la Coordinatrice du Comité pour l’égalité des sexes du Afrika Youth Movement (AYM). Elle exprime ici l’urgence vis à vis de la situation de Noura Hussein Hammad, jeune femme soudanaise condamnée à la peine de mort par pendaison pour avoir assassiné son mari qui voulait la violer une fois de plus. Une campagne a été lancée :
Le hashtag : #JusticeForNoura.  
L’email de Daaji si vous souhaitez signer la pétition : daajisodfa.pr@gmail.com.

SDJ : Pouvez vous nous décrire la situation de Noura Hammad ?


Sodfa Daaji : Noura est une jeune femme soudanaise de 19 ans. Elle a été victime d’un mariage forcé (à l’âge de 15 ans), mais aussi de viol conjugal et de violence domestique. Au début, Noura a tenté de changer son destin en s’échappant de chez son mari pour rester avec sa tante (dans la ville de Sinnar). Elle est restée chez sa tante quelques temps, mais son père l’a convaincue de retourner chez son mari (il lui a promis que le mariage avait été annulé), la jeune Noura a été dupée.

Elle a été mariée contre son gré. La cérémonie de mariage a eu lieu à Khartoum. Les trois premiers jours, elle a refusé tout rapport sexuel avec son mari. Son refus a amené son mari à solliciter son frère et ses cousins… puis le 4ème jour, il l’a violée alors que les frères et les cousins la retenaient par terre de force.

Le lendemain, il a essayé à nouveau de la violer mais elle a pris un couteau et lui a dit : « tu meurs ou je mourrai ce soir« , ce à quoi son mari a répondu : « voyons qui mourra ce soir ». Noura l’a alors poignardé deux fois et s’est échappée pour aller chez ses parents. Le mari de Noura est mort. Ensuite, après avoir admis le crime qu’elle avait commis, son père l’a emmenée au poste de police.

Noura a pu raconter cette scène lors d’une conversation avec l’activiste et directeur de SEEMA, l’organisation qui suit directement le cas de Noura au Soudan (SEEMA est une organisation non gouvernementale qui travaille avec les victimes et les survivants de la violence basée sur le genre).

En somme, Noura est victime de violence basée sur le genre, c’est à dire de violence due à l’inégalité entre les femmes et les hommes.

SDJ : Quel est le sort probable pour Noura Hammad ?

Daaji : Sa situation est difficile parce-que cela se passe au Soudan. Il faut donc prendre en compte différents éléments. Tout d’abord, la situation des droits humains au Soudan. Cette affaire a été rendue publique quelques jours seulement avant l’ouverture du procès, et la principale raison à cela, c’est que le gouvernement réduit continuellement au silence la presse, qui n’est pas libre. Ensuite, le Soudan est soumis à la charia et il n’y a pas beaucoup d’espace pour les juges en matière d’interprétation pour défendre le droit des femmes.

Noura a été inculpée en vertu de l’article 130. Bien que le viol conjugal soit reconnu dans les textes de loi au Soudan, il semble qu’il soit malgré tout courant. Le problème c’est que l’ensemble des circonstances qui entoure ce drame n’a pas été pris en considération. Un autre point que je voudrais souligner est le fait que Noura est une femme. Nous faisons pression pour que la perception des femmes dans la société soudanaise change. Mais le problème des femmes dans cette société demeurera tant le viol peut être justifié comme un acte « normal » dans un rapport sexuel entre mari et femme.

Noura a défendu son droit en tant que jeune fille mais son âge n’a pas été pris en considération. En revanche, ce qui a été mis en avant, c’est le fait qu’une femme ose dire NON à son mari. Ce qui est grave c’est de penser que, parce-que Noura a, d’une certaine manière, brisé l’ordre établit, et parce-qu’elle est allée à l’encontre de ce destin qui avait été écrit par ses parents, elle est mal vue. Au Soudan, le mariage est possible dès la puberté des femmes (c’est à dire dès qu’elles ont leurs règles, donc parfois très jeunes, entre 10 et 13 ans). La culture du pays est dominée par le phénomène des mariages précoces.

Autre chose, cette fois-ci à propos de la famille du mari. Selon la charia, on peut dire : « vous pouvez payer ou vous pouvez mourir ». La famille du mari étant riche,  ils n’ont pas besoin de l’argent de Noura pour compenser leur préjudice. La famille de son mari a donc refusé l’option de la gracier et a rejeté la compensation financière. Ainsi, lors du dernier procès (le 10 mai 2018) ils ont choisi de condamner Noura à la peine de mort.

Les avocats de la famille du mari font pression en insistant sur l’aide économique que la famille de Noura a reçue pendant les années du mariage. Nous comprenons donc à travers ce drame comment Noura était et est perçue : elle est un objet, vendu par sa famille, dont le devoir était uniquement d’obéir à son mari.

L’équipe juridique dispose de 15 jours pour faire appel du verdict de peine de mort. Avec la médiatisation de cette affaire, nous avons malheureusement subi beaucoup les pressions ces derniers jours, mais peu importe. Le plus important aujourd’hui c’est de prendre conscience qu’il y a urgence, car force est de reconnaître que le temps est très court et qu’il nous sera difficile de sauver la vie de Noura dans les 15 jours. Pour ce faire, nous devons atteindre le président soudanais, mais son très mauvais bilan en matière de droits humains ne nous incite pas à être optimistes pour Noura.

SDJ : Comment les gens peuvent-ils faire pour aider Noura ?

Daaji : Nous essayons de faire du bruit dans le but d’être entendus par les Nations Unies, l’Union africaine et les chefs d’État africains, car ce sont eux qui sont en contact avec le président soudanais. Nous avons aussi un hashtag officiel #JusticeForNoura et une pétition est en ligne sur Avaaz.com (https://goo.gl/RTEXhj) et Change.org (https://goo.gl/KifZmd)

Par ailleurs, toute personne est libre d’adhérer à la PAGE FB officielle (https://goo.gl/rfAzGD ) et/ou de nous rejoindre sur twitter @christianovich2 @sodfadaaji @ENoMW @AfrikaYM @badreldins

Enfin, nous souhaitons adresser une lettre au Haut Commissaire du OHCHR. C’est pourquoi, nous demandons aux organisations de défense des droits humains de lire la lettre et de la signer avec le nom de l’organisation et le nom d’un représentant de l’organisation. Les particuliers peuvent également s’inscrire en nous fournissant une courte biographie, leur nom complet et leur pays d’origine. (Pour recevoir la lettre, n’hésitez pas à me contacter à daajisodfa.pr@gmail.com).

J’ai appris au cours de ces deux derniers jours que le pouvoir nous appartient, si nous essayons juste de travailler ensemble sans frontières. Nous avons une voix ; il nous suffit d’apprendre à l’utiliser pour être entendus.

Merci beaucoup pour cette occasion et pour avoir pris le temps de parler de Noura.

SDJ : Merci pour cette opportunité et pour votre temps, Sodfa.

 

Note éditeur: Il s’agit ici de notre traduction française d’une interview accordée à Scott Jacobsen sur l’urgence de se préoccuper de la situation de Noura Hussein Hammad.